Paris, 18 mai 2016 (AFP) – Volontiers hâbleur, Marco Mouly, l’un des
principaux prévenus au procès d’une escroquerie à la « taxe carbone » à 283
millions d’euros, a invité mercredi ses juges à porter le regard au-delà de
lui seul, évoquant des gens « très importants », sans toutefois se montrer très
précis.
Pour l’accusation, il serait l’un des organiseurs de l’escroquerie à la TVA
sur le marché des quotas d’émission de CO2 en 2008-2009. Depuis le début du
procès il y a deux semaines, il n’a cesse de répéter qu’il n’a fait qu’ouvrir
des comptes bancaires à Chypre, Hong Kong et Tunis.
En échange, Samy Souied, l’un des organisateurs présumés, assassiné en 2010
à Paris, devait effacer selon Marco Mouly une dette de 900.000 euros qu’il
avait envers lui, datant de 2004.
Légal ou pas? Marco Mouly ne s’y intéressait alors pas, il pensait avant
tout à sa dette.
Toujours vêtu avec soin, mercredi d’un blouson de cuir kaki assorti à son
pantalon et son pull sans manches, le prévenu, bientôt 51 ans, menait grand
train. Pour l’accusation, ses millions provenaient de l’arnaque à la « taxe
carbone ». Il rétorque qu’il n’aurait pas mis de l’argent issu d’une
escroquerie sur un compte « casher ».
Il jure qu’il a remporté cet argent, qui se trouvait sur des comptes
intitulés « Equinoxe » et « Fantomas », au poker – il jouait entre autres avec
Patrick Bruel ou Gad Elmaleh, mais pas avec son cousin, « on se mange pas »
entre nous – ou en bourse, où il gagnait « énormément d’argent ».
Selon Marco Mouly, le financier Thierry Leyne, qui s’est suicidé en 2014,
et Dominique Strauss-Kahn, l’ex-patron du Fonds monétaire international, lui
disaient « ce qu’il fallait acheter » ou « pas acheter ».
« J’ai fait du blanchiment d’argent », reconnaît-il, citant ensuite « les
banquiers », Thierry Leyne ou encore son avocat suisse. « Vous pouvez pas me
laisser être seul dans une balançoire. »
– ‘Le plus grand mytho’ –
Le blanchiment, sans banquier, « c’est pas possible », poursuit-il, avant
d’affirmer que la fraude à la TVA sur les quotas d’émissions portait au total
non sur 1,6 milliard d’euros de TVA éludée comme estimé par la Cour des
comptes, mais sur « sept milliards ».
Mais pour le parquet, « c’est une belle balade » que propose Mouly au
tribunal, car les dates de son association avec Thierry Leyne ne correspondent
pas avec les faits qu’il évoque.
« Il y a beaucoup d’hommes très importants en France qui ont pris de
l’argent dans le dossier », embraye le prévenu.
« Vous tournez en rond M. Mouly », lance le président Peimane Ghaleh-Marzban,
qui attend plus de concret que le « je vais vous dire, je vais vous montrer »
que délivre le prévenu.
Prévenu qui se présente comme issu « des bas-fonds », « de Belleville », qui à
la barre se montre gouailleur, n’a « peur de personne » à part « dieu et (sa)
femme », tirait de l’argent liquide « tous les mois » en Suisse, parfois 100.000
euros dans une boîte de mouchoirs en papier.
« Tellement bon commercial qu’à chaque fois, y’a des problèmes », il se
décrit comme « le plus grand mytho que la terre a créé » mais assure qu’il n’est
« pas un mec de mauvaise foi » lorsqu’il faut répondre de ses actes.
« Tout le monde m’aime bien parce que j’ai pas de filtre dans la bouche »,
dit-il, « moi je veux que m’amuser et rigoler, on vit qu’une fois ».
C’est justement ce qui a plu au financier Arnaud Mimran, autre prévenu de
premier plan, issu d’une « famille fortunée ». C’est Mouly qui lui parle de CO2,
en lui expliquant « tu investis sur Samy Souied ».
Arnaud Mimran consent à lui accorder un « prêt » de huit millions d’euros. Un
an plus tard, il devait récupérer sa mise, et trois millions de plus.
Le tribunal s’étonne que Mimran ait fait un tel investissement sans savoir
de quoi il retournait précisément. Dans son costume gris argenté, il assure
qu’il n’avait « même pas envisagé » qu’il puisse s’agir d’une escroquerie.
Son audition doit se poursuivre jeudi.
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