Paris, 11 jan 2015 (AFP) – « Combattre » la « terreur » en France, un « devoir » pour lequel il faut envisager « des moyens d’exception »: en ce dimanche de rassemblement et de recueillement, les responsables juifs ont donné de la voix après l’attentat qui a fait quatre morts dans une supérette casher.
La journée de mobilisation historique à Paris et en France contre le
jihadisme international s’est ouverte par un long entretien à l’Elysée entre les représentants de la première communauté juive d’Europe, forte de 500.000 à 600.000 membres, et François Hollande.
La rencontre a duré plus d’une heure, ce qui traduit le niveau d’inquiétude des responsables juifs après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de la Porte de Vincennes dans lesquels 20 personnes – dont les trois jihadistes – sont mortes.
L’attaque perpétrée vendredi à l’Hyper Cacher constitue la plus meurtrièreagression à caractère antisémite survenue en France depuis plus de 30 ans, avec l’attentat commis par Mohamed Merah dans une école juive à Toulouse en mars 2012 (trois enfants et un enseignant tués).
Partagés entre la tristesse et l’amertume voire un sentiment d’abandon, de nombreux membres de la communauté devaient manifester à Paris dans l’après-midi en se rassemblant dès 13h30 place de la Bastille, avant un hommage à 18h30 à toutes les victimes à la synagogue de la Victoire, en présence du chef de l’Etat et du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
« J’ai retenu une phrase du président: +Aujourd’hui, Paris est la capitale du monde, la capitale des libertés. Quand on attaque des Juifs, quand on attaque des journalistes, c’est la démocratie qu’on veut assassiner, c’est la République qu’on veut frapper+ », a déclaré à la presse le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Sacha Reingewirtz, à sa sortie de l’Elysée.
Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), s’est réjoui pour sa part que François Hollande ait annoncé que « toutes les écoles, toutes les synagogues seraient protégées, si nécessaire, au-delà de la police, par l’armée ».
Le responsable de l’organe de représentation politique de la communauté juive a précisé que parmi les sujets évoqués avec le chef de l’Etat figuraient
« les réseaux sociaux, où des messages antisémites sont diffusés et pour lesquels il faudrait prendre des mesures qui relèvent du pénal ». « Nous avons évoqué aussi les bouquets (de télévision satellitaire) où des messages antisémites sont diffusés et la nécessité que l’on cesse de former dans nos prisons au jihadisme », a-t-il poursuivi. Selon lui, « des mesures seront annoncées dans les prochains jours ».
– ‘Rester debout dans la dignité’ –
Cette vague d’attentats est survenue alors que l’émigration vers Israël, en partie due au sentiment d’insécurité lié à l’antisémitisme, n’a jamais été aussi importante depuis la France, devenue en 2014 le premier pays pour l’aliyah, avec près de 7.000 départs, soit deux fois plus environ que l’année précédente. Les actes antisémites recensés ont progressé dans les mêmes proportions, soit d’environ 100%, entre 2013 et 2014.
« Ceux qui prennent la décision de partir vers Israël, nous ne pouvons que respecter leur décision mais nous estimons que nous devons combattre en France contre tous les ennemis du judaïsme », a dit Roger Cukierman, interrogé sur les propos du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui avait estimé qu’Israël était le « foyer » des Juifs de France.
Le Premier ministre Manuel Valls avait immédiatement répliqué à M. Netanyahu, assurant que « la France, sans les Juifs de France, n’est plus la France ».
« Il est hors de question de céder à la terreur. Il nous faut rester debout dans la dignité, continuer de vivre notre vie de citoyen et de Juif », a de son côté déclaré à l’AFP le grand rabbin de France, Haïm Korsia.
« Il ne faut plus parler de responsabilité mais de devoir », a ajouté le chef religieux de la communauté juive de France, précisant qu' »il est de notre devoir de stopper ceux qui sont une menace pour la société ».
Selon le grand rabbin Korsia, Manuel Valls a dit samedi « que l’on était en état de guerre. Il est impératif de mettre en place des moyens en conséquence,
peut-être même faut-il parler de moyens d’exception ».
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