INFOGRAPHIE – La dernière publication trimestrielle de l’agence européenne de contrôle des frontières décrit une situation catastrophique.
Entrées clandestines en Europe: +153%! Du jamais-vu, avec plus de 230.000 illégaux en un an. Et encore ne s’agit-il que des étrangers détectés par les gardes frontières. Le Figaro a décortiqué le tout dernier rapport de l’agence Frontex, sorte de police européenne qui supervise les frontières extérieures de l’Union. Ce rapport «Q3» (Q pour «Quarter» ou troisième trimestre 2014), permet de reconstituer, sur douze mois glissants, les évolutions des flux migratoires, directement impactés par les crises internationales, comme la guerre en Syrie et en Irak.
On y découvre que, de juillet à septembre 2014, avec plus de 110.000 passages, par terre et surtout par mer, recensés en trois mois, il est entré en Europe quasiment trois fois plus de clandestins que durant le pire trimestre du printemps arabe de 2011, qui, sous Sarkozy, avait justifié que la France boucle provisoirement sa frontière avec l’Italie. «L’île de Lampedusa demeure une porte d’entrée béante, tout comme la Grèce, et l’on se demande bien comment les États réussiront à gérer un tel afflux», reconnaît un responsable de la Police aux frontières (PAF) à Paris.
Les entrées sont chaque jour plus importantes que les sorties. Sur l’année écoulée, les États de l’Union ont signifié 112.362 refus d’entrée aux migrants (-13 %). Ils ont également procédé à 157 324 renvois effectifs de clandestins (-2 %). Mathématiquement, le nombre de séjours illégaux grimpe. Il vient même de passer la barre historique des 400 000 détectés en douze mois (+21 %). Tandis que les demandes d’asile ont dépassé les 470 000 (+38 %), principalement répartis entre l’Allemagne, la Suède et, dans une moindre mesure, la France, qui accueille près de 70 000 demandeurs par an.
Le nombre de passeurs appréhendés a augmenté de 31%
Soutenant l’action des États, l’agence Frontex, aujourd’hui dirigée par un Français, Fabrice Leggeri, supervise de multiples opérations engagées pour limiter le flux des arrivants. Le nombre de passeurs appréhendés est passé en douze mois de 7137 à 9376 (+31%). Et de nombreux navires ont été dépêchés au plus près des côtes des pays sources pour dissuader les départs, depuis la Libye ou l’Égypte notamment.
Mais le rapport de Frontex pointe les limites de cette politique: «Les réseaux criminels ont exploité la présence des vaisseaux italiens déployés à proximité des côtes libyennes dans le cadre de l’opération “Mare Nostrum”» pour sécuriser leur trafic d’êtres humains. Puisque les États ont obligation de secourir en mer ces populations. Les «dissuadeurs» sont devenus des escorteurs!
L’agence aux frontières européenne rapporte que, «disposant de peu de navires, les passeurs récupèrent souvent les bateaux des précédentes traversées laissés à la dérive, après le secours des passagers, pour ramener ces embarcations en Libye et les réemployer.» Autre révélation: des groupes criminels vont jusqu’à demander à ceux des clandestins qui ne peuvent payer la traversée (1500 euros par personne) «s’ils préfèrent être utilisés comme main-d’œuvre ou donneurs d’organes» à l’arrivée.
Concernant le dernier trimestre analysé par Frontex, le constat laisse perplexe. «Le seul indicateur qui baisse est celui des retours effectifs», écrit l’agence. Certes, les mois concernés sont ceux des migrations estivales, où le climat facilite les passages. Mais toutes les prévisions ont été pulvérisées. Les passages depuis le Maroc ont doublé par rapport au trimestre précédent. Ceux depuis la Hongrie ont triplé.
La fraude documentaire, véritable sésame de l’immigration clandestine
Sur près de 100.000 passages par voie maritime, de juillet à septembre 2014, «les illégaux passés par l’Italie ont représenté les deux tiers du total des clandestins détectés, tandis que 27% de tous les migrants recensés sur cette frontière étaient syriens», précise l’agence Frontex. Celle-ci évoque un réservoir de 140.000 migrants syriens en Égypte, qui commencent à affluer. Explication: «leur situation est devenue plus difficile, principalement à cause d’une nouvelle obligation de visa et de la révocation du séjour régulier pour les nationaux syriens et aussi pour des raisons économiques.»
Le conflit en Ukraine a également des répercussions. «Les Ukrainiens continuent d’être la principale nationalité à se voir refouler aux frontières de l’Union européenne», précise Frontex, qui évoque 5198 refus d’entrée en trois mois, principalement par la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Roumanie.
Reste la question de la fraude documentaire, véritable sésame de l’immigration clandestine. La France s’est illustrée comme l’un des pays de l’Union les plus actifs dans la détection des faux papiers en 2014. Mais la nouvelle n’est guère réjouissante. «Nous en détectons davantage parce que les réseaux nous ont placés dans les pays cibles pour la contrefaçon de passeports, de visas et de permis de séjour», confie, inquiet, un commissaire de la PAF.