C’est un nouveau sondage en forme de sévère mise en garde que nous publions à moins de deux mois du scrutin: la candidate du Front national creuse l’écart déjà annoncé par notre précédent sondage de septembre et aucun de ses deux rivaux ne peut espérer l’emporter face à elle en cas de triangulaire au second tour.
1. Marine Le Pen creuse l’écart
Avec 42 % d’électeurs susceptibles de voter pour elle si l’élection avait lieu dimanche, Marine Le Pen écraserait le 1er tour. Et pour la première fois, le FN dépasserait la barre des 40% confirmant sa poussée des européennes (36%) là où, lors du 1er tour des régionales de 2010, il n’atteignait que 18,31%.
Cette nouvelle étude de BVA qui a mesuré la semaine dernière les intentions de vote d’un millier d’habitants confirme celle de l’Ifop réalisée le mois dernier pour La Voix du Nord qui donnait déjà Marine Le Pen favorite dès le 1er tour avec 35% devant Xavier Bertrand pour Les Républicains (30 %) et le PS Pierre de Saintignon (18%). Depuis septembre, l’héritière du FN a engrangé 7 points de plus pour creuser nettement l’écart. Son parti voit sa base électorale continuer à s’élargir en vue d’un scrutin qui intéresse les habitants de la région plus qu’ailleurs en France (58% contre 56%).
2. La gauche en chute libre, la droite stagne
L’autre séisme annoncé par ce sondage, c’est une dégringolade historique dans une région à gauche depuis sa création: la liste socialiste n’arriverait qu’à 15%, après avoir frôlé la barre des 30% lors du 1er tour de 2010. Quant à la liste Les Républicains de Xavier Bertrand (soutenue aussi par le centre), elle recueillerait 25 % des suffrages, soit à peu près son score de 2010 dans le Nord – Pas-de-Calais comme en Picardie.
3. Pas de vote républicain ?
Au second tour, le choix de Marine Le Pen est encore plus manifeste: elle gagne dans tous les cas de figure. Dans l’hypothèse d’une triangulaire PS – LR – FN, la leader frontiste caracole à 46% devant Xavier Bertrand (29%) et Pierre de Saintignon (25%). Dans l’hypothèse traditionnellement plus difficile à remporter pour le FN d’un duel, face à la droite (la gauche n’a pas été testée), Marine Le Pen serait à 52% et Xavier Bertrand à 48%. Dans ce cas de figure, près d’un électeur sur deux des listes de gauche envisage… de s’abstenir ou de voter blanc, balayant toute perspective de vote républicain.
Même s’il faut tenir compte lors de ce 2nd tour de la marge d’erreur de plus ou moins 3% incontournable dans ce type de sondage et rendant la bataille plus serrée qu’il n’y paraît.
La région où on souhaite le plus la victoire du FN
Plus d’un habitant de la grande région sur 4 (28%) souhaiterait voir la victoire du FN, notamment chez les ouvriers (49%) et les plus jeunes (36% des 18-34 ans). C’est la région où on exprime le plus fort en France ce souhait, selon BVA. La victoire serait encore plus souhaitée chez les Nordistes (29%) que chez les Picards (25%). Si la moyenne nationale est à 19%, le Nord- Pas-de-Calais- Picardie arrive devant Alsace- Champagne-Ardenne- Lorraine (26%) et PACA (22%).
Or, si on compare les intentions de vote au souhait de victoire, les scores sont cohérents pour la gauche et pour la droite, mais pas pour le FN (46 ou 52% estimés au 2nd tour contre 28% pour le souhait de le voir effectivement victorieux). Paradoxal? Pas pour Erwan Lestrohan, directeur des études chez BVA, qui rappelle que «si les intentions de vote sont celles d’électeurs sûrs d’aller voter, c’est l’ensemble des habitants, y compris abstentionnistes, qui répondent à la question de savoir qui on préfère voir victorieux au soir du 2nd tour».
Le vrai paradoxe du sondage est plutôt le suivant: les habitants de la région assurent comme ailleurs en France que les enjeux régionaux pèseront davantage sur leur vote que les enjeux nationaux (62% contre 25), mais qu’en même temps la candidate qu’ils souhaitent voir victorieuse a clairement indiqué que sa campagne ne serait pas spécifique au Nord- Pas-de-Calais- Picardie mais plutôt un tremplin pour la présidentielle de 2017 qu’elle considère comme «la reine des élections».
La formation professionnelle, priorité des Nordistes
Dans la région, on attend plus encore qu’ailleurs de la campagne qu’elle se concentre sur les champs économique et social: 49% (44% en France) veulent que l’accent soit mis sur le développement économique et l’aide aux entreprises. Protection de
l’environnement et cadre de vie, priorité au niveau national (48%), n’arrivent qu’en deuxième ici (44%).
Deux autres spécificités : Nordistes et Picards donnent davantage d’importance à la formation professionnelle et à l’apprentissage que la moyenne des Français (31 contre 28%), ils ont en revanche un intérêt nettement moindre pour le thème des transports (17% contre 24) malgré les dossiers en cours (TER, canal Seine-Nord Europe, RER pour désenclaver le bassin minier…).
Rappelons qu’un sondage est un instantané d’un rapport de force et en rien une prédiction du résultat des 6 et 13 décembre: les électeurs feront-ils vraiment ce qu’ils ont dit face à l’urne? Ne faut-il pas compter avec un sursaut démocratique au 2nd tour, si le 1er est l’électrochoc annoncé? Parmi les sondés, jusqu’à 40% ne se sont pas prononcés sur leurs intentions de vote. Classique dans ce type de sondage Internet selon BVA, qui affirme qu’il ne constitue pas une marge d’erreur. Il représente néanmoins une grande inconnue: ces électeurs sont soit abstentionnistes, soit indécis et pourraient changer la donne. D’autant que l’un des principaux enseignements, c’est la progression de la défiance vis-à-vis de l’exécutif et le rejet des votes utile et républicain notamment à gauche. Mais est-ce seulement un vote-sanction que les électeurs d’une région où tous les indicateurs sont au rouge comptent glisser dans l’urne? Si les Nordistes se disent aussi peu satisfaits que l’ensemble des Français de l’action de leur conseil régional (43%), les Picards ont la dent encore plus dure face au sortant (35%: le plus bas niveau de satisfaction mesuré en France). Pourtant, parmi les critères de vote, contrairement à la moyenne nationale, 43% des habitants de la région placent loin devant l’idée du vote-sanction leur préoccupation de la situation économique et sociale de la France. Encore un paradoxe chez ces électeurs assurant ancrer ce scrutin dans le cadre local.
Étude réalisée par l’institut de sondage BVA pour Presse Régionale auprès d’un échantillon de 903 personnes inscrites sur les listes électorales en Nord – Pas-de-Calais – Picardie, recrutées au sein d’un échantillon de 1 030 personnes représentatif de la population régionale âgée de 18 ans et plus, issu d’un échantillon représentatif de 12 408 Français. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille et de l’interviewé, région, département de résidence et catégorie d’agglomération. Enquête réalisée en ligne du 6 au 14 octobre 2015.
Les intentions de vote qui figurent dans ce rapport reposent, pour chacune d’entre elles, sur la base des personnes inscrites sur les listes électorales, certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote.
Les résultats d’intention de vote ne constituent pas un élément de prévision du résultat électoral. Ils donnent une indication significative de l’état du rapport des forces à deux mois de l’issue du scrutin, en fonction des différentes hypothèses envisagées pour le 1er et le 2nd tour.