Jonathan Saada a perdu son père lors de l’attentat au HyperCacher de Vincennes. Avec beaucoup de courage et de dignité, il raconte cette journée terrible, comment il a soutenu sa maman et son souhait pour la communauté afin d’honorer l’âme de son père, François-Michel Saada :
« Partout dans le monde, des juifs nous envoient des messages de soutien et viennent nous voir. Donc je me dis que mon père est vraiment là, qu’il est en moi, qu’il est en nous. C’est comme si son âme était plus forte qu’avant.
Mon père était quelqu’un de très généreux ; toute sa vie, il a fait passer les autres avant lui. Il voulait toujours faire plaisir aux gens.
C’était quelqu’un qui voulait la paix, tout le temps, c’est-à-dire même lorsqu’il y avait des histoires de famille. Il était au milieu de tout ça et il essayait toujours de recoller les morceaux.
Comme tous les vendredis, mon père est parti faire les courses pour Chabbat. Ma sœur était au téléphone avec mon père, et il lui disait qu’il allait faire les courses justement à HyperCacher, là où a eu lieu la prise d’otages.
J’ai dit à ma mère que j’étais sûr qu’il était très bien là-haut, que papa n’était pas qu’un corps mais aussi et surtout une âme qui existait bien avant son corps. Même si son corps n’est plus là, son âme, elle, est toujours présente. Donc j’ai dit à ma mère de ne pas s’en faire et qu’il allait bien et même très bien. Et nous aussi on doit être bien. Je lui ai aussi dit que c’était toujours mon père, celui de ma sœur, et toujours son mari, et que rien n’avait changé.
Son âme est toujours connectée à nous, et même d’une façon encore plus forte car aujourd’hui, il est tout le temps avec nous. C’est-à-dire qu’avant, l’âme de mon père était dans un corps, donc en quelque sorte on n’était pas vraiment avec lui puisqu’il était en France, et on ne le voyait que lorsqu’il venait nous voir en Israël. Mais à partir de maintenant, comme son âme a été libérée de son corps, il est tout le temps avec nous.
Ma mère m’a dit : « J’espère, j’espère vraiment que ce que tu dis est ce qui est en train de se passer ». Alors je lui ai dit : « Écoute, tu sais très bien que papa croyait en cela, et si tu n’y crois pas aujourd’hui, c’est comme si tu l’abandonnais. Papa est là avec nous, c’est sûr, tu le sais, donc ne l’abandonne pas ».
On est Chomèr Chabbat avec ma sœur.
Nos proches et les frères de ma femme nous ont appelés. On leur disait « Hakol létova », que tout est pour le bien, qu’on doit avoir confiance et garder sa émouna en Hachem, et qu’on sait très bien que tout arrive pour une raison.
On leur a aussi dit que c’était le moment pour mon père de partir. Comment cela s’est-il passé exactement pour mon père ? La prise d’otages avait déjà eu lieu, le terroriste était déjà dans le supermarché et il avait déjà demandé à la caissière de fermer la grille. Mon père est arrivé et a voulu rentrer ; la caissière, pour le protéger, lui a dit : « Non non, c’est fermé ! » Mon père a dit : « C’est juste pour deux ‘halot ! » Il s’est ensuite faufilé et il s’est fait tirer dessus.
Il ne faut pas réfléchir en se disant : « Mais s’il était parti une minute plus tôt ou plus tard, si je l’avais appelé ça aurait tout changé etc. », il ne faut pas réfléchir comme ça parce que ça ne sert à rien de penser à ces choses-là ou d’être en colère. Il faut se dire que c’était son moment, qu’Hachem a guidé mon père vers l’endroit où il devait mourir, et qu’Il en avait décidé ainsi.«