Les forces kurdes syriennes sont parvenues dimanche aux portes de Tall Abyad et combattaient les jihadistes du groupe Etat islamique qui tiennent cette ville clé à la frontière avec la Turquie, qui a finalement accepté de laisser entrer des milliers réfugiés.
Les Kurdes veulent reprendre cette ville syrienne mixte arabe et kurde à l’organisation extrémiste pour la priver d’un important point d’entrée d’armes et de combattants.
Avançant depuis quatre jours, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), appuyées par des rebelles syriens et les frappes aériennes de la coalition internationale antijihadiste, sont arrivées à « 50 mètres de l’entrée Est de la ville », a affirmé un commandant kurde sur le terrain.
« Nous combattons l’EI à un barrage », a précisé à l’AFP Hussein Khojer, commandant des YPG à Tall Abyad, joint par téléphone.
« Les forces kurdes sont à l’entrée sud-est mais ne sont pas encore entrées dans la ville », a indiqué de son côté à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
– Frontière rouverte –
Après avoir gardé sa frontière fermée cette semaine pour éviter un flot de réfugiés, la Turquie a commencé les accueillir dimanche en début de soirée, a constaté un photographe de l’AFP sur place.
Il a vu des dizaines de réfugiés, beaucoup portant des effets personnels entassés dans des sacs, traverser le point de passage d’Akcakale, alors que des milliers d’autres attendaient leur tour.
Depuis samedi, ils avaient fui les combats dans l’espoir de trouver refuge en Turquie, mais l?armée turque les en empêchait, utilisant même sporadiquement des canons à eau pour les tenir à l’écart, selon le photographe.
Ils avaient passé la nuit coincés entre les combats et les barbelés et nombre d?entre réclamait de l’eau, alors que les températures dépassent 35 degrés dans la journée. « Il y a des milliers de personnes, des familles entières avec beaucoup d’enfants », selon M. Abdel Rahmane.
Les autorités avaient annoncé mercredi qu’elles allaient fermer localement la frontière, « sauf en cas de tragédie humanitaire ».
Selon le président turc Recep Tayyip Erdogan, 15.000 réfugiés étaient déjà entrés en Turquie la semaine dernière.
Il a accusé les combattants kurdes de prendre pour cible les populations arabes et turkmènes de Tall Abyad, et exprimé son inquiétude face à l’avancée kurde, jugeant qu’elle pourrait constituer une menace à venir pour la Turquie.
Pour Ankara, le Parti de l’Union démocratique (PYD), aile politique des YPG, est la branche syrienne du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, classé comme « terroriste » par la Turquie.
Le gouvernement turc vit dans la hantise d’une poussée séparatiste kurde dans le sud frontalier de la Syrie.
– « Incidents isolés » –
Les forces kurdes ont rejeté les accusations turques concernant les exactions contre les civils arabes et turkmènes, les YPG affirmant dans un communiqué que des « parties tentent à tout prix de porter préjudice aux victoires de nos forces ».
« Il y a eu quelques incidents isolés, comme des maisons d’Arabes incendiées, mais on ne peut pas du tout parler de violences systématiques », a affirmé de son côté M. Abdel Rahmane.
Une partie de la population est restée dans la ville, située dans la province de Raqa, principal bastion de l’EI en Syrie.
Il ne restait plus à Tall Abyad que 150 jihadistes, qui ont menacé de se retirer s’ils ne recevaient pas de renforts de la ville de Raqa, capitale provinciale où est basé l’EI, selon l’OSDH.
« Mais les chefs à Raqa ne leur en enverront pas, parce que les raids de la coalition déciment » les troupes de l’EI, selon M. Abdel Rahmane.
Depuis son apparition en 2013, l’EI s’est imposé comme un acteur incontournable du conflit en Syrie, dont il contrôle désormais 50%, selon l’OSDH.
Une coalition menée par les Etats-Unis mène depuis 10 mois des frappes contre ses positions, permettant aux Kurdes de reprendre notamment Kobané, également frontalière de la Turquie, mais sans vraiment parvenir à juguler la menace jihadiste.