JERUSALEM, 24 sept 2013 (AFP) – L’aide supposée d’Israël au Kenya dans la
gestion de l’attaque meurtrière contre un centre commercial de Nairobi met en
évidence l’importance stratégique de l’Afrique de l’Est pour l’Etat hébreu.
« Le Kenya, l’Ethiopie et l’Erythrée sont trois pays cruciaux pour Israël
car ils servent de zone tampon dans une région qui voit le fondamentalisme
islamiste progresser à grands pas », explique Galia Sabar, directrice du
département d’Etudes africaines à l’Université de Tel-Aviv.
L’Ethiopie, avec laquelle Israël entretient d’excellentes relations
illustrées notamment par l’immigration des juifs d’Ethiopie organisée par
Israël, et l’Erythrée avoisinent la mer Rouge, un accès économiquement et
stratégiquement important pour Israël, souligne-t-elle.
« La Corne de l’Afrique est importante pour les intérêts économiques
d’Israël, notamment pour son commerce avec l’Asie via la mer rouge », souligne
lui aussi Eli Karmon, chercheur à l’Institut de recherche antiterroriste de
Herzliya, au nord de Tel-Aviv.
La grande majorité des dizaines de milliers de migrants clandestins
arrivant en Israël ces dernières années via le Sinaï égyptien provenaient
d’ailleurs de cette région, essentiellement d’Erythrée et du Sud-Soudan.
Dans cette région, le Kenya joue un rôle prépondérant, souligne Galia Sabar.
« Depuis l’indépendance du Kenya en 1963, Israël entretient avec ce pays une
relation étroite qui se traduit par une coopération dans des domaines aussi
divers que l’agriculture, l’éducation, la sécurité, les questions militaires
et le renseignement », explique-t-elle.
« Ce qui est unique dans cette coopération et qui la rend si intense, c’est
qu’elle s’étend à toute une variété de domaines et pas seulement à un secteur,
comme c’est le cas de la coopération d’Israël avec d’autres pays »,
ajoute-t-elle.
Selon des chiffres de l’Israeli Export Institute, les échanges commerciaux
entre les deux pays ont représenté en 2012 près de 8% des échanges économiques
entre Israël et l’ensemble de l’Afrique avec un volume de 139 millions de
dollars.
Rumeurs d’une implication israélienne
Mme Sabar précise que c’est dans le domaine de la sécurité que la
coopération israélo-kényane est la plus connue.
« Le pic de la coopération sécuritaire entre Israël et le Kenya s’est
produit durant l’opération d’Entebbe en 1976 », indique l’expert en questions
de sécurité Yossi Melman, faisant allusion à la libération par des commandos
israéliens d’otages en Ouganda.
Un responsable gouvernemental kényan, Bruce McKenzie, proche du Mossad, le
service de renseignements israélien, avait convaincu le président kényan Jomo
Kenyatta de laisser des agents du Mossad collecter des informations avant
l’opération et d’autoriser les avions israéliens à se ravitailler à l’aéroport
de Nairobi, précise-t-il.
Cette coopération sécuritaire s’est poursuivie et intensifiée plus
récemment lorsque des intérêts israéliens au Kenya ont été touchés dans des
attaques revendiquées par Al-Qaïda, de plus en plus présent dans la région
depuis une quinzaine d’années.
En 2002, un attentat suicide contre un hôtel fréquenté par des touristes
israéliens avait tué 12 Kényans et trois Israéliens près de la ville côtière
de Mombasa. Presque simultanément, un avion de la compagnie israélienne El Al
avec 261 passagers à bord avait échappé de peu aux tirs de deux missiles à son
décollage, également à Mombasa.
Dimanche, une source de sécurité anonyme a affirmé à l’AFP à Nairobi que
des forces israéliennes aidaient à la libération des otages dans le centre
commercial Westgate de la capitale kényane.
Des responsables du ministère israélien des Affaires étrangères n’ont pas
confirmé l’information, ajoutant que les intérêts israéliens n’avaient pas été
spécifiquement visés par l’attaque qui a fait au moins 62 morts et 200 blessés.
« Ce ne sont que des rumeurs », estime Yossi Melman.
« Il est extrêmement improbable qu’Israël décide d’envoyer des troupes de
combat pour une mission de sauvetage dans un pays étranger. En revanche, des
experts israéliens de ce genre de situation, issus du Shin Beth (le service de
sécurité intérieure, NDLR), de l’armée ou de la police ont sûrement aidé le
gouvernement kényan dans la gestion de la crise », ajoute-t-il.
dms-jad/sst/sw