Le christianisme est « la religion la plus
persécutée au monde » avec 100 à 150 millions de croyants empêchés de vivre
leur foi, selon un ouvrage collectif déjà paru en France et prochainement en
Italie, qui veille à ne pas nourrir la caricature « Allah contre Jésus ».
Le « Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde » (Xo éditions)
est « dépourvu de la moindre intention apologétique ou polémique » et vise
seulement à « souligner l’ampleur du phénomène », écrit l’historien italien
Andrea Riccardi, fondateur de la communauté Sant’Egidio, très engagée en
faveur de la paix dans le monde.
Co-directeur de cet ouvrage de 800 pages, il estime que les persécutions
contre les chrétiens sont méconnues à cause du « sentiment de culpabilité » lié
aux violences commises au nom de la chrétienté dans l’Histoire.
Mais, aujourd’hui, « nous avons le devoir de parler, de nous insurger », juge
l’évêque français Jean-Michel Di Falco, qui a également co-dirigé cette somme
rédigée par 70 contributeurs de 17 nationalités.
Entre « 100 et 150 millions d’âmes » chrétiennes sont persécutées dans le
monde. Trois quarts des actes antireligieux visent des chrétiens et 137 pays
sont concernés par ces discriminations ou violences, selon le livre noir.
Il est difficile de récolter des chiffres plus précis et les estimations du
nombre de chrétiens tués chaque année font le grand écart (entre 7.000 et
100.000 morts selon les sources), rappelle le vaticaniste américain John Allen.
Pour autant, il n’a aucun doute sur le fait que les chrétiens sont
numériquement les plus persécutés, notamment parce qu’ils sont la principale
communauté religieuse avec 2,3 milliards de croyants.
– Jihadistes, nationalistes, mafias –
Comme les autres auteurs, il rejette la thèse du « choc des civilisations »
entre mondes chrétien et musulman, mais aussi tout angélisme: « L’islam radical
est certainement le plus grand fabricant au monde de haine des chrétiens. Cela
étant, s’il venait à disparaître (…) les chrétiens ne seraient pas pour
autant en sécurité. »
Si les jihadistes du groupe État islamique menacent les chrétiens d’Irak ou
de Syrie, d’autres radicalités s’en prennent aux catholiques, protestants et
orthodoxes ailleurs: les nationalistes hindouistes et bouddhistes en Inde ou
au Sri Lanka, les régimes communistes de Chine ou de Corée du Nord.
Les conflits interethniques, comme en Centrafrique, font d’autres victimes,
alors qu’en Amérique latine, des religieux sont tués quand ils dénoncent la
corruption ou les trafics de drogue.
Un état des lieux, région par région, affine encore cette analyse, en
soulignant par exemple que les chrétiens de Syrie paient aussi le fait que le
régime de Bachar al-Assad les a longtemps protégés.
En réponse à ces persécutions, il est « très important de travailler avec
les fidèles des autres religions », a souligné le dernier co-directeur de
l’ouvrage, le Britannique Timothy Radcliffe.
« On voit bien que ce ne sont pas seulement les chrétiens qui souffrent au
Proche-Orient, c’est encore pire pour les musulmans », a ajouté l’ancien maître
général de l’ordre religieux des Dominicains lors d’une conférence de presse.
Le « Livre noir » fait donc une place à des religieux musulmans et juifs,
comme l’imam de la Grande mosquée de Bordeaux (sud-ouest de la France) Tareq
Oubrou et au Grand rabbin de France Haïm Korsia, qui relaient ce message
d’amitié interreligieuse.
Quant au philosophe français André Comte-Sponville, il assume le rôle de
« l’athée de service » et écrit: « Défendre les chrétiens lorsqu’ils sont menacés
à cause de leur foi, ce n’est pas défendre une religion contre d’autres: c’est
défendre, partout où elle est attaquée, notre commune liberté de croire ou de
ne pas croire. »
Paru jeudi en France, le livre sera disponible en Italie courant novembre.
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