Rubrique « Torath Israël » – Par le Rav Shélomo ZINI
Vayétsé : Jacob décide de sauver sa vie et sa famille.
NB. Lors de notre commentaire de la semaine dernière sur « Tolédoth », une erreur s’est glissée : Toutes les fois où apparaît leprénom de Ra’hel Imménou, il s’agissait bien-sûr de Rivka Imménou. Merci à l’un de nos lecteurs de nous l’avoir aimablement fait remarquer.
Pour quelle raison le Peuple d’Israël a quasiment toujours été attaqué durant la
longue Histoire de l’Humanité ? A cette question lancinante posée tour à tour par les juifs
et les non juifs à toutes les époques, les réponses sont innombrables et complexes.
Certaines de ces réponses tournent autour de réflexions anciennes ou nouvelles sur
la « Question juive », alors que d’autres ont fini par comprendre que la problématique est
bien plus encore celle de la réflexion autour de la « Question idolâtre ». Les uns
invoqueront les notions de « Peuple élu », de « Rassemblement Sinaïtique », de « Don de
la Thora », de « Terre promise à Abraham, Isaac et Jacob et à leurs descendants », notions
dont les définitions officielles se trouvent dans le Talmud, et remontent à l’univers divin
d’avant même la Création du Monde !… mais ces définitions sont souvent méconnues ou
incomprises tant par les antisémites non juifs que les juifs frustrés par leur manque de
Thora, ce qui les prive d’un Judaïsme authentique et surtout, ce qui provoque en eux un
sentiment de mal être très difficile à gérer, allant jusqu’à provoquer le syndrome de la
haine de soi.
D’autres parleront de la « faute du Veau d’Or » allant jusqu’à justifier les malheurs
survenus à Israël pour leur faire « payer le fruit de leur trahison », ou la « faute des
explorateurs », ces « grands d’Israël » considérés par nos Hakhamim comme des
hérétiques, dont la faute ne sera jamais pardonnée jusqu’à la fin temps… D’autres enfin,
réinventeront à l’infini des raisons fallacieuses dans le seul but de donner une explication-
justification aux apparences « morales » pourvu qu’ils puissent perpétuer leur haine des
Juifs, de la Torah et de la Terre unis par un même Sceau divin : celui du D’ieu
d’Israël.
C’est la raison pour laquelle les ultra-antisémites juifs et non juifs s’en sont toujours
pris aux juifs de la même façon, en essayant de les atteindre soit physiquement, soit
spirituellement, soit politiquement en essayant ainsi de les fragiliser par l’attaque
extrémiste incessante de l’un des éléments constitutifs de sa force et de son unité : le
Peuple, la Thora et la Terre sous le regard divin, qui attend au tournant chaque individu
et chaque Nation, afin de leur faire assumer leur responsabilité, au moment où Il le
décidera, de la manière qu’Il choisira et avec les acteurs de Son choix, que ces derniers
plaisent ou déplaisent aux uns comme aux autres. Les ultra-antisémites juifs et non juifs
d’autrefois se sont transformés aujourd’hui en mutants (juifs et non-juifs) antisionistes.
Comment en est-on arrivé là ?
Pour essayer de répondre à cette problématique, il convient de rappeler que la
plupart des hommes qui vivent très mal la raison pour laquelle D’ les a créés, ne
recherchent souvent – pour gérer leur mal être – que des réponses légères et rassurantes,
qui, bien que partielles et insuffisantes voire dénuée de vérité, sont importantes à leurs
yeux car cela leur permet de fournir à leur existence un socle idéologique leur offrant un
raccourci vers ce qu’ils pensent être un objectif louable ou un idéal répondant à leurs
critères de vérité.
Les plus extrêmes du genre iront jusqu’à se prendre pour D', considérant qu’il suffit
de produire une pensée personnelle pour qu’elle soit légitime.
D’autres ne se prennent pas pour D’ mais ont décidé de remplacer D’ par l’une des
idéologies humaines du moment. Ces dernières, forcément détentrices d’étincelles de
vérité – sans quoi, elles seraient mortes-nées – ajoutent à ces étincelles, tous les mythes et
mensonges humains pour se donner raison et camoufler ainsi tous ses travers en focalisant
sur les travers de leurs adversaires.
Contrairement à ces aventuriers persistants de l’idolâtrie, nos ancêtres les Hébreux,
ont à leur tête des personnages de Haute stature morale et spirituelle, qui nous montrent la
voie de la fidélité à D’ qu’il convient de suivre.
De même, le chemin dont il convient de s’écarter, ne peut se déduire que de notre
Thora sacrée et de l’enseignement de nos Sages, afin de ne plus retourner sur les pas de
l’obscurantisme idolâtre qui régnait avant Abraham et Sarah. Un traité talmudique entier –
Massekheth ‘Avoda Zara – nous décrit de manière complète et parfaite, comment repérer
les idées, les comportements, les usages et les mœurs des idolâtres afin de « ne point agir
selon leurs comportements », mais aussi comment en sortir, s’en écarter complètement
afin de sauver sa vie et celle de sa famille, tant physiquement que spirituellement.
C’est ainsi que, comprenant que ses jours sont en danger Jacob décide de sauver sa
vie et sa famille. Afin d’échapper à son frère ‘Essav (Esaü) qui le poursuit dans l’intention
de le tuer, Jacob n’hésitera pas à quitter la Terre d’Israël. « Et Ya'acov sortit de Béer
Chéva et alla vers ‘Haran » (Genèse, 28, 10).
‘Haran se trouve à l’extérieur d’Erets Israël et c’est paradoxalement en s’y rendant,
que Ya’acov « se heurta au Lieu, et y passa la nuit parce que le soleil s’était couché. Il
prit une des pierres de l’endroit, la mit sous sa tête et se coucha à cet endroit précis ».
Quel est donc cet endroit auquel la Thora fait référence sans même mentionner
explicitement son nom ? Il s’agit de « Makom » – l’un des 18 noms de D’ référencés par
nos Sages, mais aussi le nom de la Maison de D’, ce que nous rappelle Rachi en précisant
qu’il s’agit du Mont Moriah, appelé par Ya’acov notre Patriarche « Beth Elo-him »
Maison de D’, l’actuel Mont du Temple à Jérusalem.
Lorsqu’Abraham reçut l’ordre de sacrifier son fils Yit’haq, D’ ne lui précisa pas à
quel endroit devait avoir lieu ce sacrifice. Il est juste stipulé dans la Thora que « le
troisième jour, Abraham éleva ses yeux et vit le Lieu de loin » (Genèse, 22, 40).
Comment a-t-il pu découvrir qu’il s’agissait bien du Mont Moriah ? Selon Rachi, grâce à
son esprit prophétique, Abraham Avinou (notre Patriarche) a vu, par sa capacité
prophétique, une nuée envelopper la cime de la montagne : c’est là qu’il comprit que le
Lieu vers lequel il se dirigeait était empreint de sainteté.
Deux générations plus tard, son petit-fils Ya’acov arrivera lui aussi sur ce même
Lieu sacré. Nos Sages ne manqueront pas de s’étonner de cette tournure inattendue !…
Comment est-il possible que Ya’acov en route vers l’exil, va finalement se retrouver dans
le Lieu le plus Kadoch (saint) et surtout le plus central de la Terre d’Israël ?
Nos Sages l’expliquent par un phénomène miraculeux. Le Rav Ya’acov Moché
Harlap, disciple et compagnon d’étude de Rabbi Abraham Yitshaq HaCohen Kook,
explique dans son « Mé Marome » qu’il ne faut pas voir dans ce miracle une simple
curiosité géographique, mais un enseignement beaucoup plus profond : lorsque quelqu’un
désire intensément quelque chose, il trouve toujours « l’option d’un raccourci ». Ainsi
dans son rêve toute la Terre d’Israël était miraculeusement et « intensément rétrécie » sous
sa tête à l’endroit même du Mont du Temple. Le message divin reçu par Ya’acov devient
clair : ceux qui désirent ardemment la Terre d’Israël, auront le mérite de la conquérir
quelques soient les efforts et sacrifices qu’il faut endurer pour cela.
Lorsqu’on aime cette Terre, les résultats sont toujours perceptibles de son vivant et
plus encore, du vivant de ses descendants. Abraham avait précédemment reçu un ordre :
« Lève-toi et promène toi sur cette Terre car je te la donnerai » (Genèse, 13, 17). Les
Sages du Talmud ont expliqué que cette « promenade » d’Abraham sur la Terre promise
« facilitera plus tard sa conquête par les enfants d’Israël » (Baba Batra 100,a). En se
promenant sur toute l’étendue d’Erets Israël, il entendait témoigner auprès de toutes les
générations futures son attachement profond à la Terre donnée par H’M’ en héritage.
Or, c’est précisément cet amour indéfectible, fidèle et puissant que le Peuple
d’Israël a toujours manifesté pour sa Terre – y compris durant les douloureuses nuits de
l’Exil – qui a facilité et justifié notre retour à la maison de D’ieu, et les retrouvailles bénies
avec notre Terre sacrée, si convoitée aujourd’hui par ceux qui l’ont brulée, détruite et
spoliée.
« Et il prit des pierres du Lieu et il les plaça sous sa tête, et il se coucha en ce
Lieu ». Rabbi Abraham SABA’, contemporain et proche parent de Rabbi Yossef Karo,
explique dans son célèbre « Tseror HaMor » que c’est justement en raison de son amour
intense pour les pierres d’Erets Israël que Ya’acov s’en est servi comme oreiller, et notre
Maître de rapprocher son affirmation du verset des Téhilim (102,15) : « car tes serviteurs
ont désiré ces pierres et sont amoureux de sa poussière ». C’est ainsi que Ya’acov en est
venu à se coucher sur cet endroit. Il est amoureux de la Terre, de ses pierres qu’il embrasse
et de sa poussière.
A la fin du livre du Kouzari, est abordée la question de la venue du Machia'h
(Messie). Rabbi Yéhouda Halévy affirme que le Machia’h ne viendra que lorsque le Peuple
sera follement amoureux de Jérusalem, comme il est écrit : « Lève-toi et tu prendras en
miséricorde Sion car le temps est venu, car tes serviteurs ont voulu ses pierres et sont
amoureux de sa poussière. « L’amour du Peuple juif pour la Terre d’Israël a ainsi la
faculté de renforcer également l’attachement de D’ieu pour cette Terre : l’amour d’en-bas
éveille l’amour d’en-haut » (Voir « Fleur de Feu » du Rav Shlomo AVINER).
Nos Sages racontent qu’en vertu du verset précité, « Rabbi Hiyia bar Gamda avait
l’habitude de se rouler dans la poussière d’Israël » et que « Rabbi Abba embrassait quant à
lui, les rochers de la cité d’Acco » (Kétouboth 112, a-b).
Rabbi Yéhochoua MiKoutna enseignait dans son livre « Yéchouoth Malko » (Yoré
Dé’ah Responsa 66) à l’adresse de ceux qui l’interpelaient pour savoir si le moment était
venu de monter en Erets Israël, « qu’étant donné que toutes les couches du Peuples
d’Israël (y compris ceux qui sont les plus éloignés de la Thora) sont animées par un
profond désir de retourner à la Terre de leurs Aïeux afin qu’elle soit la Terre de leurs
enfants, on peut affirmer avec quasi-certitude que la lumière de la Guéoula (délivrance
d’Israël) est en train de poindre et de scintiller ».
Celui qui aime profondément Israël est aimé de D’, lequel écoutera les prières de ses
enfants, notamment lorsqu’ils sont réunis en son Palais pour L’aimer et Le servir dans un
esprit d’unité et de fraternité.