Après l’attentat du 14 juillet à Nice ayant tué 84 personnes et faisant 85 blessés dont 18 en état d’urgence absolue, l’heure est au bilan et à l’investigation. Durant ces trois jours de deuil national, la France pleure, et la France enquête. Les gardes à vue s’enchaînent, entraînant stupeurs et découvertes. Complicités, erreurs commises, les éléments se multiplient et dessinent au fur et à mesure des témoignages recueillis, le portrait d’un tueur : Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Un Tunisien de 31 ans, chauffeur livreur au passé trouble, devenu terroriste sanguinaire.
Récit
Taciturne, le regard froid, solitaire et silencieux. Les forces de l’ordre débutent à peine l’enquête de voisinage et ignorent qu’ils ont affaire à un fou de Daesh. « Un type ultra mal dans sa peau » affirme les journalistes sur les chaînes d’information continue, « Rien de l’État Islamique là-dedans ! ». Le soir du drame, ce 14 juillet, dans le camion frigorifique de 19 tonnes ayant servi d’arme de destruction massive au tueur, un permis de conduire et un titre de séjour ont été découverts. Dessus, figurait un nom. Mohamed Lahouaeij Bouhlel. Une identité très vite vérifiée par les services de police : ses empreintes de doigts figuraient déjà sur les registres pour des faits de violences en mars 2016. L’individu est un chauffeur livreur tunisien de 31 ans, père de trois enfants domicilié à Nice depuis 2007. Sur ces informations, les premières perquisitions peuvent avoir lieu. D’abord au domicile du terroriste où un ordinateur et un téléphone portable ont été saisis. Puis chez son épouse, ou plutôt ex-épouse, puisqu’ils étaient en instance de divorce…
Cette dernière, placée en garde à vue pour 48 heures, a dépeint un mari violent, ayant un faible pour la boisson, la musculation, et les femmes. Plus proche des bars et des clubs que de la mosquée. Des propos étayés par les fouilles du téléphone portable de Bouhlel, où la police judiciaire identifie le nom de nombreuses conquêtes féminines… Et masculines ! Toutes ont été auditionnées. Et parmi elles, un homme de 73 ans considéré comme l’amant principal du tueur. Comme le tueur d’Orlando, aux Etats-Unis, ayant semé la mort dans un night clum fréquenté par la communauté gay, Boulhel semblait avoir du mal à assumer son orientation sexuelle. « Le terroriste pourrait être considéré comme un obsédé sexuel au regard de ses différends partenaires », conclut une source proche du dossier. Un profil qui s’éloigne toujours plus du fait religieux… Et pourtant.
Quelques jours après le massacre, Daesh revendique l’attaque via une vidéo. L’exploitation del’ordinateur du tueur semble confirmer son affiliation au groupe terroriste. « Il consultait des sites exposant des scènes de violence, de décapitations et visionnait des clips de propagande réalisés par l’État Islamique », confie la même source.
« L’auteur de l’attentat se serait récemment radicalisé », affirme quant à lui Bernard Cazeneuve,ministre de l’Intérieur, samedi 16 juillet. Si les éléments initiaux de l’enquête décrivaient unindividu étranger aux mœurs islamiques, la piste d’une radicalisation se précise alors. Par ailleurs, en fouillant dans les dédales troubles de son passé, les médias tunisiens révèlent que son père est un leader local du parti islamiste Ennahda. Une information qui laisse présager d’un environnement propice à la formation d’une idéologie extrémiste, et ce, depuis son plus jeune âge. Ainsi, l’hypothèse d’un acte commis sur un coup de tête, admise par certains au départ, ne tient plus. Et si la double facette du terroriste supposé intrigue, elle est loin de surprendre les spécialistes du fait fondamentaliste. « Dans les quartiers, les djihadistes ou candidats au djihad sont d’anciens caïds de cité, souligne une source proche de l’enquête, à Paris. Les recruteurs leur inculquent régulièrement l’idée qu’ils peuvent continuer à trafiquer drogue, armes, voitures volées, à condition qu’ils viennent expier à la mosquée. C’est ainsi que Daesh s’est constituée une armée de marginaux, de criminels et de déséquilibrés… » Car les antichambres des hôpitaux psychiatriques sont aussi des terrains de prédilection pour les recruteurs potentiels. Personnalités troubles, ultra-violentes, à la sexualité ambiguë… Du pain béni pour l’EI !
Au fil de la semaine, l’enquête avance concernant le tueur au camion. La préméditation devient alors certaine. Des images de vidéosurveillance permettent d’affirmer que Bouhlel s’était rendu le 12 et le 13 juillet sur les lieux du crime, à bord de son camion, sur la promenade des Anglais s’adonnant à un repérage méticuleux. L’arme du crime, le 19 tonnes blanc, a lui été loué le 4 juillet dernier auprès d’une société de location à Saint-Laurent- du-Var, commune limitrophe, à l’Ouest de Nice, dans les Alpes Maritimes, sur laquelle se situent d’ailleurs les aéroports niçois.
C’est dans ce même véhicule que, le 14 juillet, les policiers, après avoir neutralisé le terroriste,ont trouvé un calibre 7, 65 mm, plusieurs douilles, des chargeurs et des munitions intactes ainsi qu’une grenade percée. Comment Bouhlel s’est-il alors procuré un tel arsenal ?
Une fois l’ex-femme relâchée sans autres formes de poursuites samedi, trois autres personnes sont placées en garde à vue dont un couple d’Arméniens. L’homme est soupçonné d’avoir fourni le pistolet de marque Unique avec lequel Bouhlel aurait tiré sur la foule. Lors d’une perquisition au domicile de ces derniers, les enquêteurs découvrent 200 grammes de cocaïne, 2600 euros en liquide et 11 téléphones portables. « Il a été ciblé après le recueil d’un témoignage qualifié de crédible, précise une source proche de l’affaire. Ce suspect a plus le profil d’un trafiquant de drogue que celui d'une petite main du djihad. Il n’était peut-être pas au courant de l’usage que
l’auteur du massacre voulait faire de l’arme remise. Son audition est en cours ».
À la lumière des nouveaux éléments, les interrogatoires se multiplient. Dimanche, c’est 5suspects qui sont entendus par la PJ. Membres de l’entourage du terroriste, ils ont tous été en contact avec lui avant son passage à l’acte. L’un d’eux, un jeune homme de 22 ans est soupçonné d’être le destinataire d’un mystérieux SMS envoyé moins de 20 minutes avant la sanglante chevauchée. Dans ce message, l’auteur de l’attentat se félicite d’avoir dégoté le calibre 7, 65 mm et demande « cinq autres armes » à remettre à un certain « C. ».
Selon Le Parisien, cet individu âgé de 37 ans aurait été interpellé à Nice dimanche. Ils sont désormais au nombre de sept à être actuellement gardés à vue.
L’enquête suit son cours à grands pas. A petit pas, la France commémore. Fendant la foule auvolant de son camion, Mohamed Lahouaiej Bouhlel à également fendu le temps en deux. Il y aura un avant, et un après attentat de Nice. Dans les têtes, au plus profond des cœurs, et dans les instances sécuritaires. Toutefois, seules les investigations détermineront quelles ont été les failles exploitées ce jour de fête nationale. L’heure est au bilan, la minute est de silence, la France pleure ses 84 victimes, dont 10 enfants…
Gary Benssoo pour Israel Actualités