BANK (Hongrie), 04 août 2013 (AFP) – « Rom, Juif & Gay », affiche fièrement
sur son t-shirt un participant au Festival Bankito, en Hongrie, un message
politique fort alors que la discrimination contre les minorités est une
critique récurrente contre le gouvernement conservateur hongrois.
Chaque année en été, le pittoresque village de Bank, à une cinquantaine de
kilomètres au nord de Budapest, accueille pendant trois jours ce festival
connu pour sa musique alternative, son art et son activisme civil.
Le premier festival, organisé il y a cinq ans, était centré sur la musique
juive, lui valant le surnom de « Jewstock », en référence au légendaire festival
de rock de Woodstock (Etats-Unis) en 1969. Il est depuis devenu un haut-lieu
du militantisme, où toutes les minorités sont les bienvenues.
« Bankito est un endroit sûr, où chacun peut être ce qu’il est, en toute
liberté », explique à l’AFP Adam Schonberger, 33 ans, fils de rabbin et
directeur de Marom, une organisation de jeunes juifs laïques de Budapest à
l’origine du festival, qui accueille 2.000 personnes par jour.
« Nous avons imaginé un monde où il ferait bon vivre et nous avons commencé
de le réaliser », a ajouté Adam Schonberger qui a illustré cette vision comme
« une communauté de sous-cultures, avec un zeste de judéité ».
L’année dernière, le gouvernement conservateur de Viktor Orban avait adopté
une nouvelle constitution, marquée par de profondes racines chrétiennes. Le
texte a été très critiqué, par l’Union européenne notamment, jugé
antidémocratique, discriminant envers les homosexuels ou les SDF et pas assez
protecteur des minorités rom et juive, pourtant souvent victimes de préjugés
et parfois de violences.
« Le gouvernement a une vision majoritaire de la Hongrie », selon Adam
Schonberger, « ceux qui ne partagent pas ses vues sont exclus ».
C’est là qu’intervient le Festival Bankito. En plus des concerts — de tous
types de musique, de l’expérimental à l’électronique en passant par la musique
rom –, figurent au programme du théâtre alternatif, des expositions d’art et
des ateliers politiques et sociaux sur l’éducation, la liberté de la presse ou
l’antisémitisme.
Les jeunes juifs hongrois évitent les partis politiques traditionnels mais
sont très présents dans la société civile, selon Tamas Buchler, un festivalier
de 29 ans: « Nous avons des valeurs très fortes quand il s’agit de démocratie,
des droits de l’Homme, de la lutte contre le racisme », a expliqué le fondateur
de Minyanim, un groupe qui forme de jeunes juifs d’Europe centrale pour
devenir des acteurs majeurs de leur communauté.
Les attaques, verbales ou physiques, en Hongrie contre la communauté juive
de quelque 100.000 personnes, une des plus importantes en Europe, restent
rares mais la tendance est à la hausse ces dernières années.
Le Congrès mondial juif, qui représente les communautés juives à
l’extérieur d’Israël, a tenu son assemblée générale en mai à Budapest pour
témoigner sa solidarité aux juifs hongrois. Le Premier ministre, Viktor Orban,
avait appelé à cette occasion à la « tolérance zéro » contre le racisme et
l’antisémitisme.
Cependant, son parti, Fidesz, est souvent accusé d’avoir un comportement
ambivalent à l’égard des communautés rom et juive, certains le soupçonnant de
vouloir attirer l’électorat du parti d’extrême-droite Jobbik, ouvertement
antisémite et contre les Roms, avant les élections législatives de 2014.
Pour les jeunes juifs au Bankito, l’antisémitisme n’est pas le premier
problème: Judit Mokos, 22 ans, se plaint d’une « atmosphère
anti-intellectuelle » générale dans le pays. « J’étudie les lettres, ce que le
gouvernement qualifie d’inutile et ne finance plus. Je ne suis pas sûre que
mon avenir soit en Hongrie », déplore-t-elle.
Pour Adam Schonberger, l’apathie de la population est au moins aussi
dangereuse que les lacunes du système démocratique: « Si quelque chose est
injuste, seulement quelques centaines de personnes manifestent ici, alors
qu’elles sont des milliers en Turquie ou en Bulgarie », regrette-t-il.
Pour Ima, une Roumaine de 23 ans, le festival est déjà un succès en soi et
elle dit douter qu’un tel événement puisse être organisé dans son pays: « Les
juifs de Hongrie sont définitivement sortis de leur ghetto », se réjouit-elle.
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