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Ukraine: le Boeing abattu par un missile sol-air

Dominique Faget (AFP)

« L’avion s’est désintégré, des débris ont même été retrouvés à dix kilomètres », expliquent des habitants

Un morceau de la queue de l’avion avec les couleurs de la Malaysia Airlines gît dans un champ de blé près d’une petite route de campagne. De l’autre côté, on a rassemblé des valises, des sacs et quelques autres effets personnels.

« C’est pas beau a voir », avertit un milicien séparatiste prorusse. Dans le fossé, les armatures de deux sièges de l’avion. Deux torses y sont encore maintenus par des ceintures de sécurité.

Partout dans les champs alentours, des dizaines de corps, souvent déchiquetés, des membres épars. En plein milieu de la petite route de campagne, un pied sectionné témoigne de la violence du choc.

L’avion s’est désintégré et des débris ont même été retrouvés dans un village à dix kilomètres, expliquent des habitants. « Je m’étais assoupie, il devait être environ 16h00 », dit Katia, 62 ans. « Il y a eu un énorme bruit, ça a secoué comme un tremblement de terre ».

Un réacteur, un train d’atterrissage et un gros morceau de fuselage sont tombés dans le champ juste en face de sa ferme. Ils brûlent encore par endroits dans une forte odeur de kérosène. Le chemin de campagne sur lequel ils se sont écrasés a été oblitéré.

« Je me suis cachée dans la cave avec mon bébé », dit Natalia, 36 ans. Son mari, Alexandre, 43 ans, montre la palissade en bois de la ferme, noircie par les flammes. « Les raisins de la treille ont aussi brûlé, on a eu beaucoup, beaucoup de chance », dit-il.

Quand ils ont entendu une première explosion, l’avion était encore en l’air, mais déjà en train de se désintégrer. La guerre entre séparatistes et loyalistes n’avait pas touché leur hameau, mais, à l’occasion des combats des derniers jours dans des localités un peu à l’est, plus proches de la frontière russe, ils ont vu voler les avions de chasse ukrainiens.

Pas de survivants

« Ces pauvres gens » soupire Natalia, « vous croyez qu’ils comprenaient quelque chose à cette guerre en Ukraine ? Déjà que nous, on n’y comprend rien ».

Les premiers secours sont arrivés une vingtaine de minutes après l’accident, mais sans espoir de retrouver des survivants. Deux lances à incendie s’étirent inutilement dans le champ, témoignant de l’impuissance des pompiers locaux face a l’ampleur de la catastrophe.

« Les chefs doivent installer un QG et nous dire quoi faire, alors on le fera », soupire l’un d’eux.

La nuit tombe. Pas de groupe électrogène. Pas d’éclairage. Les pompiers s’éclairent aux phares de leur camion. Partout dans les champs reposent encore les restes des victimes du vol de Malaysia Airlines.

Oleg, un combattant séparatiste, explique avoir retrouvé 13 corps. « Je ne vois pas comment il pourrait y avoir des survivants, ils étaient en morceaux ». « Comment l’avion est-il tombé, je ne le sais pas, mais nous sommes des combattants pas des terroristes dit-il, à propos des accusations de tirs de missiles.

La zone du drame est située a quelque 25 km de la frontière russe à vol d’oiseau.

Abattu

Un responsable américain a expliqué que des analyses étaient toujours en cours, mais qu’il ne faisait guère de doute qu’il s’agissait d’un missile sol-air.

Les forces russes et ukrainiennes possèdent toutes deux des variantes du système de missiles sol-air de moyenne portée Buk, dont les SA-11 et SA-17, capables d’atteindre des cibles à une altitude de 25 kilomètres. Le vol MH17 de la Malaysia volait à environ 10 km d’altitude, trop haut pour les systèmes portables.

Dans la terminologie de l’Otan, les missiles Buk sont désignés sous le terme de Gadfly.

Les missiles sol-air Buk sont très répandus. Avant le début du conflit ukrainien, Kiev en possédait six à huit batteries, a expliqué à l’AFP Edward Hunt, analyste de défense chez IHS Jane.

La Russie en possède beaucoup plus, ainsi que des systèmes sol-air plus sophistiqués, notamment le S-300 et le S-400, mais on ignore si ces systèmes sont déployés dans la région.

L’usage de Buk requiert plus d’expertise que les systèmes portables, ce qui semble écarter l’hypothèse d’une utilisation par les séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine, selon Edward Hunt.

En général, les forces rebelles ou séparatistes n’en ont pas, pour la bonne raison que leur utilisation requiert beaucoup d’hommes, beaucoup d’entraînement et beaucoup de pièces détachées, dit cet expert militaire.

Les systèmes Buk sont mobiles, installés sur des véhicules. Ils peuvent frapper des avions, des hélicoptères, des missiles de croisière ou d’autres cibles.

Ils ont été vus sur la Place rouge à Moscou, lors de parades militaires soviétiques, et ont commencé à être fabriqués dans les années 1970.

Les dernières versions sont fabriquées dans une usine à Ulyanovsk par le fabricant Almaz-Antey, visé par les récentes sanctions américaines.

(Avec AFP)

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