Jérusalem, 3 fév 2015 (AFP) – Le chef de la commission d’enquête de l’ONU
sur la dernière guerre à Gaza, le Canadien William Schabas, dont
l’impartialité était contestée par Israël, a démissionné mardi, offrant au
Premier ministre Benjamin Netanyahu, vivement critiqué pour cette offensive
meurtrière, un rare moment de satisfaction.
Après des mois de campagne de dénigrement, Israël est parvenu à obtenir la
tête de ce juriste qui avait affirmé dans le passé que le dirigeant qu’il
préférerait voir devant la Cour pénale internationale (CPI) était M. Netanyahu.
L’Etat hébreu n’échappera toutefois pas aux conclusions que les trois
experts, que chapeautait M. Schabas, doivent rendre le 23 mars sur les 50
jours de conflit qui ont fait en juillet et août près de 2.200 morts côté
palestinien, en grande majorité des civils, et plus de 70 côté israélien,
quasiment tous des soldats.
La campagne menée par Israël contre M. Schabas a porté notamment sur un
avis juridique qu’il avait donné pour l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP), l’entité reconnue comme représentant l’ensemble des
Palestiniens.
Pour avoir rédigé cet avis en 2012, le Canadien se trouvait au coeur d’un
« conflit d’intérêts », ont plaidé les responsables israéliens.
– ‘Intimidation’ israélienne –
Les Palestiniens ont dénoncé une « intimidation » d’Israël, qui « veut
continuer à être traité comme un pays au-dessus des lois ».
« Israël a pour habitude d’utiliser tout ce qui est possible pour attaquer,
diffamer et discréditer ceux qui enquêtent sur ses agissements pour éviter de
rendre des comptes », a dénoncé Hanane Achraoui, l’une des dirigeantes de l’OLP.
Depuis la formation en août de la commission d’enquête de l’ONU, les
dirigeants israéliens sont vent debout, craignant la publication d’un nouveau
rapport qui dénoncerait les « crimes » commis par leurs troupes, après le
désastreux précédent du rapport du juge Richard Goldstone.
Celui-ci leur imputait des « crimes de guerre » lors de la guerre de
2008-2009 dans la bande de Gaza, la première d’une série de trois offensives
israéliennes menées en six ans, dont la dernière cet été a été de loin la plus
longue et la plus meurtrière.
Mardi, M. Netanyahu est revenu à la charge, estimant qu' »après la démission
du président, c’est tout le rapport de cette commission biaisée, aux positions
anti-israéliennes, qui doit être mis au rebut ».
L’un des faucons de son gouvernement, l’ultra-nationaliste ministre des
Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a abondé dans son sens: cette
démission, a-t-il dit, n’aura « aucun impact sur les conclusions d’enquête qui
ont été rédigées d’avance et dont le seul but est de nuire à Israël ».
– Offensive judiciaire palestinienne –
Israël a depuis longtemps des relations conflictuelles avec le Conseil des
droits de l’Homme des Nations Unies basé à Genève.
Il n’avait pas hésité à boycotter ses travaux, refusant un temps en janvier
2012 de participer à l’examen périodique de la situation des droits de l’Homme
dans le pays, une procédure à laquelle tous les membres de l’ONU doivent se
soumettre.
L’Etat hébreu accuse régulièrement le mouvement islamiste Hamas, qui tient
toujours les rênes du pouvoir dans la bande de Gaza, de « crimes de guerre » et
assure qu’il s’est servi des Gazaouis comme de « boucliers humains » durant le
conflit, dont les civils, qui représentaient 70% des morts, ont été les
premières victimes.
Engagés dans une vaste offensive diplomatique, les Palestiniens comptent,
eux, sur les résultats de l’enquête onusienne pour porter le conflit
israélo-palestinien devant la CPI à laquelle ils viennent tout juste d’adhérer.
La première plainte qu’ils comptent déposer concernera la même période que
celle choisie par la commission de l’ONU, soit du 13 juin 2014, date du début
d’une vague d’arrestations de Palestiniens, à la fin de la guerre le 26 août.
Ils entendent s’appuyer à la fois sur les conclusions onusiennes et les
preuves qu’ils disent avoir collectées.
Le 12 juin, trois jeunes Israéliens avaient été kidnappés, avant d’être
ensuite assassinés, près d’un bloc de colonies du sud de la Cisjordanie
occupée. Dès le lendemain, les Israéliens lançaient une vaste campagne,
procédant à plus de 2.000 interpellations avant que la spirale des violences
ne gagne Jérusalem puis Gaza.