Peu avant la fin de son premier pèlerinage
au Proche-Orient, le pape François célébrera lundi une messe au Cénacle à
Jérusalem, un site sacré pour les chrétiens, les juifs et les musulmans qui
cristallise les tensions dans la Ville sainte.
Selon la tradition chrétienne, c’est à cet endroit, situé sur le Mont Sion,
à l’extérieur des murailles de la Vieille ville, qu’a eu lieu la Cène, le
dernier repas de Jésus avec ses apôtres, au cours duquel fut instituée
l’eucharistie.
C’est là aussi que s’est déroulé, selon les Evangiles, la descente de
l’Esprit saint à la Pentecôte, cinquante jours après Pâques. Ces deux
événements marquent pour les chrétiens la naissance de l’Eglise.
Pour les juifs, l’édifice abrite le tombeau du roi David, vénéré depuis le
12e siècle. Et pour les musulmans, qui y avaient construit une mosquée jusqu’à
ce que l’armée israélienne conquière le mont Sion en 1948, le site est
considéré aussi comme un sanctuaire.
Aujourd’hui, les chrétiens demandent à avoir l’usage du lieu, où ils ont
libre accès mais ne peuvent célébrer des messes que deux fois par an, pour le
Jeudi saint et la Pentecôte.
Cette demande a déclenché la colère et des manifestations d’extrémistes
juifs redoutant que la venue du pape au Cénacle ne fasse partie de
négociations secrètes entre Israël et le Saint-Siège susceptibles de mettre un
terme, à leur détriment, au statu quo.
Lors de sa visite le 30 avril au Vatican, le président israélien Shimon
Peres avait affirmé à un quotidien italien qu’un compromis avait été trouvé
sur le Cénacle et que « 99% des questions » avaient été réglées. Mais aucun
accord n’a été officialisé et les autorités israéliennes assurent n’avoir
aucune intention de modifier le statu quo.
« Toutes les rumeurs sur un transfert de souveraineté ou de quelque droit de
propriété que ce soit sont fausses », affirme Yigal Palmor, le porte-parole du
ministère des Affaires étrangères.
– ‘Liberté de culte’ –
Mais des juifs ultra-orthodoxes et nationalistes ont récemment multiplié
les rassemblements aux abords du Cénacle pour dénoncer la célébration lundi
par le pape d’une messe avec les évêques catholiques de Terre sainte, un
office qu’ils regardent comme « impie ».
La police israélienne a dû prendre des mesures d’éloignement à l’encontre
de plusieurs dizaines d’extrémistes juifs soupçonnés de vouloir perturber le
séjour du pape, dont certains étudient dans une yeshiva (école talmudique)
installée à quelques mètres du Cénacle.
Ils n’auront pas le droit de s’approcher du site jusqu’à la fin de la
visite papale.
Au rez-de-chaussée de la bâtisse en pierre blanche se trouvent une
synagogue et – selon une tradition tardive – le cénotaphe de David, un tombeau
vide sur lequel les juifs se recueillent.
A l’étage, le Cénacle, une salle voutée avec des restes de chapiteaux d’une
église chrétienne. Le bâtiment est surmonté d’un « mihrab », une niche indiquant
la direction de La Mecque.
« Pour les chrétiens, le mont Sion est le deuxième lieu le plus saint après
le Saint Sépulcre », explique le père Pierbattista Pizzaballa, custode
(gardien) catholique de Terre sainte.
« Le libre accès est une chose, mais la liberté de culte en est une autre.
Si je veux me rendre dans ce lieu, je peux le faire, mais si je veux y prier
officiellement en tant que chrétien, c’est impossible », déplore ce franciscain
italien.
« Nous ne voulons pas transformer la salle supérieure en une église, nous
n’en revendiquons pas la propriété ni la souveraineté. Nous voulons simplement
le droit d’y prier », insiste-t-il.
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