Meyer Habib : « On veut me décapiter, me jeter aux chiens »… Trop, c’est trop !
Meyer Habib, député de la 8 ème circonscription des Français de l’Etranger, est, depuis son
élection en 2013, victime de manière incessante d’insultes à caractère antisémite et de
menaces de mort. Excédé, il porte plainte et demande, à la justice comme au gouvernement,
des réponses exemplaires, pour que cesse l’impunité digitale en matière d’antisémitisme. Une
action en justice qui, pour autant ne le détourne pas de sa mission : faire en sorte que cessent
la discrimination vis-à-vis d’Israël et les dangers qui pèsent sur la communauté juive au sein
même du territoire français. Interview exclusive…
Monsieur le député, vous êtes victime d'injures antisémites et la cible de menaces
particulièrement violentes. Depuis quand ?
Depuis mon élection à l’Assemblée nationale en 2013 car pour la première fois, on a eu
un député français, représentant notamment les 150 000 Français d’Israël, qui incarne
ouvertement aussi l’idéal sioniste et l’amitié France-Israël.
Cependant, le phénomène s’amplifie et prend des proportions très inquiétantes ces derniers
temps, avec de nombreuses menaces de mort d’une violence inouïe sur Twitter et Facebook,
sans parler des milliers d’insultes à caractère antisémite. J’ai décidé de porter plainte. En
2015, déjà, un jeune radicalisé, Amine Bouzelmat, a été condamné par le tribunal
correctionnel de Montbéliard à un an de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve
avec interdiction de sortie de territoire pour avoir menacé de me décapiter. Les enquêteurs
avaient découvert dans son ordinateur des vidéos de décapitations de l’Etat islamique et
plusieurs éléments permettant d’établir qu’il faisait une focalisation obsessionnelle sur ma
personne…
J’ai aussi écrit au Ministre de l’Intérieur pour l’informer directement et lui demander qu’il
prenne les mesures qui s’imposent pour garantir ma sécurité et celle de ma famille. Je rappelle
que Charlie Hebdo avait fait l’objet de menaces bien avant l’attentat de janvier 2015 et que le
dispositif de sécurité mis en place par le gouvernement à l’époque s’était avéré totalement
inadapté, faute d’une évaluation précise, avec les conséquences dramatiques que l’on sait.
Pourquoi avoir choisi, aujourd’hui, de médiatiser l'affaire et les plaintes que vous déposez
?
Parce qu’il ne faut pas tolérer l’intolérable ! Et trop, c’est trop ! Quand une page pro-
palestinienne sur Facebook laisse publier un message tel que : « Te décapiter […], te jeter aux
chiens, te filmer, et faire passer tout ça sur YouTube […] fils de chienne et sale youpin de
sous race. », un cap est franchi et il faut une réponse vigoureuse des autorités et du monde
politique. Comment accepter qu’en 2018, 75 ans après la Shoah, un Député de la République
puisse être visé par une campagne d’appel au meurtre parce qu’il est juif, parce qu’il est un
ami d’Israël et dénonce le totalitarisme islamique ? Je citerai Elie Wiesel dans le testament
d’un poète juif assassiné : « le vrai danger, mon fils, se nomme indifférence… » Or, à l’ère de
la communication, seule la médiatisation suscite prise de conscience et réponse politique.
Je reçois de très nombreux témoignages de soutien à l’Assemblée nationale comme sur
Internet et dans la communauté juive. En revanche, à l’exception de la presse communautaire
et d’I24 News, le silence des médias nationaux est assourdissant, comme si ce torrent de haine
était normal… Le contraste est saisissant avec la couverture médiatique, parfaitement légitime
au demeurant, accordée aux injures sexistes et antisémites dont a été victime il y dix jours la
Députée Yaël Braun-Pivet, comme, avant elle, Jean-Luc Mélenchon, ciblé par des menaces ou
Laetitia Avia, touchée par des propos racistes. Il y a manifestement deux poids et deux
mesures. Il semble que, pour ces médias, menacer Meyer Habib serait compréhensible. Pour
moi, ça ne l’est absolument pas.
Qu’attendez-vous de la justice et du gouvernement ?
J’attends de la police et de la justice que les auteurs soient rapidement identifiés, jugés et
punis de manière exemplaire. A ce stade, la réactivité des autorités laisse à désirer. A titre de
comparaison, en Israël, en Russie ou aux Etats-Unis, les auteurs de telles menaces, a fortiori
contre un député, seraient derrière les barreaux dans les vingt-quatre heures…
Plus généralement, j’attends du gouvernement qu’il passe de la parole aux actes s’agissant de
la lutte contre les propos antisémites, qui foisonnent sur Internet. En mars dernier, le
gouvernement a affiché sa volonté de mettre un terme aux contenus offensants et illégaux
dans le cadre du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Aujourd’hui, il y a urgence
à agir ! Quand il s’agit de racisme et d’antisémitisme, aucun acte n’est anodin, tous fragilisent
la République. Pire, ces mots tuent. Depuis le début du 20 ème siècle, treize Français juifs ont
été assassinés en France parce que juifs, pour la plupart au nom de la détestation d’Israël,
comme ce fût ouvertement revendiqué à Toulouse ou à l’Hyper Cacher …
Quel est, à votre sens, la responsabilité des élus, de la classe politique et des médias dans le
déferlement de haine qui se produit souvent, pour ne pas dire systématiquement, lorsqu’il
est question d’Israël ?
Il ne fait aucun doute que ce climat de haine est alimenté par l’hostilité à Israël d’une partie
des médias et de la classe politique, principalement à gauche. Ce fût particulièrement visible
lors de la récente crise frontalière avec la Bande de Gaza. Alors qu’il a intégralement évacué
ce territoire en 2005, on a reproché à Israël de défendre sa frontière face aux assauts de hordes
terroristes, qui affichaient clairement l’objectif de tuer le maximum de « juifs » … Quel Etat
digne de ce nom laisserait sa population à la merci de pareils assassins ?
Le 3 juillet dernier, à mon instigation, le porte-parole de Tsahal, le Général Manélis, a été
invité par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, dont je suis vice-
président, pour expliquer les principes qui ont guidé la réponse israélienne. Hélas, j’ai
constaté avec tristesse que l’immense majorité des députés présents, à l’exception de ceux de
droite, restaient totalement sourds aux arguments de bon sens du Porte-parole.
Que les attaques proviennent de l’extrême-gauche n’aurait rien d’étonnant mais, plus
inquiétant est l’alignement quasi-général de la majorité LREM-Modem sur ces mêmes
positions et la convergence des discours anti-israéliens. J’ai, d’ailleurs, écrit, avec copie au
Président de la République, le 31 mai, au délégué général de LREM Christophe Castaner pour
demander des clarifications. L’Elysée m’a répondu, la réponse de M. Castaner se fait attendre
à ce jour.
Cette hostilité m’inquiète d’abord pour la France. Alors que notre pays déplore depuis 2015
plus de 250 morts et des centaines de blessés victimes du djihadisme, on continue de
reprocher à Israël de se défendre. La guerre contre le terrorisme se situe d’abord sur le terrain
moral et Israël, en première ligne contre le djihadisme, partage nos valeurs de démocratie et
de droits de l’homme. Quand je vois que le 15 novembre dernier, La France Insoumise a
quitté l’hémicycle quand j’ai reproché au Ministre des Affaires étrangères d’avoir demandé la
libération du terroriste franco-palestinien Salah Hamouri ou que des députés de quatre
groupes politiques accueille en héros à l’Assemblée nationale le fils du méga-terroriste
Marwan Barghouti, je me dis que l’issue de la bataille reste très incertaine…
La France souffre d’une sorte de schizophrénie dès qu’il s’agit d’Israël, avec un fossé
permanent entre les paroles et les actes ! Quelques exemples : D’un côté, on va proclamer que
l’antisionisme est le nouvel antisémitisme et de l’autre accepter que la France vote à
l’UNESCO des résolutions qui islamisent le Mont du temple et rebaptisent le Kotel en Place
Al-Buraq ! D’un côté, on va organiser la saison croisée France-Israël et de l’autre accepter
qu’Israël, qui compte 800 000 francophones, reste banni de la Francophonie ! D’un côté, on
va condamner le boycott d’Israël, de l’autre promouvoir l’étiquetage des produits de
Jérusalem, de Judée-Samarie et du Golan ! D’un côté, on va se dire attaché à la sécurité
d’Israël et de l’autre chercher à normaliser à tout prix nos relations avec la République
islamique d’Iran, qui affiche l’objectif d’effacer Israël de la carte !
Comment espérer un changement des mentalités quand même le Quai d'Orsay se montre
souvent de pure mauvaise foi à l’égard d’Israël ?
Force est de reconnaître que la politique étrangère de la France reste principalement façonnée
par le Quai d’Orsay, dont le tropisme pro-arabe est bien établi. Cette hostilité d’une grande
partie de la diplomatie française à l’endroit d’Israël est apparue, une fois encore, au grand jour
le 22 juillet dernier dans le communiqué officiel relatif au sauvetage des casques blancs
syriens.
Alors que de très nombreuses chancelleries occidentales ont rendu hommage à Israël pour ce
geste humanitaire exceptionnel, y compris Federica Mogherini, la Haute représentante de
l'Union européenne pour les affaires étrangères, le mot « Israël » n’est même pas mentionné
dans la déclaration officielle du Ministère des Affaires étrangères… C’est une nouvelle
preuve que le biais anti-israélien du Quai d’Orsay est si puissant qu’on préfère nier l’évidence
pour ne surtout pas rendre hommage à Israël et à Tsahal. C’est pathétique et indigne d’un pays
comme la France et j’en ai touché mot au Ministre Jean-Yves Le Drian, qui n’avait pas l’air
d’être au courant.
Gardez-vous espoir que la situation change ?
Une fois encore, je suis plus inquiet pour la France que pour Israël mais j’ai par nature un
tempérament optimiste et tendance à voir le verre à moitié plein. Même si la situation reste
difficile, je suis malgré tout moins seul aujourd'hui qu’il y a cinq ans à défendre nos valeurs.
Depuis 2013, j’ai reçu en Israël des dizaines de parlementaires, ce qui a permis de diffuser
une meilleure connaissance du pays, initier des chantiers de coopération et susciter la prise de
conscience que nous partageons les mêmes valeurs comme les mêmes défis.
Tout récemment encore, fin juin, une quarantaine de parlementaires, dont quatre anciens
ministres se sont rendus en Israël pour trois jours dans le cadre de la mission de l’amitié
France-Israël », organisée par ELNET à l’occasion des 70 ans de l’Etat.
La route est encore longue et sinueuse, les avancées sont parfois annulées par des retours en
arrière mais je crois sincèrement, comme le Premier ministre Netanyahu d’ailleurs, que le
sens de l’Histoire est au renforcement de l’amitié et de la coopération franco-israéliennes. J’y
travaille sans relâche.
Interview Exclusif pour Israël Actualités