Le Dernier des injustes du réalisateur Claude Lanzmann, est sorti officiellement en Israël ce lundi 27 janvier 2014, à l’occasion de la Journée internationale de la Shoah. Invité la semaine dernière en Israël par l’ambassade de France pour présenter son film, le réalisateur de Shoah s’est livré à une critique prétentieuse du Procès Eichmann, pour tenter de réhabiliter un dirigeant juif compromis avec les nazis.
En 1975, alors qu’il commence à réunir les précieux témoignages de son documentaire culte, Shoah (1985), Claude Lanzmann rencontre Benjamin Murmelstein (1905-1989), raconte-t-il.
L’homme est un personnage controversé. Grand rabbin de Vienne avant-guerre, il a été le troisième et dernier doyen du Judenrat, le conseil juif du ghetto de Theresienstadt (Terezin), en Tchécoslovaquie.
Les Conseils juifs avaient été mis en place par les nazis pour faire régner l’ordre dans les ghettos dont les habitants étaient ensuite déportés vers les camps de la mort.
En 1946, accusé d’avoir coopéré avec les Allemands, il est jugé puis acquitté, après dix-huit mois de prison. Libéré, il choisit de s’installer à Rome. « Exilé », scandera plusieurs fois Claude Lanzmann. Il lui sera également interdit à jamais d’exercer une activité dans une organisation juive.
Un acquittement qui ne suffira pas non plus à effacer aux yeux d’Israël sa compromission avec les nazis. Le jeune État juif refusera lors du procès d’Adolf Eichmann en 1961, d’entendre Benjamin Murmelstein comme témoin, jugeant que son témoignage manquait de fiabilité.
Un procès que Lanzmann qualifie de « honte », dirigé par « des cons », en particulier le procureur général Guidon Hausner. Une critique prétentieuse qui vise en fait Hanna Arendt, qui a marqué de son sceau ce procès historique.
Pour la philosophe, les Conseils juifs ont simplifié et facilité la tâche des exterminateurs, en servant d’intermédiaires entre les nazis et la population juive. Une analyse accablante et gênante pour celui qui tente de réhabiliter son personnage controversé et les Conseils juifs.
Claude Lanzmann parlera en un monologue pendant plus d’une demie heure de la fascination qu’il a pour Murmelstein, de l’attachement qu’il a pour cet homme qui : « criait, il criait oui, il criait beaucoup (dans le ghetto), c’est tout, c’était un homme extrêmement intelligent, un conteur hors pair, un conteur merveilleux souligne le réalisateur à plusieurs reprises. »
« Cet homme si intelligent, ne vous aurait-il pas séduit, par l’un de ses contes, sa propre histoire, ne vous aurait-il pas en quelque sorte manipulé ? », demande alors Le Monde Juif .info.
Le cinéaste se dit blessé par une telle question, par le mot « manipulé », en guise de réponse, il rétorque : «J’ai fait Shoah ! ».
S’il est vrai que le documentaire culte Shoah est une référence historique de par les témoignages recueillis dans le film, il n’en est rien du Le Dernier des injustes qui est essentiellement le témoignage de Murmelstein et celui qui le rapporte, Claude Lanzmann.
Interrogé par Le Monde Juif .info, sur le regard du Mémorial de la Shoah de Yad Vashem, sur son film et sur sa réhabilitation de Murmelstein, Lanzmann nous déclare “Je me fous de ce que pense Yad Vashem de mon film”, affirmant que l’institution n’a pas vu ce documentaire, alors que neuf projections du Dernier des injustes seront présentées au public israélien dans les semaines à venir, toutes précédées par un exposé d’un conférencier choisi … par le Mémorial de la Shoah.
Maryline Medioni et Yohann Taieb – © Le Monde Juif .info