Jupe interdite pour cause d’ostentation religieuse dans les Ardennes, émeutes à Baltimore : Gilles-William Goldnadel dénonce un «excès de zèle laïcard» et la racialisation a priori des faits sociétaux.
Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est secrétaire national à l’UMP chargé des médias. Il préside par ailleurs l’Association France-Israël. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
Au risque de prendre certains de mes lecteurs, allergiques aux barbus, à rebrousse-poil, je ne suis pas loin de partager l’opinion du New York Times (1er mai) sur la question de la jupe longue interdite dans les Ardennes pour cause d’ostentation religieuse. Certes, je me garde habituellement de puiser ma matière à réflexion dans un journal qui, à l’instar de notre vespéral national, se sera beaucoup trompé, en en tirant toujours étrangement beaucoup de considération pour lui-même.
À commencer lors du second conflit mondial. Pour ceux que la chose intéresse, je ne saurais trop recommander l’édifiante lecture de C’est écrit en page 7, best seller aux États-Unis, publié par l’universitaire Laura Leaf. Ils y apprendront notamment comment le très libéral Arthur Sulzberger, aura délibérément ordonné de minimiser l’extermination raciale entreprise par les nazis, de peur d’être taxé de communautariste. Certes encore, six décennies plus tard, la conception extatique du communautarisme, défendue à présent âprement par le journal de la côte est, m’inspire la plus grande des réserves, et devrait lui inspirer la plus grande des humilités, à en juger à l’aune de ses résultats américains, sur lesquelles nous reviendrons.
Certes enfin, on ne pourra, je pense, instruire contre l’auteur du présent article un procès en islamophilie exacerbée, lui, qui à longueur de colonnes, n’a jamais craint de contester la politique migratoire irresponsable, de reconnaître l’existence d’un problème islamique et enfin d’invoquer les racines judéo-chrétiennes d’une France en péril mortel.
Il n’en demeure pas moins que lorsque le quotidien new-yorkais brocarde un excès de zèle laïcard, aussi tardif qu’intempestif, qui conduit à exclure une jeune fille pour la longueur de sa tenue, je crains bien qu’il ait raison.
Pour le dire autrement, je ne pense pas qu’il soit de bonne politique ou de fine psychologie de braquer la population musulmane pratiquante -qu’il serait inepte de confondre systématiquement avec les islamistes- et de lui donner de bonnes raisons de s’identifier à ces derniers. Je ne pense pas non plus qu’il convienne de persuader les religieux que la société française est décidément décadente, elle qui autorise les minijupes à l’école mais proscrit les jupes longues.
Et pour le dire cette fois plus fermement, les musulmans qui sont aujourd’hui légalement en France ne doivent pas être otages d’une laïcité extrême qui dispenserait l’État républicain d’être ferme contre l’islamisme radical des banlieues et contre le danger existentiel de cette immigration toujours aussi irrésistible.
Dans un domaine assez peu éloigné, n’est-il pas permis de s’interroger sur les conséquences de la racialisation obsessionnelle des faits sociétaux ?
Ainsi, la question noire fait brutalement son come-back aux États-Unis, en suite de la mise en accusation de la brutalité policière à Ferguson comme à Baltimore. Force est déjà de constater que l’arrivée d’un homme de couleur à la Maison-Blanche n’a pas eu l’effet d’apaisement escompté, notamment, par le New York Times. Déjà, au moment de son élection, j’avouais ma perplexité sur l’exaltation de ces libéraux américains devant le succès d’un homme jugé non à l’aune de ses éventuelles qualités intrinsèques, mais seulement à celle de son apparence chromatique. En ce qui concerne à présent le procès de la police américaine, autant celui de sa violence légendaire me paraît légitime, autant l’affirmation systématique et a priori de son racisme foncier me paraît grosse de conséquences.
Au lendemain des violentes émeutes, suivies de pillages et d’exactions meurtrières, une journaliste sur la chaîne pourtant libérale CNN, a osé demander à un sénateur noir américain s’il pensait, à l’instar du président Obama, que les jeunes insurgés étaient «des voyous». Outragé, le politicien a rétorqué: «et pourquoi pas des nègres, pendant que vous y êtes!» Pendant ce temps, de nombreux blancs américains se plaignent de ce que cette racialisation systématique ne marche qu’à sens unique, et que par exemple, nul n’ait le droit de d’observer que de nombreux blancs sont les victimes d’une criminalité colorée. Rien n’est pire -et plus raciste- que de laisser à croire, contre l’évidence factuelle, que le racisme serait le monopole d’une seule communauté ethnique. Il ne saurait être contestable que le racisme anti- noir aux États-Unis soit toujours une valeur sûre. Mais beaucoup ignorent en France que de nombreux Afro-américains étaient réticents à voter Obama parce que ce métis… n’était pas assez noir.
Dans ce contexte unilatéral d’obsession de la race et du racisme, sur fond d’emballement médiatique, dans un climat où la victimisation des uns renforce mécaniquement un ressentiment qui entraîne les autres dans une dénégation toute aussi sincère, tout débat rationnel devient impossible. À commencer par le débat judiciaire qui exige, pour être impartial, d’être serein. À fortiori dans un pays qui élit ses procureurs…
Voilà pourquoi, au lendemain des massacres de janvier, avoir voulu convoquer la question raciale en France, en invoquant «un apartheid social et ethnique» était non seulement injuste et injustifié, mais particulièrement irresponsable.
La racialisation a priori et systématique des faits sociétaux, l’obsession de la race, l’antiracisme professionnel, la médiatisation gourmande sont les ingrédients indispensables d’une machine infernale raciste qui relève de la machination inconsciente des perversions humaines.
Gilles William Goldnadel©