Des centaines de personnes sont
attendues mercredi à Djerba pour le pèlerinage juif de la Ghriba, placé sous
très haute surveillance après l’attentat du Bardo et une mise en garde
d’Israël contre des projets d’attaques en Tunisie.
Des barrages ont été installés aux accès de l’île de Djerba (sud), où se
trouve la Ghriba, la plus ancienne synagogue d’Afrique. Le périmètre du lieu
de culte, orné pour l’occasion d’une multitude de petits drapeaux tunisiens,
était bouclé mercredi matin et son entrée gardée par plusieurs camions de
police et un blindé de l’armée, selon une journaliste de l’AFP.
La Tunisie compte aujourd’hui près de 1.500 juifs, dont la majorité vit à
Djerba, contre 100.000 en 1956 avant l’indépendance. En plus des pèlerins
tunisiens, quelque 500 personnes venues de France, d’Israël, d’Italie mais
aussi de Grande-Bretagne et des Etats-Unis doivent participer mercredi et
jeudi à cet évènement festif, selon un organisateur.
Les pèlerins sont attendus à la Ghriba en début d’après-midi mais certains
avaient déjà fait le déplacement dans la matinée.
« Il y a beaucoup de sécurité, on voit des militaires et des policiers
partout, ça nous rassure énormément », a dit à l’AFP Lorine Bendayan, une
sexagénaire venue de France.
Le pèlerinage annuel de la Ghriba, visé en 2002 par un attentat suicide au
camion piégé (21 morts) revendiqué par Al-Qaïda, est toujours placé sous forte
protection. Mais il fait l’objet cette année d’une vigilance accrue après
l’attentat du 18 mars au musée du Bardo à Tunis, revendiqué par l’organisation
Etat islamique (EI), dans lequel 21 touristes étrangers et un policier
tunisien ont été tués.
Israël a en outre récemment assuré disposer d’informations faisant état de
« projets d’attentats terroristes contre des objectifs israéliens ou juifs en
Tunisie », en conseillant de ne pas se rendre dans ce pays.
« Nous n’avons pas peur », a lancé Mme Bendayan, balayant d’un revers de la
main la mise en garde d’Israël.
La Tunisie a de son côté sèchement répliqué à l’annonce israélienne,
qu’elle a considérée comme « pas innocente » et infondée. Lors d’une conférence
de presse mardi, le ministre tunisien de l’Intérieur Najem Gharsalli a estimé
que l’Etat hébreu entendait ainsi « affecter le pèlerinage » et « nuire à la
– ‘Coexistence et tolérance’ –
Un responsable du ministère de l’Intérieur avait démenti auprès de l’AFP
l’existence de menaces à l’encontre de la Ghriba, et M. Gharsalli avait assuré
dimanche à Djerba que la Tunisie était « capable de protéger les juifs et les
visiteurs de la Ghriba mieux que d’autres pays ».
« Les plus hauts degrés » de sécurité sont en place pour le pèlerinage, a
insisté mardi le ministre, en faisant état de la « vigilance jour et nuit » des
forces de l’ordre.
D’après M. Gharsalli, la réussite du pèlerinage est importante car elle
renforcera l' »image de coexistence, de civilisation et de tolérance » de la
Tunisie.
Seules quelques centaines de visiteurs étrangers sont toutefois attendues
cette année, selon l’un des organisateurs de l’évènement, René Trabelsi, loin
des quelque 8.000 personnes qui affluaient généralement avant l’attentat de
2002.
« De l’étranger, on attend à peu près 500 personnes. Avant l’attentat (du
Bardo), on s’attendait au retour du pèlerinage (à ses niveaux d’avant 2002).
Après l’attentat -c’est tout à fait logique et normal- beaucoup de gens ont eu
peur », a-t-il dit à des radios.
« On doit rebâtir ce pèlerinage comme (on doit rebâtir) notre tourisme »,
affecté par l’instabilité qui a suivi la révolution de janvier 2011, a-t-il
ajouté.
La Tunisie fait face depuis le soulèvement ayant renversé le dictateur Zine
El Abidine Ben Ali à un essor de la mouvance jihadiste, qui a tué plusieurs
dizaines de militaires et de policiers depuis fin 2012. Jusqu’à l’attentat du
Bardo, les civils avaient été épargnés par ces attaques.
Pendant le pèlerinage de la Ghriba, les pèlerins prient, allument des
cierges et déposent des oeufs barrés de voeux dans une cavité au fond de la
synagogue.
Ils portent ensuite la « Menara », un objet de culte monté sur un tricycle et
décoré de foulards auparavant vendus aux enchères dans une ambiance de
kermesse, lors d’une courte procession étroitement encadrée par la police.
bur-iba/vl