Un Israélien découvre les centres commerciaux, les projets éducatifs et surtout la lutte contre le terrorisme
Vous visitez le Caire?! Maintenant? Vous plaisantez sans doute..!
Personne n’est plus surpris et étonné. De l’avis de tous, Le Caire n’est pas une ville sûre. Le touriste qui visite les lieux est l’objet de curiosité. Personne ne sait ce que le destin nous réserve. Mais mon ami égyptien, qui a profité de l’occasion d’être sur la plage de Yafo m’a rassuré et dit: « Le Caire est plus sûr que Tel-Aviv. »
En fait, Le Caire commence à ressembler de plus en plus à Tel-Aviv.
De gigantesques nouveaux centres commerciaux fleurissent un peu partout et embrassent le ciel, rappelant le centre commercial Azrieli.
Plus important encore, l’industrie sécuritaire a commencé à envahir la ville. Vous ne pouvez entrer nulle part, que ce soit dans les hôtels ou les salles de cinéma, sans franchir les contrôles de sécurité constitués non seulement d’hommes musclés, mais aussi de jeunes femmes qui vous demandent poliment de passer par les détecteurs de métaux.
Si vous avez laissé quelques pièces de monnaie dans votre poche l’appareil émet un bip « Tel Avivien ». À l’aéroport du Caire, tout comme à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, des gardes de sécurité vous approchent si vous laissez vos effets personnels sans surveillance et demandent « à qui est-ce »?
Mais les Egyptiens, par nature, sont moins agressifs que les responsables de la sécurité israélienne. Ils arrivent à vous convaincre qu’ils travaillent pour votre sécurité et la leur uniquement et ne vous donnent pas le sentiment que vous êtes une menace jusqu’à ce que vous ayez prouvé votre innocence. Même s’ils sont très en colère contre le Hamas « qui a dépassé la ligne rouge, et qui est la première organisation palestinienne de l’histoire à avoir porté atteinte à la sécurité égyptienne en commettant des actes terroristes à l’intérieur de ses frontières, et à qui on ne pourra jamais pardonner ».
Il y a ceux qui n’ont pas caché leur colère envers la population de Gaza, « qui a choisi le Hamas comme leurs dirigeants », mais ils ne vous attaquent pas parce que vous êtes palestinien. Ils vous traitent avec une grande sensibilité, même si ils posent des questions embarrassantes.
Le chauffeur de taxi, comme partout, est la principale source d’information pour les journalistes.
Le premier chauffeur égyptien, de même que le deuxième, le troisième et le dixième, est très franc. Il vous parle de tout même quand il dépasse, ce qui peut vous causer un arrêt cardiaque et vous ne comprenez pas comment il peut se faufiler dans cette circulation. La conduite automobile au Caire exige une totale concentration, mais il est atteint de loghorrée verbale. Les slogans écrits sur le mur nous choquent. « Sissi est un traître ». Beaucoup d’autres sont tagués sur le même esprit. Pourquoi, ai-je demandé au chauffeur?
Il répond avec facilité et dédain: ce sont les Frères musulmans, monsieur. Il explique qu’ils détestent Sisi parce qu’il a dévoilé leurs plans et complots contre l’Egypte. « Est-ce que toutes les parties s’accusent mutuellement de trahison? », demandons-nous alors. Il répond catégoriquement: ce n’est pas juste de comparer les deux côtés, al-Sissi est un commandant de l’armée et dans notre armée il n’y a pas de trahison. »
Depuis combien de temps ces slogans sont sur les murs?
Depuis des mois, dit l’homme.
Pourquoi sont-ils pas effacés?
Je ne sais pas. Cependant, des slogans tels que ceux-ci ne font que renforcer Sissi. Parce qu’ils l’accusent de quelque chose d’illogique, la conséquence immédiate est que leurs revendications sont nulles et non avenues.
Il rentre dans le détail: “Je comprendrais s’ils critiquaient Sissi sur des erreurs politiques, et bien sûr qu’il y a des erreurs. Je pourrais accepter leurs critiques s’ils parlaient des pannes de courant ou de la hausse des prix ou même des procès à la va-vite contre les Frères musulmans. Mais l’accuser de trahison, ce n’est pas juste et cela suggère qu’ils sont loin de la vraie religion.
En Egypte, nous avons rencontré un certain nombre d’intellectuels et d’hommes politiques, des artistes et des gens ordinaires, et parmi eux des opposants historiques du régime.
L’atmosphère dans laquelle ils vivent est différente de ce que rapportent les médias arabes. Ici, les gens sont beaucoup plus occupés à la reconstruction de l’Egypte, que par la politique étrangère. Bien sûr, les gens parlent de la guerre de Gaza tout comme de l’Etat islamique, des Frères musulmans et des autres organisations dans le monde. Ils parlent beaucoup du terrorisme qui menace leur sécurité nationale, ils parlent de l’Amérique, d’Israël et de l’Iran et aussi de l’Orient et de l’Occident…, mais la plupart de leurs conversations portent sur l’Egypte, sa sécurité et son avenir: “Nous regardons la Syrie, l’Irak, la Libye et le Yémen. Des Etats puissants se sont effondrés en quelques semaines. Nous ne permettrons pas que l’Egypte s’effondre comme eux « , telle est, en substance, la teneur de leurs conversations.
Même si l’Égypte se retrouve, au sein de recomposition régionale, dans le même bloc qu’Israël?
« L’Egypte elle-même n’a pas peur de perdre quelque chose dans ses relations avec Israël. Il y a un accord de paix entre nous, nous le respectons et essayons de l’utiliser pour changer la position israélienne sur la question de la Palestine, mais nous ne voulons pas de slogans à la gloire de la guerre contre Israël, comme d’autres le font”.
Un homme politique répond: “nos relations avec la direction palestinienne légitime existent et se renforcent”.
A partir de là, nous commençons à parler de grands projets qui intéressent l’Egypte:
le nouveau canal de Suez, une guerre totale contre le terrorisme, un projet éducatif révolutionnaire comprenant la construction de 17.000 écoles au cours des trois prochaines années et la hausse du salaire minimum pour les enseignants, toujours et encorela guerre contre le terrorisme, le projet de réforme agraire appliqué ç des millions d’hectares de terre, encore une fois la guerre contre le terrorisme, la promesse de création d’un million d’emplois et…. la guerre contre le terrorisme.
En effet, on revient, à la fin de chaque phrase, à la guerre contre le terrorisme comme une mélodie qu’on aime fredonner.
Nazir Mgally est un écrivain, journaliste et chercheur à l’Institut de recherche « Shacharit » de Tel Aviv et au centre de communications et de recherche Al-Tahrir à Abu Dhabi.