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Migrants: les morts arrivent

En colère par l’exhumation de corps de migrants, des militant veulent les enterrer dans une fosse à Berlin

L’enterrement d’un réfugié syrien de 34 ans et de sa fille a eu lieu à Berlin mardi. Un autre est prévu vendredi pour un Syrien de 60 ans décédé en raison des conditions insupportables dans les eaux internationales.

Selon l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), quelque 1.800 demandeurs d’asile se sont noyés ou sont morts de faim en mer depuis le début de 2015, sur un total de 103.000 migrants qui ont tenté le voyage périlleux vers l’Europe. L’identité d’un grand nombre d’entre eux demeure inconnue, tout comme leur lieu de sépulture. Leur dernier lieu de repos est dans de nombreux cas une fosse commune anonyme dans des régions reculées d’Italie ou de Grèce.

En réaction, des militants des droits de l’Homme ont décidé d’agir: le Centre pour la beauté politique, un collectif d’artistes, de journalistes et de chercheurs basé à Berlin, affirme avoir exhumé les corps enterrés en périphérie de l’Europe et les avoir transportés en Allemagne, où ils seront dignement enterrés. Les militants affirment avoir l’intention de ramener des centaines de corps d’Europe méridionale. « Les morts arrivent », prévient leur campagne.

« Le pire cauchemar du gouvernement allemand est en train de se réaliser, » indiquent les militants. « Nous allons abattre les murs qui se sont dressés autour du sentiment de compassion de l’Europe. »

« C’est honteux qu’il soit plus facile de venir en Allemagne en tant que migrant mort plutôt qu’en tant que migrant vivant », a confié un membre du Centre, Justus Lenz, à I24news. « Pour le moment, il n’y a aucun moyen légal et sûr de migrer vers l’Europe et le fait que les gens choisissent encore de mettre leur vie en danger en tentant de traverser la Méditerranée en dit long sur la situation dans leur pays d’origine. Et pourtant, l’Europe adopte une approche militaire de la sécurisation de ses frontières, au lieu de faire preuve de décence humaine fondamentale et d’empathie  »

En août 2010, un charnier a été découvert à Sidiro, en Grèce. Il s’y trouvait plus de 200 corps de personnes qui s’étaient noyées en tentant de gagner la Grèce à partir de la Turquie. Le Centre prétend avoir suivi de près des incidents plus récents de mauvais traitements infligés aux corps des réfugiés, dont le cas de 13 corps de disparus découverts dans un entrepôt sicilien en janvier, après être restés là pendant huit mois en raison d’«obstacles bureaucratiques».

Lorsque la marine italienne a récupéré en mai les corps de 17 migrants, les militants ont accusé les autorités de placer les restes dans des cercueils pour une séance de photos sur le port, puis de les avoir déplaçés dans des sacs poubelle pour ensuite les jeter les uns sur les autres dans une chambre froide d’un hôpital local.

« La situation en Italie et dans certaines parties de la Grèce est carrément horrible. Elle prouve à quel point ils sont débordés», dit Lenz. « Il y a des charniers abjects, où les corps sont enterrés de façon anonyme et personne ne tente d’entrer en contact avec les membres de leur famille, même pour ceux qui avaient leur passeport sur eux.

Voilà pourquoi nous nous sommes fixés cette mission de mener les recherches nécessaires et de contacter les familles des personnes décédées pour obtenir leur consentement ».

Selon le groupe, après des mois de recherches auto-financées, ils ont exhumé les premiers corps d’un cimetière en Sicile, où des corps avaient été enterrés anonymement. « Tout est fait dans la légalité», assure le militant. «Nous avons pris soin de toute la paperasse et avons parlé à toutes les autorités concernées. » Les corps ont ensuite été transportés à Berlin.

Les premières funérailles, mardi, ont été suivies par plus de journalistes que de proches des défunts.

Environ 70 personnes ont assisté à l’enterrement de deux cercueils blancs, l’un avec le corps d’une femme syrienne et l’autre, vide, aurait été pour sa fille, dont le corps n’a jamais été retrouvé. Les militants observaient le rite musulman, le visage encore sale, alors que plusieurs chaises réservées aux principaux politiciens allemands étaient vides, les dignitaires ayant ignoré l’invitation d’y assister. Le mari et les autres enfants, qui ont survécu au naufrage, étaient absents, n’étant pas autorisés à traverser la frontière allemande. « Au moins, ils se sont raprochés”, explique Lenz. «Ces migrants cherchent à se rendre en Europe et il est triste de constater que cette femme n’y soit arrivée qu’après sa mort. »

Dimanche, les militants ont l’intention de marcher avec les dépouilles jusqu’à la Chancellerie à Berlin, où ils souhaitent jeter « les bases d’un cimetière sans précédent: un mémorial pour les victimes de l’isolement militaire de l’Europe. »

« Il n’y a pas assez de cimetières en Italie et en Grèce en raison de la grande quantité de victimes des guerres défensives de l’Europe. Il y a cependant encore suffisamment d’espace juste en face des décideurs politiques. » Il existe une faille dans la loi allemande sur les enterrements qui, prétendent-ils, rend leur démarche parfaitement légale.

Les réactions sont mitigées. Alors que leur intention est appréciée, beaucoup de personnes ont critiqué l’utilisation de restes humains pour attirer l’attention. Les médias allemands se demandent si leur action ne serait pas en fait un coup publicitaire.

« Rien de ce que nous faisons ne pourrait être plus cynique et scandaleux que de regarder sans rien faire des gens mourir chaque jour dans la Méditerranée”, souligne Lenz. Il explique aussi que ramener les corps des réfugiés dans leur pays d’origine n’est pas possible en raison de l’instabilité. « C’est une question morale», juge-t-il. «Le cœur du continent européen devrait avoir honte. L’Allemagne tente de repousser le problème, mais c’est un problème européen que nous devons traiter ensemble. Ii faudrait faire preuve d’une solidarité humaine de base, le mur européen doit tomber.  »

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