Le racisme est partout et je ne le savais pas. Dans une chronique précédente, je relevais les déclarations de l’avocat de Zyed et Buna, au lendemain du verdict relaxant de toute poursuite les deux policiers poursuivis depuis dix ans pour non-assistance à personne en danger. Mon excellent confrère croyait déceler, tout comme Benoit Hamon, une manière «d’apartheid judiciaire».
Il se trouve, que par une coïncidence éclectique, mon confrère est également le conseil du Qatar qui a décidé de poursuivre en diffamation M. Philippot en suite de ses déclarations soupçonneuses envers l’émirat islamique et généreux. Et à nouveau voilà que l’avocat considère que les critiques dénuées de toute aménité envers son client mirifique seraient de nature raciste ou islamophobe. Décidément.
J’ai toujours pensé qu’au-delà de raisons plus prosaïques, la révérencieuse retenue dont avaient bénéficié jusqu’à présent certains états de la région du golfe arabique pouvait s’expliquer par la crainte au moins inconsciente d’encourir ce genre d’accusations d’autant plus spécieuses qu’elles sont indémontrables.
Quoi qu’il en soit, cette procédure judiciaire aussi insolite que téméraire aura pour effet premier de conférer au Front National, à peu de frais, le titre de seul parti librement critique envers le Qatar, ce qui ne devrait pas lui causer une immense impopularité.
D’autant plus que sur le fond, si une telle initiative pouvait prospérer, alors que de nombreux livres ont été publiés sur le sujet (notamment celui très documenté de Pierre Péan et Vanessa Ratignier Une France sous influence: quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu, Fayard 2014), il pourrait être encore plus compliqué désormais de s’interroger sur la prodigalité d’un État richissime de 250 000 habitants envers les mouvements islamistes radicaux, sur son humanité envers son million et demi de travailleurs immigrés, voire sur la régularité de l’obtention de la FIFA du droit d’organiser chez lui la prochaine coupe du monde de football.
Cette dangereuse limitation de la liberté des responsables politiques français de ne faire que leur devoir n’a pas semblé émouvoir autrement Mme Hidalgo puisque celle-ci, au micro de RTL, non seulement a approuvé l’initiative judiciaire qatarie, mais encore et dans le même mouvement, remercié l’émirat pour sa générosité envers Paris. Quand l’antiracisme rejoint la gratitude.
En revanche, si un autre avocat s’interrogeait sur la présence de la haine raciale -ou antisémite- dans le boycott de l’État d’Israël revenu cette semaine sur le devant de la scène française à travers les étranges déclarations de Stéphane Richard, il est possible que les antiracistes militants y voient une détestable instrumentalisation de leur cause jalousement gardée. Il est vrai que les organisations d’extrême gauche, comme la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) sont à la manoeuvre, main dans la main avec des organisations islamistes moins décoratives et l’OLP. Cet islamo-gauchisme en majesté peut compter sur l’habituel manque d’esprit critique de médias crédules ou bien disposés envers les saintes «ONG» progressistes, pour faire avaler en douceur la gentille fable d’un mouvement pacifique uniquement préoccupé par la question de la Cisjordanie.
Ce contexte rien moins que bienveillant et rationnel, ne saurait interdire de rappeler des vérités ingrates mais incontestables:
-Le boycott d’Israël n’a pas attendu l’occupation de la Cisjordanie en 1967. Il a été créé par la Ligue Arabe avant même la création de cet État en 1948.
-Les acteurs de ce boycott se recrutent parmi les organisations islamistes ou pro- palestiniennes les plus radicales. L’occupation des terres dont elles se plaignent correspondent à l’ensemble du territoire israélien. Il s’agit donc bien d’une entreprise de délégitimation de cet état-nation, considéré comme usurpateur sans droit ni titre d’une terre arabe et musulmane. C’est la raison pour laquelle l’ensemble des partis politiques israéliens, y compris les plus hostiles au maintien des implantations controversées, s’insurgent contre la mise à l’index de leur pays.
-Le seul État de la planète terre actuellement en butte à un tel ostracisme systématique est, par un hasard cosmique, l’État juif: Aucun autre État, infiniment plus violent ou moins démocratique, ne fait l’objet d’une entreprise d’exclusion aussi humiliante , de triste mémoire juive. Ni la Syrie, ni la Russie, ni la Chine, ni le Soudan, ni la Corée du Nord… ni le Qatar. Aucun autre.
Pour prendre l’exemple le plus récent et consternant, l’organisation estudiantine britannique (au sein de laquelle les islamistes ne sont pas sous- représentés) qui vient de proposer le boycott des universités israéliennes est la même qui il y a peu avait refusé l’appel au boycott de l’État Islamique…
-On rappellera enfin aux esprits chagrins ou épris de juridisme qui feraient observer que les pays cités ne seraient pas des occupants de territoires contestés (ce qui s’agissant de la Russie en Abkhazie et de la Chine au Tibet est très discutable) que la Turquie, dont le premier ministre a mis en cause cette semaine «le capital juif» du New York Times sans que nul ne s’en offusque, occupe illégalement et elle sans problème sécuritaire existentiel, la moitié de Chypre depuis 1974 sans encourir l’ombre d’un reproche sérieux et encore moins un boycott.
Dans mes Réflexions sur la question blanche, j’ai observé que l’antiracisme professionnel gauchisant ne pouvait se résigner à admettre qu’un occidental puisse être victime et non agent du racisme. J’ai également soutenu que la détestation obsessionnelle de l’État juif moderne puisait sa source à la confluence de l’antisémitisme et de l’anti-occidentalisme.
Les derniers événements ne me démentent pas avec une cruauté insoutenable. Pour les antiracistes militants, le racisme est partout. Sauf là où il habite tranquillement
William Goldnadel