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Abbas concentre tous les pouvoirs pour continuer à affronter Netanyahu

MAHMOUD ABBASLe président palestinien Mahmoud Abbas
concentre entre ses mains plus de pouvoirs que jamais pour poursuivre
l’offensive diplomatique et judiciaire qui devrait s’intensifier avec le
maintien au pouvoir israélien de son vieil adversaire Benjamin Netanyahu.
M. Abbas aura 80 ans jeudi selon une date communément acceptée même si son
entourage ne semble pas spécialement désireux de célébrer cet anniversaire. Le
même jour, M. Netanyahu, l’homme qui a enterré l’idée d’un Etat palestinien il
y a dix jours s’il conservait son poste, devrait commencer les discussions
formelles pour constituer son quatrième gouvernement.
Les deux hommes qui s’accusent mutuellement de ne pas être des partenaires
pour la paix et d’attiser les haines sont ainsi appelés à se faire face a
priori quelques années encore.
Il appartiendra à M. Abbas, un modéré hostile à la violence et longtemps
considéré comme le pion des Américains, de continuer l’inlassable campagne
qu’il a lancée. Objectif: obtenir des organisations internationales la
création de l’Etat palestinien qu’il n’a pas obtenue dans les négociations de
paix avec les dirigeants israéliens, et faire juger ces derniers par la Cour
pénale internationale pour crimes de guerre.
M. Netanyahu n’aura peut-être pas encore formé son nouveau gouvernement que
la direction palestinienne compte déposer ses premières plaintes devant la CPI
le 1er avril.

– ‘Un vrai danger’ –

Pour mener à bien cette entreprise, l’austère bureaucrate qui assuma la
lourde succession du chef historique Yasser Arafat et qui obtint de l’ONU le
statut d’Etat observateur pour la Palestine, a entre les mains tous les
leviers du pouvoir, s’accordent politiciens et experts.
Président de l’Autorité palestinienne, de l’Organisation de libération de
la Palestine (OLP) qui la chapeaute, et de sa principale composante, le Fatah,
il n’est pas seulement le chef de l’exécutif et des forces de sécurité.
Il contrôle aussi le législatif, en l’absence du Parlement qui ne s’est
plus réuni depuis 2007 et la guerre fratricide entre le Fatah et son rival
islamiste du Hamas toujours au pouvoir à Gaza. Le chef du Parlement est
actuellement emprisonné par Israël, comme des dizaines de députés.
Pour George Giacaman, universitaire palestinien, M. Abbas « a désormais
entre ses mains des pouvoirs qu’il n’avait pas auparavant ». Les divisions
persistantes entre Palestiniens ont créé un « vide de la responsabilité ».
Pour le deuxième adjoint du chef du Parlement, Hassan Khreicheh, un
indépendant soutenu par le Hamas, « c’est un vrai danger car tout est entre les
mains d’un seul homme qui peut décider de tout ».
Elu président en janvier 2005, un an après la mort d’Arafat, M. Abbas est
toujours à la tête de l’Autorité palestinienne, faute d’accord sur de
nouvelles élections.
Le Hamas et le Fatah, à la faveur d’un accord de réconciliation largement
resté lettre morte, s’étaient engagés à organiser ces élections avant fin
2014, mais les deux camps s’accusent mutuellement d’empêcher le vote, remis à
une échéance très incertaine.

– La dimension personnelle –

Les Lois fondamentales prévoient que le président de l’Autorité peut
promulguer des lois par décret en cas de vacance du Parlement. Depuis 2007, M.
Abbas a « promulgué plus de décisions que le Parlement en dix ans d’existence.
Ce n’est pas normal, c’est même très problématique », dit M. Giacaman.
La loi palestinienne garantit au président le droit de limoger le Premier
ministre. L’actuel chef de gouvernement, Rami Hamdallah, lui doit entièrement
sa nomination puisqu’il n’a jamais obtenu la confiance du Parlement.
« Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers un régime totalitaire dirigé par le
président Abbas » qui « ne rend plus de comptes » à personne et « n’est plus
responsable » devant aucune institution, accuse M. Khreicheh. Il dénonce « le
danger de voir s’écrouler toutes les institutions construites » depuis
l’installation en 1994 de l’Autorité palestinienne.
En l’absence de Parlement, l’institution qui tient lieu de chambre
législative est le Conseil central de l’OLP. Mais ses décisions, comme celle
de rompre la coopération sécuritaire avec Israël, doivent être appliquées par
le Conseil exécutif de l’OLP. Celui-ci est dirigé par M. Abbas, à qui il
appartiendra de mettre à exécution cette mesure potentiellement explosive.
Celui qui fut l’un des premiers à prôner le règlement du conflit
israélo-palestinien par la négociation et l’une des rares voix à dénoncer dès
le départ la militarisation de la deuxième Intifada, prendrait là le risque de
la déstabilisation de la Cisjordanie, disent les experts.
Ces derniers s’interrogent sur la part des considérations personnelles et
du souci de postérité dans les futures décisions d’un homme qui atteint 80 ans
et dont personne ne connaît le successeur.
he/sbh/lal/tp

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