KFAR ETZION (Territoires palestiniens), 19 juin 2014 (AFP) – « C’est comme s’ils avaient été enlevés dans notre salon, sur une route où tout le monde circule sans penser au danger »: le rapt de trois jeunes Israéliens il y a une semaine ramène brutalement les colons à la réalité du conflit avec les Palestiniens.
« Cet enlèvement a été une onde de choc pour tous les habitants du Goush Etzion », explique à l’AFP David Perel, le président du Conseil régional de ce bloc de colonies en Cisjordanie occupée, au sud de Jérusalem.
Selon les services de sécurité israéliens, Eyal Yifrach (19 ans), Naftali Frenkel (16 ans) et Gilad Shaer (16 ans) ont disparu à un arrêt pour auto-stoppeurs près de Kfar Etzion, la colonie où deux d’entre eux étudiaient.
Pour les colons, l’auto-stop est un moyen de transport très courant.
« Nous réclamons depuis longtemps du gouvernement plus d’argent pour les transports en commun mais l’auto-stop est un moyen de voyager que nous n’abandonnerons pas », assure David Perel.
« Le danger peut venir de n’importe où », y compris en Israël, rappelle-t-il:
« Il y a eu des attentats à Tel-Aviv et à Haïfa, des roquettes sur le sud et des mitraillages de voitures ailleurs ».
En tout cas, Hadas Halpert, 17 ans, ne renoncera pas à faire du stop. « La vie normale doit continuer », témoigne cette jeune fille en guettant une voiture pour rentrer dans l’implantation où elle habite.
« Nous ne pouvons pas leur donner cette victoire », ajoute-t-elle en parlant des « terroristes qui veulent nous empêcher de vivre ici ».
« Je n’ai pas peur. L’essentiel est de continuer la routine même si on pense désormais davantage aux risques », renchérit Amir Gourevitch, un enseignant de 33 ans, qui attend lui aussi un véhicule pour rejoindre sa colonie.
Les colons ont reçu des courriels des autorités locales les incitant à la prudence, et la direction de la yeshiva (école talmudique) Mekor Haïm où étaient inscrits deux des disparus a formellement interdit l’auto-stop à ses élèves.
Proche de Jérusalem, Kfar Etzion, première colonie juive de Cisjordanie, a été construite en septembre 1967 sur les ruines d’un kibboutz détruit par l’armée jordanienne lors de la première guerre israélo-arabe en 1948.
Autour d’elle s’est développé le bloc du Goush Etzion, avec ses 20.000 habitants, souvent attirés par une vie à la campagne, des prix bien plus avantageux qu’en Israël et une relative sécurité par rapport aux colonies isolées au coeur de la Cisjordanie.
Au supermarché local, 40% des employés sont palestiniens. Plusieurs centaines d’ouvriers palestiniens travaillent chaque jour dans le Goush Etzion.
Face aux appels de responsables des colons à des représailles, y compris en chassant les travailleurs palestiniens, Oded Revivi, le maire d’Efrat, 8. 000 habitants, l’une des implantations du Goush Etzion, a appelé à reprendre une vie normale.
« Ce genre d’action ne fait que renforcer la haine et la peur. Nos voisins ne sont pas responsables de cet acte terroriste », a expliqué M. Revivi dans une lettre publique.
Des affiches avec l’inscription « Bring Back Our Boys » (« ramenez nos garçons ») en anglais et en hébreu sont accrochées dans tout le Goush Etzion,
et les écoles locales multiplient les réunions d’information et les prières collectives.
« Nous allons nous renforcer, continuer de construire et affirmer à la face du monde que nous sommes ici pour toujours », promet le président du Conseil régional.
La communauté internationale condamne la colonisation, illégale au regard du droit international et un des principaux contentieux avec les Palestiniens,
bien que le Goush Etzion fasse partie des blocs d’implantations qu’Israël pourrait garder moyennant un échange de territoires en cas d’accord de paix.
« Nous attendions-nous à ce que tous les Palestiniens restent sagement assis, acceptant d’être défaits, pendant que l’occupation israélienne se renforce? », s’interrogeait cette semaine le directeur de l’ONG anti-colonisation La Paix Maintenant, Yariv Oppenheimer.
« Que pensions-nous? Que la tranquillité serait préservée pour toujours et que le bloc du Goush Etzion deviendrait un site touristique pastoral sans la moindre trace des Palestiniens? », poursuivait-il, estimant que la situation
« nous a explosé à la figure ».