Des documents rédigés par des officiers nazis révèlent les méthodes brutales utilisées contre les Juifs
Soixante-dix ans après la liquidation du ghetto de Lodz (Pologne) pendant la Seconde Guerre mondiale, un journal contenant une documentation méticuleuse sur la vie quotidienne à l’intérieur des murs du ghetto telle que décrite par les officiers nazis a été retrouvée, rapporte le site Ynet.
Utilisant un langage dépouillé et précis, comme à leur habitude, les Allemands racontent dans le menu détail les traitements imposés à la population juive locale, comme par exemple les punitions infligées pour le seul fait d’avoir imaginé s’échapper et l’utilisation des méthodes brutales pour obtenir des informations.
Pendant la Deuxième guerre mondiale, Lodz abritait le deuxième plus grand ghetto juif de Pologne. Plus de de 200.000 Juifs y ont été enfermés dont la quasi-totalité a été déportée vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Moins de 10.000 d’entre eux ont survécu.
L’institut Shem Olam pour l’Education, la Documentation et le Recherche sur la Foi et l’Holocauste a récemment pu acquérir sur ces documents rares que les nazis avaient tenté de cacher et qui ont été publiés le 1er janvier qui est également le jour du « Kaddish général ». Le Kaddish est la prière récitée par les Juifs endeuillés pour rappeler le souvenir des morts. Les membres des endeuillés ignorant le jour du décès de leur proche récitent par conséquent le Kaddish le 10 du mois de Tevet (calendrier hébraïque) qui tombait cette année le 1er janvier.
Les documents révèlent également la violence et la brutalité du régime qui ne souffrait aucune patience à l’égard de ceux qui n’obéissaient pas aux ordres cruels.
Le journal retrace les descriptions des tortures lors des interrogatoires de Juifs suspectés de posséder des « effets interdits » et d’avoir des contacts avec le « Judenrat » (le Conseil juif), organe gérant la communauté juive et interlocuteur des nazis, pour pouvoir obtenir le maximum d’informations sur les Juifs ne se soumettant pas aux règles imposées.
« Le Juif Goldberg Meyer a été appréhendé après que nous avons reçu des informations selon lesquelles il a prétendu être un Polonais et vendu des produits textiles acquis par le passé », écrit un officier allemand dans une des pages du journal.
Suivent plusieurs rapports sur des détenus et sur la traque de Juifs:
« Shtayer, David, né le 21 octobre (année inconnue) de Turek, mesurant approximativement 1,60m, mince, cheveux noirs, yeux bruns, se faisant également appeler Anthony Brodziak ».
Un peu plus loin on peut lire: « Le Mischling (en allemand métis – demi-Juif selon les lois raciales de Nuremberg-, ndlr) Oscar Steiner, né le 26 février 1901, de Melsdorf, vivant à Oberau, de l’arrondissement de Garmisch, a pris la fuite, à la suite de quoi la police de Munich s’est lancé à sa recherche en vertu d’un mandat d’arrêt conformément à la loi ».
Un autre paragraphe décrit le harcèlement brutal d’une famille ayant tenté de cacher un adolescent juif. « Le jeune Haimovich Hanek séjournait chez les Jâger, des Volksdeutsche (des Polonais de descendance allemande, ndlr). A la suite d’une querelle entre voisins, nous avons reçu des informations selon lesquelles les Jâger ont abrité un jeune Juif pour lequel sa famille a payé une importante somme d’argent afin de le cacher. Le couple Jäger a été arrêté après avoir été recherché et le garçon a prétendu être leur fils. Son nom a été révélé un peu plus tard. Une unité ira saisir à l’aube tous les biens à l’intérieur de l’appartement ».
Le rabbin Avraham Krieger, directeur de l’Institut Shem Olam, a confié: « Le journal qui a été publié pour la première fois, dévoile une autre facette de l’ampleur du Mal allemand. Les officiers (nazis) faisaient appel à tous les moyens possibles pour créer un régime de terreur et de crainte au sein des Juifs du ghetto et utilisaient les méthodes les plus cruelles et les plus méprisables au service de la machine de destruction nazie. Le journal divulgue précisément ce que les Allemands voulaient cacher de toutes leurs forces, ce qu’ils n’ont finalement pas réussi à faire ».
Le ghetto de Lodz (appelé Litzmannstadt en allemand) est le premier grand ghetto mis en place par les Allemands à partir d’avril 1940, celui de Varsovie est établi à partir d’octobre 1940.
Il fut transformé en un centre industriel approvisionnant l’Allemagne nazie et la Wehrmacht (armée allemande) en fournitures et équipements. Sa « remarquable productivité » lui permet de subsister jusqu’en août 1944. lorsque la liquidation progressive du ghetto est décidée après que les nazis ont réussi à briser une grève sur le tas qui semble annoncer le début d’une résistance. Du 23 juin au 14 juillet, 7 000 juifs sont déportés à Chelmno où ils sont assassinés. Comme la ligne de front russe se rapproche, le reste des Juifs, y compris le président du Judenrat Rumkowski, est déporté à Auschwitz. À la fin du mois d’août, le ghetto est liquidé. Quelque 900 personnes réussissent à se cacher dans les ruines, où ils survivent jusqu’à l’arrivée de l’Armée Rouge. Au total, des 204.000 personnes qui passèrent par le ghetto de Lodz, seules 10.000 d’entre elles survivront à la guerre. 95 % d’entre eux ont péri de privations, de maladie, ou gazés dans les camps d’Auschwitz-Birkenau ou à Chelmno.