haut banniere

Attentats: les juifs attaqués comme « pointe avancée de l’Occident », selon Annette Wieviorka

Paris, 27 jan 2015 (AFP) – Les attentats de début janvier ne signifient pas « une renaissance du nazisme ou du fascisme, on est devant quelque chose de nouveau », où les juifs sont attaqués comme « pointe avancée de l’Occident », dont ils représenteraient la quintessence, estime l’historienne Annette Wieviorka.
Spécialiste de la Shoah et de l’histoire des juifs au XXe siècle, Annette Wieviorka vient de publier « 1945, la découverte », sur l’ouverture des camps de concentration nazis par les Alliés en avril et mai 1945.

QUESTION: Que révèlent les attentats en France, y-a-t-il quelque chose qui relève du nazisme chez les jihadistes?
REPONSE: « Non, il ne faut pas qu’on se trompe, on n’est pas devant une renaissance du nazisme ou du fascisme, on est devant quelque chose de nouveau.
Ce qui fait écho, c’est qu’on s’en prend toujours aux juifs pour quelque chose qu’ils ne sont pas, on s’en prend toujours à des juifs qui sont imaginaires et qui jouent un rôle, comme dans le nazisme.
Aujourd’hui on s’en prend à des juifs réels qu’on tue pour de vrai, mais on s’en prend à eux pour une idée qu’ils seraient la pointe avancée de l’Occident (parce qu’ils représenteraient la quintessence de l’Occident, NDLR). D’où l’importance de nouer ce qui s’est passé avec Charlie et la supérette, parce que c’est la même chose, c’est-à-dire une haine viscérale de ce que représente l’Occident.
On a vécu un évènement qui a révélé une situation qu’on connaissait par bribes: on savait que Charlie était menacé, on savait qu’il y avait des problèmes dans les écoles, on savait qu’il y avait Daesh mais brusquement c’est un évènement qui révèle un paysage et dont malheureusement on ne sait pas quel est son devenir. »

Q: La difficulté d’enseigner l’histoire de la Shoah dans certains
établissements vous inquiète-t-elle?
R: « Quand on ne peut pas enseigner l’histoire de la Shoah, c’est qu’on ne peut pas enseigner grand chose (…) Les enseignants sont aujourd’hui, dans certains endroits, des missionnaires de la République à qui on ne rendra jamais assez hommage, mais il faut repenser peut-être les programmes.
Ce qui m’inquiète le plus, ce n’est pas l’absence de connaissance, c’est la diffusion de ces théories du complot. Quand j’étais enseignante, j’étais de temps en temps confrontée à des élèves qui me disaient +Hitler n’est pas mort+. Cela heurtait notre côté rationnel. Les manipulations et la propagande,
ça a toujours existé, mais là, avec internet, les réseaux sociaux… chacun peut se faire sa petite propagande, son petit montage d’images tout seul. »

Q: Qu’est-ce qui a fondamentalement changé depuis la Seconde Guerre mondiale?
R: « Le monde issu de 1945 s’est effondré une première fois en 1989 avec le Mur et il s’est effondré une deuxième fois avec les Tours jumelles. On est dans un monde nouveau.
Les nazis effaçaient les traces, c’est-à-dire qu’ils avaient un sentiment de transgresser. Là on met les décapitations sur internet, on vous montre la barbarie. Donc on n’a même plus conscience que c’est de la barbarie. Ça, c’est une différence qui est pour moi fondamentale. »

About The Author

Related posts

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *