KOSICE (Slovaquie), 01 août 2013 (AFP) – Pour les survivants de le Shoah à
Kosice, ville cosmopolite dans l’est de la Slovaquie, la justice prend son
temps. Soixante-huit ans après la guerre, ils attendent toujours l’extradition
du criminel de guerre nazi présumé Laszlo Csatary, assigné à résidence en
Hongrie voisine.
« Dans un pays démocratique, il est impossible qu’il reste impuni. Ceci
lancerait un mauvais signal aux gens et à la société », souligne Pavol Salamon,
originaire de Kosice, chercheur du Mémorial de la Shoah à Budapest.
Agé de 98 ans, Csatary est soupçonné de complicité dans les assassinats et
déportations en 1941-44 de quelque 15.700 juifs de Kosice et ses environs.
Cette ville faisait à l’époque partie de la Hongrie, alors alliée de
l’Allemagne nazie.
La communauté juive de Kosice (240.000 habitants) ne compte aujourd’hui que
quelque 300 membres, contre 12.000 avant la guerre.
Csatary a été arrêté en Hongrie en juillet 2012, alors qu’il figurait en
tête de la liste des criminels de guerre nazis les plus recherchés au monde du
Centre Simon-Wiesenthal à Jérusalem.
La communauté juive de Kosice a vivement salué cette arrestation, suivie
d’une assignation à résidence. Mais douze mois plus tard, des obstacles
juridiques empêchent toujours Csatary de comparaître au banc des accusés sur
le sol slovaque.
Condamné à mort par contumace en 1948 à Kosice, alors en Tchécoslovaquie,
Csatary s’était réfugié au Canada où il gagnait sa vie comme marchand d’art.
En 1995, les autorités canadiennes avaient découvert sa véritable identité et
il s’était alors enfui en Hongrie où il a vécu, apparemment sans être
inquiété, jusqu’à son arrestation.
« C’est alarmant qu’il puisse vivre tranquillement en Hongrie pendant tant
d’années. A mon avis, aucun des pays concernés (le Canada, la Hongrie, la
Slovaquie, ndlr) n’a fait assez », estime M. Salamon.
Sa mère Edita, âgée de 89 ans, avait été déportée à l’âge de 19 ans à
Auschwitz-Birkenau, camp d’extermination installé par l’Allemagne nazie dans
le sud de la Pologne.
« Ma mère n’a vu Csatary qu’une seule fois, à l’époque où elle était
emprisonnée dans la +briqueterie+ de Kosice (camp où étaient placés les juifs
avant leur déportation, ndlr), mais elle a entendu parler de lui à de
nombreuses reprises », dit M. Salamon.
« Csatary était grand et beau, mais extrêmement brutal et zélé »,
souligne-t-il.
D’après les documents d’archives du Centre Simon-Wiesenthal, Csatary a
traité très cruellement les juifs de Kosice. Il les battait à l’aide d’un
fouet à chien, « sans aucune raison et sans tenir compte de leur âge, sexe et
état de santé », selon le parquet hongrois.
Le tribunal de Kosice a formellement commué en avril sa peine de mort en
réclusion à perpétuité, ouvrant ainsi la voie à son extradition en Slovaquie,
réclamée par Bratislava.
Le 11 juillet, ce tribunal a toutefois suspendu le procès de Csatary, ce
dernier ne s’étant pas présenté devant le juge.
« L’audience a été reportée sine die, car le tribunal n’a pas eu de
confirmation que Csatary ait reçu le mandat de comparution », a déclaré la
porte-parole du tribunal de Kosice, Marcela Galova.
« Si la confirmation n’arrive pas avant un certain délai, nous demanderons
officiellement à la Hongrie de lui remettre ce mandat », a-t-elle ajouté.
Le mandat de comparution une fois remis à Csatary, le tribunal pourra
prendre une décision même en son absence et délivrer un mandat d’arrêt
européen, selon Mikulas Buzgo, l’avocat de Csatary, désigné par le tribunal.
« J’ai vu Csatary à la télévision et ses yeux me faisaient peur », confie
Marta Gyoriova, dans sa modeste maison de Kosice.
« En effet, les mêmes yeux scrutaient ma mère au moment où il l’envoyait
sans pitié à Auschwitz-Birkenau, où son premier mari et leurs deux enfants
allaient trouver la mort », ajoute cette dame de 66 ans.
« Après la guerre, ma mère a regagné Kosice où elle a rencontré mon père.
Lui aussi, il avait perdu à Auschwitz-Birkenau sa première épouse et leurs
trois enfants », raconte-t-elle.
« Nous ne croyons pas que Csatary soit réellement condamné, en raison de son
âge », constate cependant la porte-parole de la Fédération des communautés
juives slovaques, Lucia Kollarova.