Le secrétaire d’Etat américain John Kerry
quitte lundi le Proche-Orient après quatre jours de discussions intensives
mais sans avoir réussi à convaincre Israël et les Palestiniens de se rallier à
son plan de paix.
Les diplomates américains avaient averti qu’il ne fallait pas s’attendre à
une percée lors de cet 10e voyage dans la région de M. Kerry, qui s’est heurté
aux positions jusqu’à présent irréconciliables des deux camps.
Au cours de sa visite, le secrétaire d’Etat a proposé un projet
d' »accord-cadre » traçant les grandes lignes d’un règlement définitif sur les
frontières, la sécurité, le statut de Jérusalem et le sort des réfugiés
palestiniens.
Selon le quotidien israélien Maariv, il aurait fait pression sur le Premier
ministre israélien Benjamin Netanyahu pour qu’il accepte une formule
autorisant le retour en Israël d’un nombre limité de réfugiés chassés en 1948,
auquel s’opposent catégoriquement les dirigeants israéliens.
De leur côté, les négociateurs israéliens souhaitent prolonger jusqu’en
janvier 2015 ce cycle de pourparlers censé prendre fin le 29 avril, affirme le
Maariv.
En échange, ils accepteraient de suspendre les procédures de planification
et de construction dans certaines colonies de Cisjordanie.
Avant son départ, M. Kerry a rencontré l’émissaire du Quartette pour le
Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Union européenne, ONU) Tony Blair et le
nouveau chef de l’opposition israélienne Yitzhak Herzog.
Mais il doit revenir dans la région en début de semaine prochaine pour
poursuivre son forcing, rapporte la presse israélienne.
Le secrétaire d’Etat américain a effectué dimanche une mission éclair en
Jordanie et en Arabie saoudite, se prévalant du soutien du roi saoudien
Abdallah à ses efforts pour élaborer une solution « juste et équilibrée » au
conflit israélo-palestinien.
Artisan de la reprise, en juillet 2013, des négociations de paix
interrompues depuis près de trois ans, M. Kerry avait reconnu dimanche qu’il
était impossible de dire quand « les dernières pièces du puzzle pourraient se
mettre en place ou tomber par terre, et laisser le puzzle inachevé ».
Le secrétaire d’Etat a fait état de « progrès » pendant ses entretiens
marathon avec M. Netanyahu (13 heures au total) et le président palestinien
Mahmoud Abbas.
‘Droit de savoir’
Mais les divergences restent très profondes: M. Netanyahu a reproché à la
direction palestinienne de manifester son « opposition à la reconnaissance
d’Israël comme Etat juif », l’accusant de nier ainsi « notre droit (des Juifs,
NDLR) à être ici ».
Israël rejette aussi les propositions américaines de contrôle de la
frontière entre un futur Etat palestinien et la Jordanie, dans la vallée du
Jourdain, qui s’appuient sur un éventuel déploiement de systèmes de
surveillance sophistiqués.
Un dirigeant palestinien, Yasser Abed Rabbo, a relevé des « discussions
sérieuses sur la manière d’avancer », mais prévenu qu’il ne fallait pas
s’attendre « à voir quelque chose d’écrit bientôt », faute de « progrès réel » sur
les questions les plus épineuses.
Précédée par une recrudescence des violences à Gaza et en Cisjordanie, la
visite de M. Kerry s’est déroulée dans un climat de récriminations et de
pessimisme tant côté israélien que palestinien.
Elle a aussi eu pour toile de fond la dégradation de l’état de santé
d’Ariel Sharon, ancien Premier ministre et ex-homme fort de la droite
israélienne, dans le coma depuis huit ans.
L’opinion publique israélienne et palestinienne, plus sceptique que jamais
après 20 ans de processus de paix, semble se désintéresser des efforts de John
Kerry.
Le quotidien palestinien Al-Quds dénonce dans un éditorial lundi l’état de
confusion de l’opinion publique créée par les fuites multiples et
contradictoires sur le contenu des discussions, « bien que le président Mahmoud
Abbas ait affirmé à maintes reprises les constantes et les lignes rouges
palestiniennes ».
« Le peuple palestinien dans la patrie et la diaspora a le droit de savoir
quelle est la nature des propositions américaines et des positions
israéliennes », estime le journal, s’inquiétant d’une perpétuation de
« l’occupation et de l’hégémonie que veulent vendre Israël et Washington sous
l’étiquette de la paix ».