« Les forces de la police criminelle du Bade-Würtemberg, sur mandat du parquet de Stuttgart, ont interpellé à son domicile un ancien employé, âgé de 93 ans, du camp de concentration d’Auschwitz qui faisait partie du service des gardes, de l’automne 1941 à sa fermeture en 1945, et est soupçonné de complicité de meurtre », a annoncé, lundi 6 mai, le parquet de Stuttgart, sans donner d’information sur son identité.
« Après la perquisition dans son appartement, il a été présenté à un juge statuant en matière de détention et placé en détention provisoire », ajoute le parquet, qui précise qu’« une inculpation est en cours de préparation ». Un médecin l’a examiné lundi et, en dépit de son âge avancé, l’a jugé capable de supporter un emprisonnement. « Nous allons chercher à établir ce qu’il a fait concrètement et pendant combien de temps, à Auschwitz », a affirmé le parquet, ajoutant que les enquêteurs partaient du principe qu’il avait « par ses actes, apporté son aide aux criminels ».
Selon les médias allemands, il s’agit d’un homme nommé Hans Lipschis, né en Lituanie. Dans son rapport 2013, le Centre Simon Wiesenthal, qui traque les anciens nazis, plaçait Lipschis en 4e position sur sa liste des criminels les plus recherchés. Le centre affirme qu’il a servi dans un bataillon de SS entre 1941 et 1945, et qu’il « a pris part à des massacres et à la persécution de civils innocents, principalement des juifs ». Selon une enquête de la chaîne de radio-télévision SWR, il prétend avoir travaillé à Auschwitz comme cuisinier, et non comme gardien.
« IL FAUT DES PREUVES »
Commentant cette arrestation, le « chasseur de nazis » français Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et filles des déportés juifs de France, s’est dit « partagé », après cette arrestation, « entre ma conception de la justice et la nécessité de poursuivre les criminels de guerre jusqu’à leur dernier souffle ». « Il faut des preuves et des documents pour les incriminer et j’estime qu’il n’y aura sans doute plus de témoin pour les accuser ».
M. Klarsfeld, qui est également vice-président de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, a rappelé que des gardiens d’Auschwitz ont été acquittés après la guerre. « La justice allemande, a-t-il ajouté, aurait pu juger après la guerre des cadres supérieurs des camps d’extermination, mais elle ne l’a pas fait ».
ENQUÊTE ÉLARGIE SUR LES GARDES DE CAMPS
Début avril, un magistrat allemand avait annoncé que l’Allemagne allait enquêter de façon élargie sur les crimes commis sous le nazisme par des gardes de camps de concentration. L’Office central chargé d’élucider les crimes national-socialistes devait entamer une procédure contre cinquante anciens gardiens d’Auschwitz-Birkenau, vivant dans toute l’Allemagne et âgés d’environ 90 ans.
Le périmètre des poursuites concernant d’anciens criminels de guerre nazis s’est élargi après la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un ancien garde du camp de Sobibor d’origine ukrainienne, décédé l’an passé. Dans cette affaire, la justice allemande a estimé que toute fonction au sein d’un camp pouvait être assimilée à de la complicité de meurtre, bien qu’il n’y ait ni documents ni témoins. Demjanjuk avait été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour s’être ainsi rendu complice du meurtre de plus de 27 900 personnes.
Il est peu probable de retrouver plus de gardes d’Auschwitz ayant survécu que les cinquante dont l’office a collecté les noms, les adresses et les dates de naissance, a expliqué Kurt Schrimm, responsable de l’Office. « D’abord, nous devons établir pour lesquels d’entre eux une poursuite est encore possible », a-t-il souligné, car ceux qui ont déjà été jugés par le passé pour avoir servi à Auschwitz ne peuvent l’être une seconde fois. Pour ceux parmi les cinquante qui n’ont jamais eu à faire à la justice, les enquêteurs sont en train de « rechercher qui a fait quoi, où et quand », a-t-il indiqué.
De 1940 à 1945, environ 1,1 million d’hommes, de femmes et d’enfants, en majorité des juifs de divers pays d’Europe occupés par les Allemands, périrent à Auschwitz-Birkenau, le plus grand camp nazi de concentration et d’extermination. Près de 85 000 Polonais non juifs, 20 000 Tziganes, 15 000 Soviétiques et 12 000 autres personnes y ont également trouvé la mort.