JERUSALEM, 04 oct 2013 (AFP) – Le discours sans concession du Premier
ministre israélien Benjamin Netanyahu sur l’Iran a fait mouche en Israël, mais
échaudé les États-Unis, lui attirant un feu nourri de la part d’influents
commentateurs américains.
« Le monde ne doit pas se laisser abuser par le subterfuge de l’Iran en
allégeant les sanctions », a déclaré M. Netanyahu vendredi à son retour de New
York, selon un communiqué officiel, ajoutant qu’il « rencontrerait la semaine
prochaine les dirigeants de pays européens » à ce sujet.
La prochaine réunion sur le nucléaire entre l’Iran et le groupe « 5+1 »
(Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) est prévue les
15 et 16 octobre à Genève.
Selon un sondage, 84% des Israéliens partagent l’opinion que Téhéran n’a
pas l’intention d’arrêter son programme nucléaire dans le cadre de
négociations et 65,6% d’entre eux soutiendraient une opération militaire
isolée d’Israël contre l’Iran, évoquée mardi à la tribune de l’ONU par le
Premier ministre.
Dans une tribune publiée vendredi par le Washington Post, David Ignatius
dresse un parallèle entre la méfiance viscérale de la chef du gouvernement
israélien Golda Meïr face aux ouvertures du président égyptien Anouar
al-Sadate avant la guerre du Kippour il y a 40 ans et l’attitude de son
lointain successeur envers l’Iran.
« Au moment où Netanyahu considère l’Iran, il est confronté au même dilemme
que Meïr: les offres de paix des adversaires d’Israël sont-elles sérieuses, ou
simplement la couverture d’actes belliqueux? Une leçon de 1973 est que ça vaut
la peine de vérifier par les négociations si les propositions sont réelles »,
estime-t-il.
Plus incisif encore, dans le New York Times, Roger Cohen raille « les
tirades usées de +Bibi+ sur l’Iran » et le somme de cesser de traiter le
président iranien Hassan « Rohani de +loup déguisé en mouton+, son expression
fétiche, et de commencer à se demander s’il ne crie pas au loup ».
« Le problème de crédibilité de Netanyahu vient de l’inversion des priorités
évidente dans un discours riche en Iran et pauvre en Palestine », accuse-t-il.
« Ligne rouge déplaçable »
Dès le lendemain du discours du Premier ministre israélien mardi à l’ONU,
le New York Times lui avait enjoint dans un éditorial de ne pas « saboter la
diplomatie avant que l’Iran n’ait été mis à l’épreuve ».
Le correspondant diplomatique du quotidien israélien Maariv relève cette
« attaque du New York Times, considéré comme le journal utilisé par la Maison
Blanche pour adresser des messages », soulignant que M. Netanyahu a prolongé de
48 heures son séjour aux Etats-Unis pour marteler son argumentation dans une
série d’interviews aux médias, y compris à la BBC en persan.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a assuré jeudi que l’Iran serait
« jugé non pas sur des mots mais sur des actes », mais a jugé que ne pas
explorer toutes les alternatives à l’option militaire serait « une faute
professionnelle diplomatique de la pire espèce ».
Le principal commentateur politique du quotidien Haaretz (centre gauche),
pour une fois plutôt en phase avec M. Netanyahu, compare sa campagne
médiatique américaine à « un tapis de bombes », mais reconnaît que « personne ne
peut lui enlever le fait d’avoir depuis quatre ans et demi placé la question
iranienne en tête de l’agenda international ».
Le correspondant militaire du Yediot Aharonot relativise néanmoins l’enjeu
de ce débat, soulignant que « les Iraniens n’auront pas de bombe nucléaire dans
les trois ans et Israël n’attaquera pas seul l’Iran, au moins jusqu’à l’été
prochain ».
Tous les Premiers ministres israéliens depuis 2002 « sont parvenus à la même
conclusion: la question nucléaire iranienne, définie comme un danger
existentiel pour Israël, doit être résolue par tous les moyens possibles, à
l’exception de l’action militaire directe », explique-t-il.
Depuis cette date, « Israël a appliqué la méthode de la ligne rouge
déplaçable, déplacée régulièrement en fonction des circonstances »,
poursuit-il, considérant que « l’exigence d’Israël de désarmer l’Iran de toute
capacité nucléaire n’est plus réaliste ».
Selon lui, faute d’option militaire crédible accessible à M. Netanyahu « il
ne lui reste qu’à utiliser les mêmes canaux que ses prédécesseurs: les
relations publiques, la dissuasion et les menaces ».
Les Etats-Unis et leurs alliés soupçonnent l’Iran de vouloir se doter de
l’arme atomique sous couvert d’un programme nucléaire civil, ce que dément
Téhéran.
sst/feb