Rassembler sous un même toit chrétiens, juifs
et musulmans, c’est le projet un peu fou de croyants berlinois, qui tentent de
réunir les 43,5 millions d’euros nécessaires à la construction d’un lieu de
prière unique au monde.
La Place de Pierre (Petriplatz), à Berlin, n’est encore qu’un terrain vague
sablonneux. Mais d’ici 2018, si Dieu le veut, un bâtiment s’y élèvera qui ne
sera ni église, ni synagogue, ni mosquée, mais tiendra un peu des trois à la
fois.
Cette « maison de prière et d’enseignement » – comme l’appelle l’association
portant le projet, faute de nom pour un lieu sans équivalent connu -, a été
imaginée au départ par la communauté protestante de Berlin, à la fin des
années 2000.
« En 2007, des fouilles archéologiques sous la Petriplatz ont permis de
retrouver des fondations de quatre églises », a raconté à l’AFP Roland Stolte,
l’un des deux représentants protestants au conseil d’administration de
l’association.
La municipalité a rendu le terrain à la communauté protestante et « nous
avons voulu ressusciter ce lieu, pas en construisant à nouveau une église,
mais en construisant un lieu qui dise quelque chose de la vie des religions
aujourd’hui à Berlin », a poursuivi M. Stolte.
Sur les 3,4 millions d’habitants de la capitale allemande, 18,7% se
disaient protestants, 8,1% musulmans, 0,9% juifs (et plus de 60% sans
religion) selon des données officielles de 2010.
– « Soif de cohabitation pacifique » –
« Il nous a semblé qu’il y avait une soif très forte de cohabitation
pacifique entre les religions », a-t-il souligné.
L’idée d’un lieu où viendraient prier non seulement des chrétiens, mais
aussi des juifs et des musulmans est née de cette réflexion.
« Dès le début nous avons voulu que ce soit un projet inter-religieux, pas
un lieu construit par les chrétiens dans lequel seraient ensuite venus se
greffer des juifs et des musulmans », a souligné le pasteur Gregor Hohberg,
responsable de la communauté protestante de la Petriplatz, qui partagera avec
le rabbin Tovia Ben-Chorin et l’imam d’origine turque Kadir Sanci
l’encadrement spirituel du lieu.
« Lorsque je faisais mes études de théologie musulmane à Francfort (ouest),
j’avais vu, dans la ville voisine de Darmstadt une église catholique et une
église protestante sous un même toit. J’avais dit au prêtre que ce serait
formidable d’avoir un jour un lieu commun avec les musulmans. Mais le prêtre
m’avait dit +patience, nous, ça nous a pris 600 ans+ », a raconté à l’AFP
l’imam Sanci.
De nombreuses questions croisant architecture et théologie se sont posées
pour inventer ce lieu, a reconnu l’architecte Wilfried Kuehn, dont le projet a
été choisi en 2011.
« C’était un défi de vouloir combiner la différence et l’universel. Il
s’agissait de ne pas mélanger les religions, tout en favorisant une
reconnaissance mutuelle », a-t-il détaillé.
« Après longue réflexion, nous n’avons pas voulu de lieu de prière commun,
car cela risquait de rebuter davantage de gens que cela n’en aurait attirés.
Et nous voulons justement aussi nous adresser aux plus conservateurs, pour
montrer que le dialogue inter-religieux est non seulement possible, mais
important », a argumenté M. Hohberg.
– Financement participatif –
Dans le nouvel édifice, qui reprendra les fondations de l’église
néo-baroque Saint-Pierre détruite en 1964 par le régime communiste de
l’ex-RDA, chaque religion aura un espace de prière équivalent, sur le même
étage, et ces trois salles ouvriront sur une salle commune où les croyants
pourront se croiser et échanger.
Reste à surmonter un obstacle de taille: trouver 43,5 millions d’euros pour
financer les travaux.
Une campagne sur le modèle des financements participatifs (crowdfunding) a
été lancée mardi. Sur le site internet www.house-of-one.org, les donateurs
peuvent acheter une ou plusieurs « pierres » à 10 euros pièce.
« Nous voulions que ce projet vienne de la base. Nous avons cherché des
partenaires locaux : la communauté juive de Berlin, une association musulmane
+Forum pour le dialogue interculturel+ » pour ne pas impliquer les échelons
supérieurs de la hiérarchie religieuse et éviter les interférences politiques,
a expliqué M. Stolte.
Pour cette même raison, les dons ont été plafonnés à 1% du total (435.000
euros).
hap/aro/mpd