Elie Barnavi revient sur le taux d’abstention record et le score historique du Front National
Ce dimanche 23 mars, au bout d’une campagne longue, morne, incertaine et souillée par des affaires politico-judiciaires qui n’ont rien fait pour rehausser le prestige d’une classe politique largement discréditée, les Français ont voté au premier tour des élections municipales.
Trois questions dominaient la campagne : le taux d’abstention battrait-il un record historique ? Le Front national ferait-il un score qui confirmerait son irrésistible ascension ? Le scrutin tournerait-il au vote sanction pour le Parti socialiste, qui tient tous les leviers du pouvoir mais n’a jamais été aussi impopulaire ? Aux trois, les premiers résultats de ce premier tour permettent de répondre par l’affirmative.
Avec près de 40% d’abstentions, c’est le plus mauvais taux de participation aux municipales, pourtant l’un des deux scrutins, avec l’élection présidentielle, qui a traditionnellement les faveurs des Français. Bien que le maire reste la seule figure politique populaire, le climat délétère de ces derniers mois, avec la multiplication des « affaires », s’ajoutant à la morosité générale générée par la crise, le chômage et l’impression presque unanime des citoyens – neuf sur dix ! – que leurs représentants se moquent de leurs préoccupations, a fortement pesé sur leur participation.
Même si Marine Le Pen prend ses désirs pour des réalités lorsqu’elle clame que ces élections sonnent « la fin de la polarisation de la vie politique » dans son pays, il est évident que Front national confirme son enracinement dans le paysage politique français. Une forte mobilisation de ses électeurs dans les départements où il est le mieux implanté, comme le Pas-de-Calais, l’Hérault ou le Var, conjuguée au dégoût des Français pour les grands partis de gouvernement, PS et UMP, lui ont permis d’emporter dès ce premier tour Hénin-Beaumont, ville symbole située sur des terres traditionnellement à gauche, et à se retrouver en première position dans sept autres, dont Béziers, Perpignan, Fréjus et Avignon.
Enfin, le Parti socialiste enregistre des résultats encore pires que ceux que les sondeurs lui prédisaient. Il comptait sur son implantation locale en espérant que ses élus ne pâtiraient pas trop des déboires du président de la République et de son gouvernement. Les électeurs ne l’ont pas entendu de cette oreille. De nombreuses villes qui lui étaient acquises – Reims, Quimper, Amiens, Saint-Etienne – vont probablement lui échapper. Pis, il espérait arracher à Jean-Claude Gaudin la prestigieuse Marseille ; non seulement les listes du maire sortant devancent largement les siennes, mais il arrive bon troisième, après le Front national.
Au moment on je rédige ces lignes, on ne connaît pas encore les résultats définitifs du scrutin, qui n’en est d’ailleurs qu’à sa première manche. Il faut également faire la part du fait qu’il s’agit d’élections locales, et qu’il serait imprudent d’en tirer des conclusions hâtives sur le plan national – c’est d’ailleurs l’argument traditionnel des perdants, qu’ils soient de droite ou de gauche. Cependant, une tendance se précise, et elle n’augure rien de bon pour la gauche au pouvoir lors des scrutins à venir. Et d’abord, le premier en date, les élections européennes. Le 25 mai prochain, le Front national pourrait bien rafler la mise.
Si tel est le cas, la France ne sera pas la seule. Le Parti de la liberté de l’Autrichien Heinz-Christian Strache, le même nommé du Néerlandais Geert Wilders et le UK Independence Party de Nigel Farage à l’extrême droite, le Syriza grec à l’extrême gauche et l’inclassable Mouvement 5 étoiles du clown italien Beppe Grillo, risquent tous de faire aussi bien. Maigre consolation.