Jérusalem, 6 mai 2015 (AFP) – Le Premier ministre israélien sortant
Benjamin Netanyahu est parvenu mercredi soir in extremis à former dans la
douleur une coalition de gouvernement dont les commentateurs se demandent
combien de temps elle va durer.
M. Netanyahu a conclu juste avant l’échéance de minuit un accord avec le
parti nationaliste religieux Foyer juif, lui assurant dans le parlement issu
des récentes législatives une majorité minimale de 61 sièges sur 120.
« Je vais de ce pas sortir d’ici pour appeler le président et le président
de la Knesset pour leur dire que j’ai réussi à former un gouvernement », devait
déclarer M. Netanyahu au Parlement selon des propos diffusés en avance par son
parti du Likoud (droite).
M. Netanyahu avait jusqu’à minuit pour réunir une majorité de gouvernement.
Sans l’accord de dernière minute avec le Foyer juif, qui a chèrement vendu son
soutien, M. Netanyahu aurait essuyé l’affront de voir le président Reuven
Rivlin confier à un autre – probablement le leader travailliste Isaac Herzog –
la charge d’essayer à son tour de former un gouvernement.
Malgré plus de quarante jours de marchandages et de surenchères, il a fallu
à M. Netanyahu et ses collaborateurs négocier jusqu’aux derniers instants avec
le Foyer juif pour arracher aux forceps une coalition de droite qui fait une
place de choix aux nationalistes religieux et aux ultra-orthodoxes.
Après avoir informé le président Reuven Rivlin, M. Netanyahu doit présenter
son gouvernement à la Knesset pour recueillir sa confiance dans les prochains
jours.
– Un « général sans soldats » –
Mais la majorité parlementaire qu’il s’est assurée au prix de concessions
considérables est tellement ténue qu’elle est soumise au caprice, à la
défection voire à l’absence du premier parlementaire venu.
M. Netanyahu est un « général sans soldats », a écrit le quotidien Maariv.
Le quadrige constitué par le Likoud de M. Netanyahu, le Foyer juif, les
partis ultra-orthodoxes Judaïsme unifié de la Torah et Shass et le parti de
centre-droit Koulanou menace d’être incontrôlable. S’il durait, de grandes
réformes promises comme celles du logement ou de la banque paraissent bien
compromises.
Certains commentateurs ne lui donnent même pas jusqu’à la fin de l’année.
Ils spéculent déjà autour de l’idée, dans l’air depuis un moment, d’un
gouvernement d’union nationale entre le Likoud et la gauche.
Le quatrième gouvernement de M. Netanyahu est confronté à des défis
majeurs: les menaces sécuritaires à toutes les frontières d’Israël, la
possibilité d’un accord nucléaire international avec l’Iran, le grand ennemi
d’Israël, la restauration des liens détériorés avec les Etats-Unis,
l’offensive diplomatique et judiciaire des Palestiniens, le coût de la vie et
les inégalités sociales.
Le grand allié américain a clairement signifié combien il observait avec
attention la formation du gouvernement israélien.
Au moment d’affronter ces défis, « Netanyahu se retrouve avec une situation
ingérable. La première chose qu’il va faire demain (jeudi) à 8H00, c’est
prendre son téléphone et commencer à travailler à une coalition avec le Parti
travailliste », dit à l’AFP le politologue Emmanuel Navon.
– « Se débarrasser de Bennett » –
Ce ne sont pas forcément les partis ultra-orthodoxes qui risquent le plus
de rendre la vie impossible à M. Netanyahu, pour autant que le gouvernement
satisfasse les attentes religieuses et sociales de leurs électeurs. Au
contraire, M. Netanyahu « fera tout pour se débarrasser de (Naftali) Bennett »,
le chef du Foyer juif, dit M. Navon.
La réussite ou l’échec de M. Netanyahu a été soumis jusqu’au bout au bon
vouloir de M. Bennett qui a continué mercredi à faire monter les enchères en
réclamant l’important ministère de la Justice, en plus des portefeuilles déjà
obtenus (Education, Agriculture) en échange du soutien de ses huit députés.
M. Bennett s’est retrouvé propulsé dans le rôle de faiseur de rois après le
coup d’éclat lundi d’une autre personnalité politique. Le ministre sortant des
Affaires étrangères Avigdor Lieberman a fait voler en éclats le projet d’une
coalition à 67 sièges en annonçant que les huit députés de son parti, Israel
Beiteinou ne participeraient pas au gouvernement Netanyahu.
Les commentateurs s’accordaient pour prédire que MM. Netanyahu et Bennett,
malgré des relations notoirement détestables, finiraient par s’entendre.
« Les négociations sont terminées, la campagne est finie, maintenant nous
nous mettons au travail », a dit M. Bennett sur Twitter après l’annonce d’un
accord dont on ne connaît pas les termes exacts.
Mais il y a loin entre le Netanyahu grand vainqueur des législatives du 17
mars et le Netanyahu soumis aux exigences de celui qui fut son plus proche
collaborateur de 2006 à 2008, lorsque le Premier ministre était dans
l’opposition, puis son ministre de l’Economie dans le gouvernement sortant.
« Que va-t-il rester de tout cela au bout du compte », éditorialisait Maariv
mercredi, « un gouvernement qu’il (M. Netanyahu) ne souhaiterait pas à ses
ennemis ».
lal/cbo