Le patron d’Altice a acquis les droits de retransmission de la Premier League pour les trois prochaines saisons. Le montant du deal est estimé à 300 millions d’euros. C’est une mauvaise nouvelle pour Canal + qui détenait jusqu’à présent ces droits et doit faire face à un nouveau concurrent sur le sport.
Coup dur pour Canal +. Déjà dépossédée par BeIn Sports d’une bonne partie des droits TV de la Ligue 1 française et de l’exclusivité des championnats de football espagnol, italien et allemand, la «chaîne du sport» l’est de moins en moins: la Premier League britannique a confirmé ce jeudi soir la cession des droits de retransmission sur les écrans français des matches l’élite du foot britannique au groupe Altice de Patrick Drahi (actionnaire de Libération) pour les trois prochaines saisons, 2016/2017 à 2018/2019. Ces droits étaient historiquement détenus par Canal +, qui les avaient acquis pour près de 190 millions d’euros (63 millions par an) pour la période 2014-2016.
Mais Patrick Drahi a accepté de signer un plus gros chèque pour s’offrir les matchs de Manchester United, Arsenal ou Chelsea et les exploits de Eden Hazard et Wayne Rooney: Les Echos avancent le chiffre de 300 millions d’euros. Dans un communiqué, son groupe Altice a confirmé l’acquisition de «l’exclusivité des droits de retransmission pour la France et Monaco de la Premier League, le championnat de football le plus suivi au monde» par les téléspectateurs. Mais sans confirmer ce montant… Propriétaire de l’opérateur SFR-Numéricable et en passe de racheter le groupe NextRadioTV (BFMTV), Altice vient tout juste de s’attacher les services du footballeur Cristiano Ronaldo, star du Real de Madrid et capitaine de l’équipe du Portugal comme «ambassadeur de ses marques». Un choix qui ne doit rien au hasard puisque le groupe de Patrick Drahi vient par ailleurs de prendre le contrôle de Portugal Telecom.
Un défi à Vincent Bolloré
Tout se passe comme si le milliardaire lançait un défi au propriétaire de Vivendi, Vincent Bolloré, qui vient de reprendre en mains Canal + en promettant 2 milliards d’euros d’investissement pour relancer la chaîne à péage en perte de vitesse. La perte des droits de la Premier League, le seul championnat européen que Canal + possédait encore en exclusivité, constitue en tous cas un revers cinglant pour la chaîne cryptée. Menacée sur le cinéma par l’offensive de l’américain Netflix, la maison Canal est en passe de perdre tous ses arguments «premium» historiques.
La chaîne Canal+ diffuse encore «le meilleur de la Ligue 1, un match par semaine de la Ligue des Champions, le rugby français (Top 14) et la Formule 1 mais la Premier League anglaise est une offre clé», souligne une note d’analystes de Morgan Stanley. Il semblerait que Vincent Bolloré, tout à sa reprise en mains musclée de la ligne éditoriale de la chaîne des Guignols, n’ait pas vu venir le danger sur ce coup là. Ce ne sont pourtant pas les liquidités qui manquent à Vivendi: la maison-mère de Canal + dispose d’un trésor de guerre de 9 milliards d’euros…
De son côté, Patrick Drahi est très endetté (45 milliards d’euros) suite à sa boulimie d’acquisitions de ces deux dernières années qui l’a conduit à racheter coup sur coup en 2014 SFR (pour 17,4 milliards d’euros) et Portugal telecom (7 milliards d’euros), puis cette année les câblo-opérateurs américains Suddenlink (9 milliards de dollars) et CableVision (17,7 milliards de dollars). Mais le milliardaire du câble a manifestement décidé d’alimenter par tous les moyens ses «tuyaux» en contenus attractifs pour fidéliser ses abonnés. «Ce partenariat exclusif avec la Premier League représente un nouveau pas majeur dans notre plan industriel. La convergence de nos actifs télécoms avec des contenus exclusifs est au centre de notre stratégie de long-terme», a confirmé son bras droit Michel Combes, qui vient d’être nommùé à la tête de SFR.
Le retour de la «convergence»
Cette vision n’est pas sans rappeler la fameuse «convergence» pronée par l’ancien patron de Vivendi Jean-Marie Messier en pleine bulle internet. L’affaire avait mal fini comme on le sait. Mais aujourd’hui, avec l’explosion des débits disponibles, la technologie est au rendez-vous et permet de diffuser les contenus sur tous les écrans, mobile compris, et en très haute définition. C’est tout le pari d’ Altice qui vient ainsi d’annoncer le lancement d’une offre de vidéo à la demande à la Netflix baptisée «Zive» avec un catalogue comprenant 5 000 films et séries – 15 000 prévus fin 2016 – pour 9,99 euros par mois. L’idée est de faire de même avec le foot, Altice promettant de diffuser les 380 matches de la Premier League sur tous les terminaux disponibles et en «4K» (la nouvelle norme de TVHD). Le groupe posséde aussi les droits exclusifs sur cinq ans des compétitions françaises de basket et les droits sur le championnat de foot brésilien.
Cette offre sportive sera sans aucun doute proposée en option dès l’an prochain aux quelques 6,4 millions de foyers abonnés au haut débit et 21,9 millions de clients mobile du groupe Numéricable-SFR. Mais le mystère demeure sur la manière dont le groupe va s’y prendre pour diffuser les matches de la Première League qui constitueront le produit d’appel. Altice, qui est propriétaire de la petite chaîne du câble Ma Chaîne Sport, va devoir mettre des bouchées doubles pour construire une vraie chaîne sportive susceptible de concurrencer la chaîne historique Canal + et la chaîne BeInSport lancée en 2012 par le groupe qatari Al-Jazeera. Nul doute que les instances du foot britannique seront très vigilantes sur l’exposition que va donner Patrick Drahi aux matches de la Premier League. Elle devrait être maximale forcément, vu le montant du chèque…