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Compliqué d’enseigner la Shoah quand on trouve n’importe quoi sur le net

Paris, 27 jan 2015 (AFP) – La disparition progressive des témoins de la Shoah comme la profusion sur internet de documents négationnistes ou complotistes compliquent l’enseignement de ce génocide au collège et au lycée.
Les professeurs sont confrontés au « relativisme » de certains élèves, a estimé la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, lors de la présentation d’outils multimedia pour aider les enseignants, lancés mardi à l’occasion du 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz et accessibles sur  http://www.reseau-canope.fr/les-2-albums-auschwitz.
« Il y a peut-être eu une époque où il suffisait » de transmettre aux élèves un savoir « pour qu’ils l’absorbent », « ce n’est plus le cas. Nous vivons dans une société où tout est contesté », « les informations sont tellement nombreuses », il faut savoir les trier, a constaté la ministre. « Il ne suffit pas d’inscrire quelque chose dans les programmes pour que les enfants » prennent « conscience de la gravité du mal ».
Beaucoup « sont imperméables ou pas suffisamment perméables à cet enseignement, sans nécessairement traduire ça en provocation ou en incidents », a-t-elle relevé. Si « ça n’entraîne pas chez l’élève de réflexion profonde sur le bien, le mal, l’humanité, ce qu’il ne faut pas reproduire, malheureusement, nous aurons échoué ».
Selon elle, l’école française remplit sa mission d’enseignement de la
Shoah, mais après les attentats parisiens, il faut « assumer cette
responsabilité avec encore plus de détermination ».
« Il ne faut pas oublier qu’en France, à Toulouse, des enfants juifs ont été tués parce qu’ils étaient juifs », a souligné le chasseur de nazis et historien Serge Klarsfeld, en référence aux victimes de Mohamed Merah. « Les enseignants doivent connaître une histoire précise, ils ne doivent pas simplement lire des choses superficielles, ils doivent avoir des instruments de référence entre les mains ».
En 2004, un rapport de l’Education nationale sur les signes religieux à l’école alertait déjà sur des contestations en cours d’histoire, signalant des propos négationnistes fréquents lorsqu’on abordait le génocide des Juifs. Des professeurs aguerris avaient su s’adapter, en recourant par exemple aux témoignages plutôt qu’à des images violentes qui laissaient indifférents, mais des jeunes professeurs avaient réagi par l’autocensure, relevait le « rapport Obin ».
Aujourd’hui, « il y a une difficulté pédagogique générale », le premier
réflexe des élèves est de chercher sur internet, « ils n’ont pas le second
réflexe, aller voir dans des livres des informations plus précises », relève Alban Perrin, formateur au Mémorial de la Shoah, chargé d’un cours sur les génocides du XXe siècle à l’IEP de Bordeaux.

– Dieudonné « en équivalence avec la parole du prof » –

« Si on rentre +Auschwitz+ sur Google, on peut trouver des informations très détaillées d’historiens sur le camp, mais aussi des sites négationnistes expliquant avec des pseudo-preuves qu’il ne s’est rien passé à Auschwitz ».
Les enseignants qu’il forme lui parlent d’élèves qui « fréquentent des sites mal intentionnés comme celui du polémiste Dieudonné ou des sites qui véhiculent des théories complotistes, et ensuite mettent ce discours en équivalence avec la parole du prof ».
Il peut s’agir « d’élèves musulmans qui confondent l’histoire des Juifs
pendant la Seconde Guerre mondiale avec le conflit israélo-arabe depuis 1948 », mais aussi d’élèves de toutes origines qui « tombent sur ces sites et mettront le discours du professeur sur le même plan ».
Pour Alexandre Bande, professeur d’histoire-géographie au lycée parisien Janson-de-Sailly, qui a participé au webdocumentaire « Les deux albums d’Auschwitz », il faut être capable de dire aux élèves quand on aborde la Shoah, que « c’est le moment de l’année où on parle de ça. Gaza, les Arméniens ou le Rwanda, c’est un autre moment ».
« Souvent, pour remettre un peu les choses en place, il faut partir du
vocabulaire », distinguer un génocide d’un conflit armé, relève Alban Perrin.
Pour la ministre, la responsabilité envers les victimes de la Shoah
augmente aussi au fur et mesure que « les voix des témoins s’éteignent ».
Si la présence de témoins « permet d’incarner cette histoire », elle focalise l’attention « sur des cas exceptionnels, ceux qui ont survécu », souligne Alban Perrin. « Des rescapés de Treblinka n’interviendront jamais, il n’y en a pratiquement pas eu ».

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