Esther Senot et Jacques Altmann ont connu Auschwitz-Birkenau. Mardi, cela fera 70 ans que le camp de concentration a été libéré par l’Armée rouge. Leurs souvenirs intacts, ils témoignent des mois qu’ils ont passés dans le camp de concentration .
2 septembre 1943, convoi n°59. Esther Senot a beau avoir près de 90 ans, elle n’a rien oublié des longs mois qu’elle a passés dans les camps de concentration. Alors qu’elle vient de fêter son quatorzième anniversaire, ses parents sont déportés. Un an plus tard, elle se fait arrêter à son tour. Sur les 106 femmes sélectionnées dans ce convoi, seules deux reviendront vivantes en 1945. Marie, et Esther Senot. A son arrivée, elle tombe nez à nez avec sa sœur, Fanny, qui lui permet d’être affectée à l’atelier de couture, et d’éviter, un temps, le commando.
Jacques Altmann est originaire de Romainville, en Île-de-France. En 1941, il arrache des affiches collées sur la vitrine de son père. « N’achetez rien aux juifs », pouvait-on lire dessus. Il fuit, poursuivi par des collaborateurs, et trouve refuge chez un gendarme résistant, dans la Sarthe. En 1943, la Gestapo le rattrape à Nantes. Elle le torture. En février 1944, Jacques Altmann est déporté à Auschwitz. « Convoi numéro 68 « , .
« J’ai accompagné mes grands-parents jusqu’à la chambre à gaz »
« On descendait du train, et c’était déjà la panique » se souvient Esther Senot. « Les chiens aboyaient, il n’y avait pas de marchepied, les gens ont passé trois jours de transport dans le noir (…). Les Allemands sont arrivés avec les chiens et les matraques pour mettre les gens en ligne. » En fonction de leurs besoins dans les camps, ils décidaient de qui allait vivre, ou mourir.
Jacques Altmann est affecté sur la rampe. Il est chargé de descendre les valises et les corps des wagons. « Ca sentait la mort ». En juillet 1944, il « voit [s]on grand-père et [s]a grand-mère ». « Je ne pouvais pas intervenir […]. « Je les ai accompagné de mes yeux jusqu’à la chambre à gaz. » Âgés, ils n’avaient aucune chance de rentrer au camp.
Comme Esther, il doit participer aux marches de la mort. Partis 10.000 en direction de Buchenwald, seuls 4.000 sont arrivés à destination. « On a mis six jours », se souvient-il. Six jours, pour parcourir 90 km avec la menace d’être abattu pour le moindre retard. Jacques Altmann ne pèse alors plus que 29 kilos. Esther Senot, elle, dépassait tout juste la barre des 30 kilos à sa sortie.
Sauvés par les Américains
Esther et Jacques n’ont pas que les camps en commun. Alors que tous deux étaient atteints de maladies, deux Américains les sauvent en leur faisant un don de sang. Dès sa sortie, Jacques Altmann cherche à reprendre contact avec cet homme qui l’a sauvé de la mort. « J’ai retrouvé Joe en 1951, par la Croix rouge. J’ai été reçu chez lui », se souvient-il.
Ce n’est pas le seul homme à la recherche duquel Jacques est parti, dès son retour en France. Il a également tenté de retrouver le fils de son meilleur ami, Georges, tués dans les camps. Il l’a adopté et l’élevé comme son fils. « Il a aujourd’hui huit petits-enfants. »
« On a eu des ailes tout d’un coup, on est sortis en courant »
5 mai 1945. Esther Senot et Jacques Altmann sont enfin libérés de cet enfer. « A une heure de l’après-midi, on a vu sur la citadelle de Mauthausen, qui était sur une hauteur, un drapeau blanc et des hommes descendre en courant en disant ‘les Allemands ont ouvert les portes, ils sont partis, mais ils vont revenir' », raconte Esther Senot. Effrayée à l’idée qu’ils puissent faire sauter le camp, Esther s’est enfuie. « On a eu des ailes, tout d’un coup, et on est sortis en courant. »
« Le génocide des juifs, on n’en a jamais parlé à l’époque », déplore Esther Senot. « On était des oubliés de l’histoire […], on nous a empêché de parler. » Régulièrement, Esther et Jacques se rendent dans les écoles pour raconter leur expérience. « Les jeunes qui nous écoutent nous donnent envie de continuer » à témoigner.