Un jeune homme, grièvement blessé par balles alors qu’il courait à Fontenay-aux-Roses le 7 janvier dernier, a reconnu début mai son agresseur présumé : un ami d’Amedy Coulibaly mis en examen en mars.
Il est l’une des rares cibles ayant survécu aux attentats qui ont endeuillé laFrance. Et son agresseur n’est peut-être pas celui que l’on croyait. Le soir de l’attaque contre « Charlie Hebdo », Thomas* est grièvement blessé par balles alors qu’il fait son jogging à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).
Depuis, le jeune homme de 33 ans est hors de danger, mais bénéficie toujours de soins hospitaliers réguliers. Pour les enquêteurs, la piste de coups de feu tirés par Amedy Coulibaly en guise « d’entraînement » était jusqu’ici la plus probable. Mais une nouvelle déposition de la victime au début du mois dernier vient jeter le doute sur cette hypothèse. Il est formel : le tireur n’était pas noir.
Entendu le 6 mai par l’une des juges d’instruction en charge du dossier, Thomas déroule d’abord une nouvelle fois le film du drame. Le joggeur, qui courait le long d’une voie de RER, raconte être passé à proximité d’une « silhouette sur un banc » avant d’être touché au bras, à la jambe, et à l’estomac. « Il a entendu dans la foulée une voix dire quelque chose commePrends ça enfoiré », relève une source proche du dossier. Malgré ses blessures, le trentenaire parvient à gagner une zone pavillonnaire voisine où les secours, informés par des riverains, le prennent en charge rapidement.
Il le reconnaît dans un reportage télévisé
Interrogé sur son souvenir du visage de l’agresseur, Thomas se veut cette fois, et contrairement à ses premières déclarations à la police, assez précis. « Il dit qu’il a les cheveux courts, qu’il est mal rasé. Surtout, il ne reconnaît pas Coulibaly comme son agresseur. Pour lui, le tireur n’est pas noir : il a plutôt la peau mate, comme un Nord-Africain », indique une source proche de l’affaire. Malgré le mauvais éclairage des lieux le jour des faits, la victime va plus loin et pense avoir reconnu son agresseur dans deux reportages télévisés sur l’affaire : un certain Amar qui a une amie gendarme. « Quand il a découvert ce visage, Thomas a aussitôt confié à sa famille que c’était cet individu, ou quelqu’un qui lui ressemblait beaucoup, qui lui avait tiré dessus », confie encore la même source.
Cet homme, c’est Amar Ramdani, 34 ans, un ami de Coulibaly déjà incarcéré et mis en examen mi-mars dans le cadre de l’instruction sur les attentats de Paris. Or, au moins deux éléments rendent cette thèse crédible. D’abord, sa présence en région parisienne le jour des faits. Ensuite, sa rencontre certaine avec Amedy Coulibaly la veille et par là même la possibilité d’avoir été en possession de l’arme ayant servi aux tirs, un Tokarev retrouvé dans les affaires du terroriste. « Même s’il connaissait Coulibaly, il a toujours nié avoir commis le moindre délit ou crime en lien avec les événements de janvier », rappelle néanmoins une source judiciaire.
Lors de sa première audition une semaine après l’agression, Thomas avait été plus vague sur la description du tireur, n’écartant pas le fait qu’il soit « peut-être noir ou antillais ». Une possibilité qu’il exclut désormais. « Il considère avoir alors été influencé par les policiers, qui lui ont demandé plusieurs fois s’il ne s’agissait pas de Coulibaly », poursuit cette même source. Car pour les enquêteurs, la piste du terroriste d’Hyper Cacher a toujours été la plus crédible : en plus de l’arme retrouvée en sa possession, il habitait à quelques centaines de mètres seulement du lieu de l’agression. « L’hypothèse Ramdani est prise en compte et va être vérifiée, mais elle n’est, à ce stade, pas plus privilégiée qu’une autre, d’autant que les déclarations de la victime ont varié », nuance un enquêteur.
* Le prénom a été changé