Les divisions au sein de Charlie Hebdo inciteraient le dessinateur Luz à quitter l’hebdomadaire satirique. Quant à la journaliste Zineb El Rhazoui, elle se dit révoltée par son licenciement programmé.
Plusieurs semaines après le terrible attentat qui a décimé son équipe, Charlie Hebdo traverse une période de tensions qui s’ajoutent au drame qui a traumatisé l’hebdomadaire satirique. SelonMédiapart, Luz aurait annoncé son départ pour septembre. Le dessinateur, qui a déclaré auxInrocks qu’il ne dessinerait plus Mahomet, a été violemment pris à partie par Jeannette Bougrab. Cette dernière, l’a qualifié d' »usurpateur » dans Valeurs actuelles. Sommée de ne pas s’exprimer sur sa relation avec Charb par la famille de ce dernier, l’ex secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, qui s’estime injustement écartée, n’en finit plus de régler ses comptes. Luz n’a pour l’instant pas confirmé officiellement un prochain départ.
Son souhait de partir serait motivé par de vives divisions au sein de la rédaction. Outre la gestion de l’argent issu des ventes, des abonnements et des dons, critiquée en mars dernier par un collectif de 11 salariés qui réclamaient un statut d' »actionnaires salariés à parts égales » -une demande réitérée dans une tribune publiée en avril dans le Monde-, la situation de la journaliste Zineb El Rhazoui suscite des tensions. Elle a été convoquée pour un entretien préalable à un licenciement, mais seulement pour la « rappeler à ses obligations minimales vis-à-vis de son employeur, suite à de nombreux incidents », a indiqué vendredi une porte-parole de la direction de Charlie, sans détailler ce qu’elle reproche à Zineb El Rhazoui.
Bravo Charlie
La sociologue franco-marocaine militante contre l’islamisme, menacée de mort, ainsi que son mari, par des djihadistes en février dernier a déclaré au Monde être « choquée et scandalisée qu’une direction qui a bénéficié d’autant de soutien après les attentats de janvier fasse preuve d’aussi peu de soutien envers un de ses salariés, qui est sous pression comme tous dans l’équipe et fait l’objet de menaces… Mon mari a perdu son emploi car des djihadistes ont dévoilé son lieu de travail, il a dû quitter le Maroc, je suis menacée, je vis dans des chambres d’amis ou à l’hôtel et la direction envisage de me licencier…Bravo Charlie ».
Elle a expliqué ne pas avoir pu travailler normalement depuis les attentats de janvier. « On ne peut pas reprocher aux gens d’aller mal et de ne pas se comporter en bons ouvriers, on vit dans des conditions chaotiques. C’est impossible de faire des reportages sous protection policière ». Vendredi, sur France Info, elle a qualifié la direction de Charlie l' »oligarchie ». Elle raconte avoir reçu une lettre de licenciement que publie le site de la station. On peut y lire : « Nous sommes contraints d’envisager votre licenciement pour faute grave ». Son entretien préalable est prévu pour le 26 mai.
«Je suis très surpris d’une décision aussi bête et méchante. La méthode est incroyable pour Charlie. C’est violent» a déclaré au Monde l’urgentiste Patrick Pelloux au sujet de cette convocation. Il a également manifesté son soutien à la journaliste sur son compte Twitter.
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Zineb El Rhazoui fait partie des salariés qui ont réclamé une nouvelle gouvernance et ont dit « refuser qu’une poignée d’individus prenne le contrôle » de l’hebdomadaire. Parmi les contestataires, on trouve Patrick Pelloux, le journaliste Laurent Léger et Luz. « Nous prenons acte des souhaits des salariés d’être associés à la vie du journal. Mais nous sommes très loin de la réflexion sur l’actionnariat », avait commenté l’avocat de l’hebdomadaire, expliquant que les dirigeants étaient « navrés » de cette initiative. Le journal a recueilli près de 30 millions d’euros en dons et ventes depuis l’attentat. Charlie Hebdo est détenu actuellement à 40% par les parents de son ex-directeur de la rédaction Charb, tué dans l’attaque du 7 janvier, 40% par le dessinateur Riss, nouveau directeur de la publication, blessé à l’épaule lors de l’attaque, et 20% par le directeur financier Eric Portheault.
(avec AFP)