Sur fond d’affaire Merah et de menaces de l’EI, la police française laisse s’échapper 3 suspects
Le ministère français de l’Intérieur était confronté mercredi à une vive polémique après la série de ratés qui ont permis à trois présumés djihadistes de s’évaporer dans la nature à leur retour de Turquie, malgré des mesures de sécurité renforcées face au risque accru d’attentat.
Comment trois hommes connus des services de renseignement, proches de la mouvance islamiste radicale et liés à Mohamed Merah, ont-ils pu atterrir en France sans que les autorités françaises en soient averties? Comment ont-ils pu passer le plus légalement du monde entre les mailles des contrôles de l’aéroport de Marseille? Et comment le ministère de l’Intérieur a-t-il pu annoncer leur interpellation à l’aéroport d’Orly alors qu’elle n’avait jamais eu lieu ?
Au lendemain de l’arrivée des trois hommes en France, le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian a reconnu un « cafouillage », un « couac » entre autorités françaises et turques dans leur transfèrement. « Il y a manifestement un gros cafouillage mais il est en grande partie dû aux difficultés, à l’absence de très bonne collaboration avec les services turcs », a-t-il estimé.
Pour de nombreux observateurs, il s’agit surtout d’un inquiétant fiasco, voire d’un camouflet alors que la menace terroriste s’est accrue ces derniers jours avec l’appel au meurtre de Français par le groupe djihadiste Etat islamique et l’enlèvement d’un randonneur français en Algérie.
Imad Jjebali, Gael Maurize et Abdelouahab El Baghdadi, détenus en Turquie après leur retour de Syrie, devaient être expulsés mardi « par un vol à destination de Paris en provenance d’Istanbul », a expliqué mardi soir le ministère de l’Intérieur.
Le pilote de l’avion ayant refusé de les embarquer, « les services turcs ont décidé de les renvoyer en France par un vol à destination de Marseille », poursuit-il. Problème: les services français ont été informés par Ankara de ce changement de vol après leur arrivée sur le sol français.
Panne du système de contrôle
Les trois hommes ont été les premiers surpris de ne pas être « accueillis » par la police et de pouvoir sortir de l’aéroport sans encombre.
Le système de contrôle Cheops (Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés), qui centralise quasiment tous les fichiers de police et de gendarmerie, était en panne mardi après-midi, ont expliqué des sources policières à l’AFP. Est-ce l’origine du cafouillage? Difficile à dire, car les contrôles de passeports ne sont pas systématiques pour les ressortissants français, relèvent certaines de ces sources.
Avec AFP
Toujours dans la nature, les trois hommes entendent se rendre à la police. L’avocat d’Abdelouahab El Baghdadi, Pierre Le Bonjour, a assuré mercredi à l’AFP qu’il espérait « organiser » avec ses deux confrères, Pierre Dunac et Apollinaire Legros-Gimbert, une rencontre entre leurs trois clients et la police, à Toulouse ou à Paris. « On aimerait bien pouvoir les réunir et qu’ils aillent officiellement eux-mêmes, spontanément et volontairement au contact de la police et de la justice », a ajouté Me Le Bonjour, selon lequel les trois avocats n’ont « pas eu de contact » avec leurs clients depuis un appel téléphonique mardi après-midi.
Abdelouahab El Baghdadi est le mari de Souad Merah, la soeur de Mohamed Merah, tué par la police en mai 2012 après avoir assassiné au nom du djihad sept personnes – dont trois enfants d’une école juive -, à Toulouse et Montauban. L’homme de 29 ans était connu des services de renseignement pour avoir « gravité dans la mouvance salafiste ».
Le deuxième homme, âgé de 27 ans, avait déjà été arrêté en 2007 puis condamné dans une affaire à caractère terroriste pour avoir appartenu à une filière djihadiste en Irak, dite filière d’Artigat, du nom d’un village d’Ariège supposé être la base de repli de l’équipe.
Le troisième était domicilié à Albi où une autre filière djihadiste, dans laquelle gravitaient également d’anciens proches du tueur de Toulouse, a été démantelée cet été. Le suspect de 27 ans était « très lié » à Mohamed Merah et a grandi dans le même quartier toulousain, les Izards, selon une source proche du dossier.