Trois mois de prison avec sursis et 10.000 euros
d’amende ont été requis vendredi à l’encontre de l’essayiste d’extrême droite
Alain Soral, accusé d’incitation à « la haine, la discrimination ou la
violence » à l’égard du journaliste Frédéric Haziza et de la communauté juive.
« On est ici dans l’appel à la haine de l’autre. Et l’autre, c’est M. Haziza
et c’est le Juif. On est là au-delà de la liberté d’expression et personne
dans notre République ne devrait pouvoir être l’objet de telles attaques », a
déclaré le procureur Annabelle Philippe.
Dans une vidéo diffusée en décembre 2012 sur internet, Alain Bonnet, dit
Soral, décernait le titre du « con du mois » à Frédéric Haziza, journaliste de
la chaîne parlementaire LCP et de radio J, qui avait refusé de le recevoir
pour parler de son dernier livre en lui reprochant de « de véhiculer des
messages de haine, de violence, de racisme et d’antisémitisme ».
« Si j’ai refusé de recevoir M. Soral, c’est que j’ai été meurtri par ce qui
se trouve dans sa littérature et sur son site », a expliqué à l’audience M.
Haziza, se disant victime depuis lors d’un acharnement des « fans » de Soral qui
le poursuivent avec « des messages de haine ».
Sur son site, Alain Soral avait dépeint M. Haziza comme « un journaliste
issu de la communauté dont on n’a pas le droit de parler qui occupe…oui
c’est le mot…il s’agit d’occupation…à peu près la totalité de la super
structure idéologique de la France » et qui fait « un boulot de censeur
tribaliste ».
« J’en ai plus que marre que des gens qui représentent moins de 1% de la
population française et qui tiennent à peu près toutes les places de décision
crachent à la gueule des Français comme moi », avait-il ajouté en dénonçant
« une arrogance, une domination et une malhonnêteté communautaire ».
A la barre, Alain Soral, 56 ans, crâne rasé, blouson de cuir sur un
tee-shirt portant l’inscription « Goy » (non-juif) en lettres gothiques, s’est
présenté comme une victime « de persécutions d’une communauté organisée ». « Je
suis menacé à travers des procès, on tente de me faire taire », a-t-il lancé en
présentant sa vidéo comme « humoristique ».
« Expliquez-nous son caractère comique », lui a demandé le président.
« C’est de l’ironie, celle qui fait rire dans les spectacles de l’humoriste
Dieudonné », a répondu Soral qui a affirmé ne pas viser tous les juifs mais « la
communauté des juifs sionistes communautaires radicalisés ».
M. Haziza et plusieurs associations dont l’Union des étudiants juifs de
France (UEJF), la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), SOS
racisme et la Ligue des droits de l’Homme se sont constitués parties civiles.
« M. Haziza n’est pas visé en tant que journaliste mais en tant que juif », a
fait valoir son avocate, Me Stéphanie Zaks. « A travers lui, c’est toute la
communauté juive qui est ciblée », a ajouté Me Jérémie Boulay pour la Licra.
« M. Soral est un prédicateur de la haine qui fait sa propagande sur le dos de
M. Haziza », a résumé Me Stéphane Lilti, pour l’Union des organisations juives
de France (UOJF).
Les parties civiles ont réclamé le retrait de la vidéo incriminée et la
publication du jugement sur le site d’Alain Soral et dans plusieurs journaux.
SOS racisme et la LDH ont en outre demandé chacun 5.000 euros de dommages et
intérêts.
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 21 novembre.
pr/caz/ei