« Nous pouvons détruire le programme nucléaire iranien, mais privilégions la diplomatie » (Washington)
Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a évoqué samedi sur CNN la possibilité d’une option militaire contre l’Iran, affirmant que les bombes « bunker busting », destinées à pénétrer les installations souterraines de l’Iran, étaient « prêtes à être utilisées » (« ready to go »).
Sur la chaîne d’information américaine, Carter a déclaré qu’un accord entre l’Iran et les grandes puissances, dont les bases ont été récemment établies dans le cadre d’intenses négociations en Suisse, reposera, non pas sur la « confiance » mais sur la « vérification ».
« Nous avons la capacité de neutraliser et de détruire le programme nucléaire iranien et je crois que les Iraniens le savent et le comprennent », a affirmé Carter, qui a par ailleurs indiqué que Washington était résolu à utiliser des bombes « de forte puissance » si Téhéran ne respectait pas l’accord conclu à Lausanne.
C’est la première fois que les Etats-Unis évoquent la possibilité d’utiliser d’une bombe massive anti-bunker contre les installations souterraines et fortifiées de la République islamique.
De telles installations se trouvent notamment à Fordow, près de la ville de Qom, où l’Iran a établi une installation dédiée à la production d’uranium enrichi à 20%.
Téhéran insiste sur le fait que cette installation est utilisée à des fins civiles, une affirmation qui n’a pas réussi à apaiser les craintes de l’Occident de voir ensuite cet uranium enrichi ensuite à 90%, la quantité nécessaire pour produire du matériel militaire.
Carter a néanmoins insisté sur l’importance de trouver une solution diplomatique, indiquant que les négociations étaient une méthode à long terme pour s’assurer que l’Iran ne dispose pas de la bombe nucléaire.
Prêt à prolonger les négociations
Un négociateur iranien qui a participé aux récentes discussions sur le programme nucléaire de Téhéran a affirmé que l’Iran était prêt à prolonger les pourparlers avec les grandes puissances au-delà du 30 juin, date fixée par les négociateurs, si aucun accord approuvé par le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, n’est atteint d’ici là.
Le 2 avril, après des mois de négociations, Téhéran et le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) sont tombées d’accord à Lausanne (Suisse) sur les grandes lignes d’un accord pour imposer des contrôles plus stricts sur le programme nucléaire de Téhéran, dont les puissances occidentales affirment qu’il vise à fournir une bombe atomique à la République islamique.
« Nous allons même essayer de conclure un accord dans les trois prochains mois, mais si aucun accord qui ne convienne au guide suprême n’est atteint d’ici là, nous ne sommes pas contraints par le temps et nous prolongerons le délai fixé pour parvenir à un accord si nécessaire « , a déclaré Seyyed Abbas Araqchi à télévision nationale iranienne jeudi soir.
Jeudi, le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, qui a le dernier mot sur les dossiers stratégiques dont le nucléaire, a estimé que le texte convenu avec les grandes puissances « ne garantit ni l’accord en lui-même, ni son contenu, ni même que les négociations iront jusqu’au bout ».
La Maison Blanche a par la suite minimisé les avertissements de l’Iran.
« La question de savoir si cet accord-cadre peut être converti en accord final n’a pas à être commentée (…) par un dirigeant iranien particulier », a déclaré le premier conseiller de la Maison Blanche, Ben Rhodes.
« La question va être de savoir si fin juin nous aurons un document qui pourra être approuvé » et si nous atteignons « notre objectif de base, empêcher l’Iran d’obtenir une arme nucléaire », a déclaré M. Rhodes à des journalistes en marge du Sommet des Amériques au Panama.
Par ailleurs, le président iranien Hassan Rouhani a déclaré que son pays ne signerait pas un accord final à moins que « toutes les sanctions économiques soient totalement levées le même jour ».
M. Rhodes a répété que l’allègement des sanctions serait un processus graduel rappelant que l’Iran avait réagi de façon similaire à la suite de la signature d’un plan d’action conjoint en 2013.
« Nous avons connu cela avant. Les Iraniens voudront mettre en exergue certaines exigences, pour leur opinion publique. Ils ont leurs propres radicaux qui sont sceptiques sur cet accord », a-t-il poursuivi.
L’Iran qui a toujours démenti vouloir fabriquer une bombe atomique, demande en échange d’un accord la levée des sanctions économiques internationales. Cependant l’accord du 2 avril ne concernait que les « paramètres clés » d’un accord global.
Les négociateurs se sont donnés jusqu’à fin juin pour tenter de régler les détails techniques et juridiques complexes en vue de trouver un accord définitif qui mettrait fin à 12 ans de crise diplomatique internationale sur ce programme nucléaire iranien.
50 amendements
Par ailleurs, aux Etats-Unis, des sénateurs démocrates et républicains envisagent de déposer plus de 50 amendements sur un projet de loi visant à limiter la capacité d’Obama d’assouplir les sanctions contre l’Iran sans l’approbation du Congrès.
La commission des Affaires étrangères du Sénat doit débattre de ces amendements mardi et soumettre au vote le projet de loi, qui oppose la Maison Blanche et le Congrès.
Les responsables de la Maison Blanche vont intensifier leur lobbying auprès des parlementaires américains la semaine prochaine, pour empêcher que le Congrès ne prenne des mesures avant qu’un accord final ne soit conclu avec les Iraniens d’ici fin juin.