La cuisante défaite des pilotes russes face à Israël
En juillet 1970, les pilotes soviétiques embarqués dans les forces aériennes égyptiennes ont tenté d’abattre un avion de la chasse israélienne. Les Forces Aériennes Israéliennes ont répliqué par l’Opération Rimon, en abattant cinq MIGs et en infligeant un revers humiliant aux Soviétiques.
La bataille aérienne s’est déroulée au sud du Canal de Suez, au-dessus d’une zone que les forces aériennes israéliennes avaient surnommée « le Texas », alors qu’elle a tout d’un « Ouest Sauvage » local, une zone hors-la-loi où plus rapide est le franc-tireur et plus grosse est la récompense.
Les Forces israéliennes comprenaient 4 avions Phantom et 12 avions de combat Mirage, pilotés par des aviateurs qu’on créditait ensemble d’avoir abattu 59 avions ennemis. Les forces soviétiques comprenaient 24 MIG-21, à l’époque l’avion le plus avancé de ce genre.
Cette bataille aérienne avait été méticuleusement préparée. Une trappe était ouverte et les Soviétiques se sont dirigés droit dedans, vers des conséquences humiliantes : cinq avions soviétiques ont été abattus et bien qu’un seul Mirage israélien ait subi quelques dégâts, tous les avions israéliens ont atterri en pleine sécurité à leur base d’origine. L’Opération Rimon 20, comme on l’a appelée plus tard, est restée dans les mémoires comme l’une des opérations les plus victorieuses de toute l’histoire de l’IAF.
L’Opération a été déclenchée à cause de l’engagement croissant des Soviétiques en Egypte, à la suite de la demande du Président égyptien de l’époque, Gamal Abdel Nasser, que Moscou lui fournisse des missiles perfectionnés et des avions de combat dernier cri afin de contrer les avions Phantom et Skyhaws de l’IAF qui prenaient constamment pour cibles les forces égyptiennes le long du Canal de Suez, en larguant des centaines de tonnes de bombes sur elles, ainsi que sur des cibles situées bien plus en profondeur à l’intérieur de l’Egypte, en semblant imperturbables et sans que personne ne s’y oppose.
A l’époque, les avions de chasse israéliens avaient aussi l’habitude de voler au-dessus du Caire simplement pour faire tonner les cieux par le son des booms supersoniques, montrant ainsi à Nasser qui dominait réellement le ciel.
Au cours de deux réunions particulièrement tendues à Moscou, le premier au début de l’automne 1969 et le second en janvier 1970, le Président égyptien avait menacé qu’à moins que son allié soviétique ne lui donne ce dont il avait besoin, il se tournerait vers leur ennemi tourmenteur, les Etats-Unis.
Les Soviétiques se sont conformés à cette volonté et l’armée de Nasser a reçu des missiles SA-3 sol-air, qui étaient bien plus efficaces que les missiles SA-2 dont disposait l’armée égyptienne à l’époque, ainsi que trois escadrilles de MIG-21 MF, complétés par leurs missiles, leur équipement auxiliaire et des équipages aériens et au sol. Au total, environ 100 pilotes soviétiques étaient stationnés en Egypte.
La présence des pilotes russes dans les rangs de la Force aérienne égyptienne était un secret étroitement gardé, découvert par la nouvelle unité d’écoute et de surveillance russophone de Tsahal, qui travaillait étroitement avec l’Unité 515, son homologue arabophone. L’Unité avait enregistré une conversation en russe entre deux pilotes pourtant supposés être égyptiens, aux commandes de MIG en vol de patrouille de routine et c’est ainsi que l’affaire fut éventée.
D’un point de vue tactique, il existait un consentement tacite entre Israël et l’Egypte que les Forces aériennes israéliennes ne devaient pas violer l’espace aérien égyptien au-delà de 30 kms au-dessus du Canal de Suez, une zone considérée comme les « terres de pâturage » des Soviétiques. Cependant, cela a commencé à chatouiller les Soviétiques que de tenter d’abattre les avions de chasse israéliens.
La proverbiale goutte qui fait déborder le vase a eu lieu le 25 juillet 1970, quand deux pilotes soviétiques ont tenté d’abattre un Skyhawk et ont réussi à endommager la queue de l’avion. Israël a alors décidé de mener des représailles, en débit des risques qu’entraînerait de vouloir chercher des poux à l’Ours russe.
« Cette décision de s’en prendre directement aux Russes a été prise par le gouvernement », rappelle le Colonel (à la retraite) Aviem Sella, qui volait à bord de l’un des jets Phantom qui ont participé à l’opération. « L’ordre était sans équivoque : « Ne cherchez pas juste à provoquer ou engager les Russes – Abattez-les. Je pense que c’est bien l’une des seules fois où le gouvernement a pris une décision consciente visant à combattre une superpuissance globale ».
Le piège au coeur de l’Opération Rimon 20 avait été minutieusement scénarisée : Quatre Mirage devaient voler au-dessus du Golfe de Suez, supposés être en vol de reconnaissance de routine. Dès que les Soviétiques mordaient à l’appât, et tentaient de les intercepter, alors d’autres avions de combat israéliens soit qui planaient à proximité, soit qui décollaient du sol depuis la base aérienne de Refidim pour intercepter les MIG russes.
Et c’est bien ainsi que les choses se sont passées : il y avait exactement 11 minutes que les Mirage israéliens volaient et cinq MIGs soviétiques – » Tout reluisants et neufs, comme s’ils sortaient à peine de la ligne d’assemblage », rappelle Sella – ont décollé pour les pourchasser. A leur grande surprise, ils ont instantanément été rattrapés par une formation formidable d’avions des forces israéliennes.
Il s’agissait du plus grand duel aérien qui se soit jamais tenu sur le front égyptien à cette époque. En quelques instants le Colonel Asher Snir, qui volait à bord de l’un des Mirage, a abattu l’un des MIG soviétique. Le pilote s’est ejcté à 30.000 pieds et a flotté lentement en parachute vers le sol, ce qui a conduit rapidement les pilotes israéliens à utiliser sa localisation comme des coordonnées de fortune dans les communications radio.
« Nous nous situions en disant des cohses comme : « à dix kms du parachute », dit Sella.
« Les pilotes soviétiques, qui étaient significativement moins expérimentés que les pilotes israéliens qu’ils combattaient, ont commencé à être troublés, à perdre leurs moyens et se sont retrouvés en grand désavantage.
L’ancien Commandant de l’IAF, le Général-Major(à la retraite) Avihu Ben-Nun, dont l’avion dirigeait l’escadrille de Phantom qui
ont participé au vol, rappelle que : « Il était évident qu’il ne disposait que d’une petite expérience limitée. C’en était même frustrant,parce qu’on a l’habitude de savoir ce à quoi on peu s’attendre de la part de l’ennemi qui vous combat, et brusquement ils faisaient exactement l’inverse ou quelque chose de différent ».
Selon Sella, les pilotes soviétiques « ne faisaient que tirer des missiles un peu partout. On pouvait se dire qu’ils ne pensaient même pas à essayer de cibler quoi et qui que ce soit ».
Quand la poussière des combats est retombée, cinq MIGs soviétiques avaient été abattus. On en a attribué le mérite à Snir, Sella, Ben-Nun, Avraham Shalmon, et Iftach Spector.
Des années plus tard, au cours des négociations de paix israélo-égyptiennes de la fin des années 1970, le Vice-Président égyptien d’alors, Hosni Moubarak a déclaré au Ministre de la Défense de l’époque, Ezer Wiezman que lorsque les responsables des Forces aériennes égyptiennes ont entendu parler de ce duel aérien, ils se sont réjouis de la défaite des Soviétiques. Les pilotes soviétiques étaient apparemment très dédaigneux, méprisants à l’égard de leurs pairs égyptiens et les pilotes égyptiens étaient heureux d’assister à la chute de leur piédestal.
Les Soviétiques, pour leur part, ont expédié le Maréchal de Terrain de l’aviation Pavel Kutakhov en Egytpe le jour suivant ce duel. A la manière très soviétique, il a averti ses pilotes que si jamais un seul d’entre eux soufflait le moindre mot de ces événements à la moindre âme qui vive, ils se retrouveraient manu militari au fond d’un goulag sibérien.
Aharon Lapidot
Adaptation Marc Brzustowski En savoir plus sur Jforum.fr