Jérusalem, 11 juin 2014 (AFP) – Avec l’élection de Reuven Rivlin, plus
faucon que colombe, Israël retrouve un chef d’Etat moins engagé dans l’arène internationale mais sa victoire, sérieux revers pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, laisse augurer de turbulences au sein du gouvernement.
M. Rivlin, élu mardi 10e président d’Israël, n’aura pas la stature
internationale de son prédécesseur Shimon Peres qui a mis sa notoriété au service de la paix avec les Palestiniens, estiment les analystes.
« Il fera profil bas, beaucoup plus que Peres, ce n’est pas une star à
l’international, son anglais n’est pas bon et il n’est pas très à l’aise dans les cocktails », explique à l’AFP Emmanuel Navon, politologue et membre du comité central de Likoud, le principal parti de droite, qui a soutenu la candidature de M. Rivlin.
La présidence de M. Rivlin, 74 ans, dont la fonction est de par sa nature « apolitique » et largement protocolaire, devrait néanmoins apporter son lot d’imprévisibilité.
« Si Ruby Rivlin continue de se comporter avec modestie et de se battre pour faire de la politique propre il pourrait être plus qu’un symbole », prédit
Aviad Kleinberg, éditorialiste du Yediot Aharonot.
Figure populaire et haute en couleur, « Ruby » (diminutif de Reuven) est à la fois un partisan déclaré du « Grand Israël » et de la colonisation mais aussi un avocat de l’état de droit et de la démocratie parlementaire.
Son triomphe a été accueilli avec satisfaction par la droite nationaliste et les colons.
La principale organisation des colons de Cisjordanie est
persuadée d’avoir gagné « un véritable ami de la politique d’implantation (dans les colonies ndlr) et du Grand Israël, un héritier de la famille des fondateurs du pays », en référence à l’ex-Premier ministre Menahem Begin, dont M. Rivlin revendique l’héritage politique.
« Mais si durant son mandat le gouvernement devait être amené à signer un accord de paix, Reuven Rivlin se conformerait, le coeur lourd, à toute
décision démocratique », tempère le quotidien de gauche Haaretz.
‘Netanyahu le grand perdant’
Depuis son élection, il n’a cessé de donner des gages d’apaisement,
peaufinant son costume d’arbitre politique et d’homme du consensus, qu’il
avait déjà commencé à se tailler quand il était président de la Knesset (le Parlement israélien).
« Je ne suis plus un homme de parti politique, je suis l’homme de tout le peuple », a-t-il proclamé sitôt vainqueur, en annonçant qu’il quitterait,
conformément à la loi, sa « maison politique », le Likoud, pour assurer ses futures fonctions présidentielles.
La victoire de ce vétéran nationaliste est un revers pour la gauche et le « camp de la paix » qui ont montré une fois de plus, durant cette élection leur impuissance « en ne réussissant pas à se rassembler derrière un candidat sérieux », souligne Haaretz.
Mais le véritable perdant de la présidentielle est « Bibi » Netanyahu qui a désespérément tenté, jusqu’à la dernière minute, d’empêcher Reuven Rivlin d’accéder à la présidence tant leur inimitié est de notoriété publique.
« Netanyahu est le grand perdant non seulement parce qu’il écope d’un président avec lequel il a des problèmes et dont il a récemment essayé de transformer la vie en enfer (…) mais aussi parce que cette élection a révélé sa faiblesse au sein de son propre parti », relève Rina Matzliah, commentatrice politique de la télévision.
« Netanyahu fait désormais figure de +canard boiteux+ », résume Emmanuel
Navon, même si la garde rapprochée de Benjamin Netanyahu s’efforce de minimiser l’ampleur de la division au sein du Likoud.
Reuven Rivlin a rencontré mercredi le Premier ministre pour évoquer « leurfuture collaboration », assurant n’avoir aucun grief contre lui.
Les deux hommes ont les sourires de circonstance.
Toutefois, l’élection de M. Rivlin a d’ores et déjà prouvé qu’il y a un
« dysfonctionnement » au sein de la coalition gouvernementale, relève M. Navon.
Reste à savoir si cette fracture conduira à des législatives anticipées
comme l’évoquent mercredi plusieurs éditorialistes.
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