GAZA (Territoires palestiniens), 06 nov 2013 (AFP) – Ce n’est que peu avant
sa mort en Syrie que Mohammad a avoué à sa famille où il était. Comme lui, des
dizaines de salafistes de Gaza partent en quête d’un jihad devenu difficile
dans le territoire palestinien gouverné par le Hamas.
La famille de Mohammad al-Zaanine, 23 ans, a dressé une tente de deuil
devant sa maison de Beit Hanoun, dans le nord du territoire, après l’annonce
par le courant salafiste du décès de ce « martyr de l’Etat islamique d’Irak et
du Levant dans une opération de martyre », en référence à un groupe lié à
Al-Qaïda bien implanté en Syrie.
« Il est parti le 13 juin sans nous prévenir, puis le lendemain il nous a
appelés pour dire qu’il était en Arabie saoudite » pour accomplir le petit
pèlerinage à La Mecque, raconte sa mère, Oum Mohammad.
Puis, le 2 septembre, « devant notre insistance, il nous a dit qu’il était
en Syrie pour le jihad », poursuit-elle. Deux semaines plus tard, « un de ses
amis nous a appris qu’il avait péri dans une opération de martyre », témoigne
la mère.
Selon des militants salafistes, plusieurs dizaines de jeunes de Gaza ont
ainsi pris le chemin du jihad en Syrie contre le régime de Damas.
Un dirigeant salafiste de Gaza, Abou Abdallah al-Maqdissi, évalue leur
nombre à « environ 27, dont certains sont revenus, d’autres sont tombés en
martyrs, d’autres encore ont été blessés et sont toujours là-bas ou dans les
pays voisins ».
« La confusion qui règne à Gaza entre la trêve (conclue par le Hamas avec
Israël, NDLR) et les entraves à l’action de la Résistance (à Israël, NDLR), en
particulier la traque de ceux qui tentent de mener le jihad sous l’accusation
de trahison et de sabotage du cessez-le-feu, a irrité nos frères et les a
poussés à rechercher d’autres options », explique-t-il.
« Le départ de moujahidine pour la Syrie est une initiative personnelle »,
assure le dirigeant salafiste, précisant que « Zaanine faisait partie de ceux
qui étaient constamment pourchassés par les services de sécurité du Hamas en
raison de tirs de roquettes » vers Israël.
Sa mère confirme qu’il a été arrêté plus de trois fois par le mouvement
islamiste et qu’il était fréquemment convoqué pour interrogatoire.
« Déçus du Hamas »
Le porte-parole du gouvernement du Hamas, Ihab al-Ghussein, défend la
position du mouvement, arguant que « la Résistance à Gaza ne s’est pas
arrêtée ». « La Résistance ne signifie pas l’affrontement permanent avec
l’occupant. Les actuels préparatifs en vue d’une future confrontation pour
défendre notre peuple, cela fait aussi partie de la Résistance », affirme-t-il.
Les groupes salafistes de Gaza, qui revendiquent quelques centaines de
membres, accusent le Hamas de faiblesse face à Israël et dans l’imposition de
la loi islamique.
Un temps compagnons de route du mouvement, issu des Frères musulmans, ils
s’en sont progressivement éloignés après sa victoire aux élections
législatives de 2006 et sa prise de contrôle de Gaza en 2007.
Mohammad Qanita, 32 ans, a quitté Gaza en septembre 2012. Il a « participé à
des entraînements militaires à la frontière syro-turque (…) et à de
nombreuses opérations » avant de mourir à Alep, dans le nord de la Syrie, le 28
décembre, selon les récits de ses compagnons transmis à son frère Bakr.
« Mon frère était l’un des principaux chefs des Brigades Ezzedine al-Qassam
(branche armée du Hamas, NDLR) », indique Bakr Qanita, soulignant toutefois que
son départ pour la Syrie « n’était lié à aucune organisation ».
La vidéo des funérailles de Qanita montre sa dépouille enveloppée d’un
slogan du Hamas, mouvement qui lui a rendu hommage, ainsi que les Brigades
Ezzedine al-Qassam. Mais une vidéo diffusée par un site salafiste affirme
qu’il avait quitté les Brigades pour rejoindre le « courant salafiste
jihadiste » et avait été arrêté par la Sécurité intérieure des autorités du
Hamas.
Fahd Habbache, 28 ans, policier à Gaza, a lui aussi été tué en Syrie le 19
juillet, laissant une femme et deux enfants.
« Une grande proportion des salafistes jihadistes de Gaza sont d’anciens
membres du Hamas ayant quitté le mouvement pour protester contre sa
participation aux élections, la non-application de la charia et son
assentiment à des cessez-le-feu répétés avec Israël », selon un rapport publié
en 2011 par l’ONG International Crisis Group (ICG).
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