RAFAH (Territoires palestiniens), 24 sept 2013 (AFP) – Le Hamas, au pouvoir
dans la bande de Gaza asphyxiée par la destruction des tunnels de contrebande,
tente à tout prix d’éviter une confrontation désastreuse avec l’armée
égyptienne, qui a renversé le président islamiste Mohamed Morsi.
Les responsables et les habitants de la zone frontalière redoutent que
l’armée égyptienne ne se contente pas de démolir les tunnels, mais n’aille
jusqu’à imposer une zone tampon à Rafah, unique accès au territoire
palestinien qui ne soit pas contrôlé par Israël.
« L’armée égyptienne a détruit 95% des tunnels dans le but de créer une zone
tampon de sécurité », a affirmé à l’AFP le maire de Rafah, Sobhi Radwane,
estimant qu’il y a « entre 200 et 250 » tunnels.
« Malheureusement, l’armée égyptienne aggrave l’étranglement de Gaza d’une
manière inédite, même sous le président déchu Hosni Moubarak », a-t-il déploré.
L’ambassadeur d’Egypte auprès de la Palestine, Yasser Othmane, a assuré à
l’AFP que les opérations militaires autour de Rafah étaient « des mesures
relevant de la souveraineté égyptienne pour renforcer la sécurité à la
frontière, dont le but n’est absolument pas une détérioration de la situation
à Gaza ».
Mais, selon un porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, « cela n’a rien à voir
avec la sécurisation de la frontière entre l’Egypte et Gaza, mais avec le
resserrement du blocus ».
Bassel Taha, qui travaillait comme gardien d’un tunnel d’importation de
matériaux de construction, à présent démoli, accuse l’armée égyptienne d’avoir
« détruit la vie de centaines de travailleurs ».
« Je n’ai rien à donner à mes enfants pour l’école. J’y pense jour et nuit
sans trouver de solution, mieux vaut la mort », affirme-t-il.
Un employé d’un tunnel confie avoir participé à l’extension de 400 à 1.500
mètres de ce tunnel pour échapper à la surveillance de l’armée égyptienne —
mais l’installation a néanmoins été découverte et rasée par un bulldozer.
« On estime que dix tunnels fonctionnent actuellement, contre 300 avant juin
2013 », indique dans son dernier rapport hebdomadaire le Bureau de coordination
des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).
« Hamas pris à la gorge »
Le 12 septembre, deux chars égyptiens ont même pénétré pour la première
fois dans la zone frontière, sans entrer dans la bande de Gaza.
Mais « Le Hamas traverse une grave crise, il est pris à la gorge, ce qui
l’amène à faire marche arrière et limiter les risques d’une confrontation avec
l’Egypte pour éviter toute action égyptienne imprévue », a expliqué à l’AFP
Adnane Abou Amr, enseignant à l’Université Oumma, à Gaza.
En proie à une crise budgétaire, le gouvernement du Hamas à Gaza a annoncé
qu’il ne paierait que la moitié des salaires de ses quelque 40.000
fonctionnaires, pour le troisième mois consécutif.
La semaine dernière, le chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, en
visite à Rafah, a déclaré qu’il n’y avait « ni projet ni plan d’affrontement
avec l’Egypte, ni son gouvernement, ni son armée, ni son peuple, ni ses
partis ».
« Nous ne nous ingérons pas dans les affaires intérieures d’autres pays »,
a-t-il répété, en réaction aux reproches de médias égyptiens visant le Hamas
— branche palestinienne des Frères musulmans, le mouvement de Mohamed Morsi
— accusé d’avoir pris fait et cause pour les partisans du président égyptien
destitué.
La tension avait atteint son paroxysme lorsque des membres de la branche
armée du Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam, ont défilé en août dans le
sud de la bande de Gaza en exprimant par un signe de la main leur solidarité
avec les pro-Morsi victimes de la répression.
Après la diffusion de la vidéo de cette manifestation, un présentateur
d’une chaîne égyptienne a appelé « l’armée égyptienne à frapper le Hamas
terroriste comme elle a frappé Israël pendant la guerre de 1973″.
Afin de contenir l’incendie, le numéro deux du bureau politique du Hamas,
Moussa Abou Marzouk, installé au Caire, est allé sur le plateau d’une émission
de télévision, où il a présenté des excuses pour ce défilé qu’il a qualifié
d' »erreur ».
« L’armée égyptienne est une ligne rouge pour nous tous », a-t-il assuré.
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