Les combats ont fait 50 morts; 4 membres de l’OSCE disparus; l’Ukraine convoque le chargé d’affaires russe
L’armée ukrainienne a affirmé mardi avoir repris le contrôle de l’aéroport de Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, après des combats avec les insurgés prorusses qui ont fait au moins 50 morts, tandis que l’OSCE a annoncé avoir perdu le contact avec quatre de ses observateurs.
Le ministère des affaires étrangères ukrainien a convoqué le chargé d’affaires russe pour protester contre l’incursion de « terroristes armés » depuis la Russie en Ukraine dans la nuit de lundi à mardi.
La dégradation de la situation sur le « front de l’Est », où les forces ukrainiennes semblent effectuer un changement de tactique en ayant un recours accru à l’aviation contre les séparatistes, intervient alors que le président Petro Porochenko prépare son entrée en fonction.
Le nouveau président ukrainien a reçu le « soutien total » du président américain Barack Obama lors d’une conversation téléphonique entre les deux dirigeants mardi.
Obama a appelé Porochenko sont convenus de poursuivre leur dialogue lors du prochain voyage en Europe du président américain, a indiqué l’exécutif américain dans un communiqué.
Lors de son appel téléphonique, le président américain a souligné l’importance de mettre en oeuvre rapidement les réformes nécessaires à l’Ukraine pour rassembler le pays et développer une économie viable, un climat attractif pour les investissements et mettre en place un gouvernement responsable qui réponde aux attentes et aux inquiétudes de tous les Ukrainiens, selon la présidence américaine.
A rebours des Etats-Unis, la Russie, engagé dans un bras de fer depuis février avec l’Ukraine, a indiqué qu’une visite à Moscou de Petro Porochenko, élu dimanche avec plus de 54% des suffrages, n’était « pas envisagée ».
Le bastion rebelle de Donetsk n’avait jamais connu un tel niveau de violence. Selon le maire de la ville, Olexandre Loukiantchenko, 38 combattants – séparatistes et soldats ukrainiens – ont péri dans les combats. Deux civils ont également été tués dans des affrontements, qui ont fait au moins 43 blessés, toujours soignés à l’hôpital.
Toujours selon le maire, parmi les blessés se trouvent huit citoyens russes, dont certains sont de Grozny et de Goudermès, dans la république russe de Tchétchénie. Ces derniers jours, l’AFP avait constaté l’apparition dans les rues de Donetsk de combattants qui semblaient être originaires du Caucase russe, mais aucun n’était disposé à parler. »La situation reste très tendue », a ajouté le maire qui avait appelé les habitants à rester chez eux.
Lourdes pertes séparatistes ?
La bataille pour le contrôle de l’aéroport de Donetsk avait commencé lundi par l’entrée en action d’avions de combat Mig-29 et Soukhoï-25 et le déploiement par hélicoptère de parachutistes dans l’enceinte de l’aéroport.
Les combats ont fait rage pendant de longues heures dans l’enceinte de ce site stratégique pour l’accès à l’est du pays que les séparatistes avaient investi sans violences dans la nuit de dimanche à lundi.
« L’aéroport est sous notre contrôle total. L’adversaire a essuyé de lourdes pertes et nous n’avons pas de pertes », a affirmé mardi en fin de matinée le ministre ukrainien de l’Intérieur, Arsen Avakov.
Sur place, des tirs pouvaient être encore entendus mardi à la mi-journée sans que l’on puisse en déterminer l’origine.
Sur la route de l’aéroport, les séparatistes ont placé un bulldozer, des camions bennes en travers de la route, ainsi que des piles de pneus et un carton plein de cocktails Molotov. Selon les habitants, il s’agit d’empêcher une attaque éventuelle de l’armée ukrainienne.
Et à moins de 2 km de l’aéroport, un camion criblé de balles et brûlé sur tout un côté a été abandonné sur le bord de la route. Des douilles et du sang, ainsi que des morceaux de corps humains jonchent le sol, ont constaté les journalistes de l’AFP.
Parallèlement, l’OSCE, qui dispose depuis mars d’une mission spéciale d’observation, a annoncé avoir perdu contact avec l’une de ses équipes basée à Donetsk qui effectuait « une patrouille de routine ».
Ces observateurs – un Danois, un Turc, un Estonien et un Suisse – ont été arrêtés à un barrage de contrôle peu de temps avant que l’organisation ne perde contact avec eux.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a immédiatement accusé les séparatistes.
Cette perte de contact a lieu un mois après la prise en otage d’une autre équipe de l’OSCE par des séparatistes pro-russes qui les a détenus pendant une semaine dans le bastion rebelle de Slaviansk.
Auparavant, dans un communiqué, Vladimir Poutine a appelé à « l’arrêt immédiat de l’opération punitive de l’armée » et a souligné la nécessité « de mettre en oeuvre un dialogue pacifique entre Kiev et les représentants des régions » ukrainiennes.
L’opération militaire est intervenue au moment où le milliardaire pro-occidental Petro Porochenko était officiellement déclaré « nouveau président de l’Ukraine » au terme d’un scrutin où les Ukrainiens ont dimanche voté en masse, à l’exception de l’Est séparatiste où l’immense majorité des bureaux de vote n’a pas pu ouvrir.
Le président élu avait annoncé dès dimanche soir qu’il se rendrait dans le Donbass, le bassin minier dans l’Est, coeur de l’insurrection. Et lundi, il avait promis de ne jamais laisser les insurgés, qu’il appelle « les terroristes », transformer la région rebelle en « Somalie ».
Petro Porochenko, qui suscite d’énormes attentes en Ukraine et en Occident pour le règlement de la crise politique qui dure depuis plus de six mois, a confirmé l’orientation qu’il comptait donner à sa politique: en route vers l’intégration européenne.
Un travail titanesque attend le président, qui devra gérer tout autant la rébellion pro-russe dans l’Est que la quasi-faillite de l’économie ukrainienne, ainsi que des réformes économiques impopulaires imposées en échange de l’aide de 27 milliards de dollars consentie par le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne.
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(avec AFP)