Percée mondiale pour l’avenir du traitement du cancer: Des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont réussi à détruire des cellules cancéreuses en modifiant leur ADN
22 NOVEMBRE 2020
Nouvelle étape importante sur la voie de la guérison du cancer : une équipe de chercheurs de l’Université de Tel-Aviv, sous la direction du Prof. Dan Peer, Vice-Président pour la R&D et Directeur du laboratoire de nano-médecine et du Centre de recherche sur la Biologie du cancer de l’Université de Tel-Aviv, a prouvé que la technique dite des « ciseaux moléculaires » capable de couper les molécules d’ADN avec précision (système CRISPR), s’avère également très efficace pour le traitement des cancers métastatiques.
Testée en laboratoire, la méthode a réussi à éliminer des cellules cancéreuses et à prolonger considérablement l’espérance de vie en cas de cancer du cerveau et de l’ovaire, sans effets secondaires ni risque de résurgence après le traitement.
L’étude révolutionnaire a été menée par le Dr. Daniel Rosenblum, la doctorante Anna Gutkin et d’autres chercheurs du laboratoire du Prof. Peer, en collaboration avec les Dr. Dinorah Friedman-Morvinski de l’École de biochimie de l’UTA, Zvi Cohen, chef de l’unité de neurochirurgie oncologique de l’hôpital Sheba, Mark Behlke de la société IDT dans l’Iowa aux États-Unis, et le Prof. Judy Lieberman de l’Hôpital pour enfants de Boston et de l’Université Harvard. Ses résultats ont été publiés à la fin de la semaine dernière dans la prestigieuse revue Science Advances.
Une augmentation des chances de survie de 30 à 80%
La technologie innovante développée par les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv consiste en un système de transport de nanoparticules à base de lipides (CRISPR-LNPs), véhiculant un messager génétique (ARN messager) qui encode l’enzyme CRISPR-Cas9 capable de couper l’ADN directement dans les cellules cancéreuses, et de les neutraliser génétiquement.
Pour tester la faisabilité de cette technologie pour le traitement du cancer, le Prof. Peer et son équipe ont sélectionné deux des tumeurs les plus mortelles : le cancer du cerveau de type glioblastome et le cancer de l’ovaire métastatique. Le glioblastome est le cancer du cerveau le plus agressif, la plupart des patients mourant de la maladie dans les 15 mois suivant le diagnostic et seulement 3% vivant encore 5 ans plus tard. Dans le cas de ce cancer, les chercheurs ont démontré qu’un traitement unique au moyen du CRISPR-LNPs testé sur des souris peut doubler leur durée de vie moyenne et améliorer leur survie d’environ 30%.
Le cancer de l’ovaire quant à lui est l’une des principales causes de mortalité chez les femmes et le cancer du système reproducteur féminin le plus mortel. La plupart des patientes atteintes d’un tel cancer sont diagnostiquées à des stades avancés de la maladie, lorsqu’elle diffuse déjà des métastases dans l’ensemble de l’organisme. Malgré les progrès réalisés ces dernières années, environ un tiers seulement des patientes survivent à cette grave maladie. Le traitement par CRISPR-LNPs sur des modèles murins du cancer de l’ovaire métastatique a amélioré la survie des souris de 80%.
La technologie d’édition du génome au service de la lutte contre le cancer
« C’est la première étude au monde qui prouve que le système CRISPR peut être utilisé efficacement pour le traitement du cancer chez un animal », a déclaré le Prof. Peer. La méthode CRISPR / Cas9, aujourd’hui la principale technologie d’édition génomique dans le monde est une méthode d’ingénierie génétique comprenant l’introduction dans les cellules d’un marqueur moléculaire qui identifie des séquences génétiques spécifiques sur un chromosome, et d’une enzyme qui coupe le chromosome à l’endroit indiqué et provoque la paralysie du gène souhaité.
« Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas d’une chimiothérapie », explique le Prof. Peer. « Il n’y a pas d’effets secondaires ni de danger de réémergence de la cellule cancéreuse qui a subi le traitement. Les ‘ciseaux moléculaires’ du Cas9 coupent l’ADN de la cellule cancéreuse, la stoppe et elle n’est plus capable de se répliquer ».
« Le système CRISPR, capable d’identifier et de modifier n’importe quel segment génétique, a révolutionné notre capacité à réparer et même remplacer des gènes de manière personnalisée. Mais bien que cette méthode soit employée aujourd’hui de manière intensive dans la recherche, son utilisation clinique en est encore à ses balbutiements, car elle nécessite un système de transport ciblé et sécurisé capable de toucher uniquement les cellules cibles. Le système de transport que nous avons développé attaque l’ADN qui permet aux cellules cancéreuses de survivre. C’est un traitement innovant pour les cancers agressifs, qui n’ont pas de traitement efficace aujourd’hui ».
Pas seulement pour le cancer
D’après les chercheurs, cette nouvelle étude n’est que la première démonstration de l’utilisation du système CRISPR pour le traitement du cancer, et elle ouvre de nouvelles opportunités pour traiter également d’autres types de cancers, de même que des maladies génétiques rares et des affections virales chroniques telles que le Sida.
« Nous voulons à présent poursuivre notre démarche par des expériences sur les leucémies, qui sont très intéressantes sur le plan génétique, ainsi que sur des maladies génétiques comme la dystrophie musculaire de Duchenne », déclare le Prof. Peer. « Il faudra probablement encore du temps pour que le nouveau traitement soit disponible pour les humains, mais nous sommes optimistes. Tout cet univers de médicaments moléculaires utilisant des ARN messagers (messagers génétiques) est en plein essor. La preuve en est que la plupart des vaccins contre le coronavirus qui sont actuellement en développement sont basés sur ce principe. Lorsque nous avons commencé à parler de traitement par ARN messagers il y a 12 ans, les gens pensaient qu’il s’agissait de science-fiction. Je crois que dans un proche avenir, nous verrons l’apparition de nombreuses thérapies basées sur des ARN messagers pour les maladies génétiques et le cancer, reposant sur le principe d’une médecine personnalisée. Nous travaillons déjà avec des entreprises et des fondations internationales, par le biais de Ramot, la société de transfert de technologie de l’Université de Tel-Aviv, pour faire bénéficier les humains des avantages des techniques d’édition génomique ».
L’étude a été financée par la Fondation israélienne de Recherche sur le cancer (ICRF).
Photos :
1. Prof. Dan Peer (Crédit: Université de Tel Aviv).
2. Illustration de l’étude (Crédit: Ella Maru Studio).