Tribune du Pr. Hagay Sobol: Je suis dessinateur, je suis écrivain, je suis enseignant, je suis gay, je suis migrant, je suis femme… je suis juif ?
Dès le commencement, déjà, mes images illuminent les cavernes de l’humanité.
D’abord reflet de la réalité, puis abstraction, je fais rêver.
Nous sommes partis en fumée, mais nos croquis sont restés pour témoigner.
Un simple trait, provoque le rire ou la révolte de l’opprimé, et l’ire des puissants.
Car l’image parle toutes les langues, je suis dessinateur !
Pour quelques phrases, la sanction est le goulag [2].
Pour quelques versets [3], une fatwa [4].
Pour un questionnement, des tombereaux de livres brulés [5] en place de Grève.
Mais jamais les barbelés n’ont pu arrêter les mots.
Car « la plume est plus forte que l’épée [6] ». Je suis écrivain !
Si les parents donnent la vie, l’école enseigne et éduque.
Nous y faisons l’apprentissage de la diversité et du collectif.
Puis grâce au collège, au lycée jusqu’à la Faculté nous pouvons nous élever.
Le grand danger, c’est de limiter le savoir et son accès, pour contrôler la pensée.
Car l’éducation rend libre, je suis enseignant !
Stigmatisés depuis toujours, vous nous croisez sans même le savoir.
Pourtant dans tous les domaines nous avons excellé.
Au nom de la convergence des luttes, on nous enjoint de soutenir nos bourreaux.
Nos libertés ne sont jamais définitives.
Mon seul crime est d’aimer, car je suis gay !
Venu de l’étranger on veut me refouler.
Pourtant, c’est le lot de toute l’humanité que d’avancer pour subsister.
Nomade ou sédentaire mon univers c’est le monde, les frontières sont venues bien après.
Face au dérèglement climatique, chacun de nous bientôt ne saura où aller.
Depuis la nuit des temps, je marche, car je suis migrant !
Pour un voile mal ajusté [7], je risque ma vie.
Pour une parole échangée, une note de musique, je serai lapidée [8].
Même dans les pays les plus avancés, je n’ai pas encore acquis toute l’égalité.
C’est au prix de ma liberté qu’on me fait payer le privilège de mettre au monde.
On n’enferme pas la moitié de l’humanité, car je suis femme !
Pour ceux qui le sont, juif est une question, pour les antisémites, une affirmation !
Je suis tout à la fois, l’Autre, l’étranger, et moi-même.
J’incarne la diversité, la spécificité, celui qui rassemble toutes les différences.
Je suis celui qui ne ploie pas devant les idoles et les pharaons du passé comme des temps modernes.
Je questionne, je m’interroge, je me révolte, forcément je dérange, car suis je juif !
Si face à la barbarie et l’intolérance de quelques-uns, nous sommes toutes et tous écrivains, dessinateurs, enseignants, gays, migrants, femmes et juifs, alors nous sommes la majorité. Nous sommes le monde. N’ayons pas peur de combattre les extrémistes et les fanatiques. Ne les laissons pas nous enfermer dans une prison de haine et de division !
Hagay SOBOL