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Liban: l’armée combat des djihadistes syriens

La prise de contrôle d’Aarsal par l’Etat islamique est le signe du « débordement » inévitable du conflit syrien

Le Liban, profondément divisé sur la guerre en Syrie, est désormais happé par ce conflit avec le combat de son armée contre les djihadistes de l’Etat islamique ayant pris le contrôle d’une ville dans l’est du pays en tuant seize soldats.

Les experts estiment que la violence, limitée pour l’instant à une zone limitrophe avec la Syrie, pourrait s’étendre au reste du Liban si la réponse de l’armée se faisait trop brutale car des sunnites pourraient se solidariser avec les insurgés.

L’armée libanaise tirait lundi au canon sur les djihadistes camouflés dans les collines surplombant Aarsal, une localité sunnite entourée d’agglomérations chiites, à 130 km au nord-est de Beyrouth.

Des bruits d’armes automatiques étaient aussi entendus alors qu’un épais nuage de fumée s’élevait de la ville après qu’une station d’essence eut été touchée par des obus.

Seize militaires, dont deux officiers, ont été tués ainsi que des dizaines d’hommes armés dans les combats qui ont débuté samedi après l’arrestation d’Imad Ahmad Jomaa, un chef du Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda, selon une source militaire.

Par ailleurs, 13 soldats sont portés disparus ainsi que 20 policiers, vraisemblablement aux mains des assaillants, selon une source des services de sécurité. Elle a précisé aussi qu’au moins trois civils avaient été tués

La source militaire a indiqué que plusieurs positions de l’armée avaient été l’objet d’attaques par les djihadistes de l’Etat islamique. « Elles ont toutes été repoussées sauf une. Les hommes armés ont pu y pénétrer puis ont dû en sortir car nous l’avons bombardée. Nous essayons maintenant d’y pénétrer ». Toutes les positions se trouvent à la lisière de la ville.

Selon un journaliste de l’AFP, quelques centaines d’habitants, surtout des femmes et des enfants, ont quitté lundi matin à bord de pick-up et de voitures.

Patrouilles d’hommes en noir

La ville qui comptait 40.000 habitants avant le début du conflit en Syrie en abrite aujourd’hui 100.000 avec l’arrivée massive de réfugiés fuyant la guerre de l’autre côté de la frontière.

« Nous n’avons pas dormi de la nuit à cause des combats. Nous sommes les derniers à avoir pu quitter la ville car les hommes armés nous empêchent de partir. Ils ont tiré au dessus de nos têtes », a affirmé à l’AFP Ahmad Houjairy, 55 ans, à bord d’un pick-up transportant une quinzaine de ses enfants et ceux de son frère, âgés de 1 à 17 ans.

« Les hommes armés appartiennent à différentes nationalités et sont très bien organisés. Habillés en noir, ils effectuent des patrouilles dans la localité », a-t-il ajouté.

Officiellement, le Liban a adopté une position de « distanciation » envers le conflit en Syrie mais en réalité la société est profondément divisée. La majorité des sunnites, dont les habitants d’Aarsal, soutiennent la rébellion alors que la milice chiite du Hezbollah se bat aux côtés du régime de Damas.

Cette division s’explique par le fait que la rébellion en Syrie est composée de sunnites, qui représentent 80% de la population syrienne, tandis que le régime est alaouite, un avatar du chiisme.

A ceci s’ajoute la présence de plus d’un million de réfugiés syriens au Liban qui compte quatre millions d’habitants. Une source militaire a affirmé qu’à Aarsal, des hommes armés, cagoulés étaient sortis samedi de camps de réfugiés à la lisière de la ville, pour attaquer l’armée.

Débordement du conflit syrien

Pour Emile Hokayem, un expert en matière de sécurité régionale à l’Institut international d’Études stratégiques de Londres, la situation à Aarsal est le « débordement » inévitable du conflit en Syrie.

« Même si les Libanais veulent penser que les problèmes en Syrie se propagent chez eux, la réalité est qu’ils ne doivent pas être surpris du retour de bâton après avoir envoyé des combattants pro et anti Assad en Syrie », dit-il.

Selon lui, à court terme, la crise peut être limitée à Aarsal, mais en cas de « réponse trop agressive de l’armée » ou d’une implication du Hezbollah dans les combats, il pourrait y avoir un débordement dans les régions sunnites du Liban.

L’implication du Hezbollah risque « de susciter la crainte des sunnites, dont la coopération est très importante pour lutter contre ces groupes » jihadistes, explique-t-il.

L’armée: une ligne rouge

Damas a exprimé lundi son soutien à l’armée libanaise. « La Syrie affirme son soutien et sa solidarité avec l’armée libanaise pour faire face aux groupes terroristes et les anéantir », a indiqué un responsable du ministère syrien des Affaires étrangères, cité par l’agence Sana.

Ces combats ont suscité un émotion internationale, notamment à Washington, mais aussi sur le plan intérieur.

Le Premier ministre Tammam Salam a qualifié l’attaque « d’assaut contre l’Etat libanais » et l’ancien Premier ministre et dirigeant sunnite Saad Hariri a assuré que l’armée « était une ligne rouge ».

(avec AFP)

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