A l4occasion du 32 ème Dîner du Crif, présidé par Francis Kalifat, les candidats à la
prochaine élection présidentielle en France ont tous répondu présent. A l’exception, bien
évidemment, des extrêmes comme le parti de Marine Le Pen, et Jean-Luc Mélenchon,
exclus par l’instance, qui les juge en contradiction avec ses propres valeurs et celles du
peuple juif. Un paramètre utile à rappeler, en ces temps où, effrayés par la montée de
l’islamisme et la haine des juifs, daucuns, parmi nous, seraient tentés d’aller donner
leurs voix au parti mariniste.
Mais sinon, « ils sont venus, ils sont tous là ». Car l’anecdote me rappelle cette célèbre
chanson. Tout l’hémicycle est représenté, de la Gauche à la Droite, avec comme invité
d’honneur, le Président de la République française, François Hollande, reçu mollement.
Nous pouvions donc croiser, ce soir-là, tous les candidats et leurs suppléants. On s’en
doute, Benoît Hamon, et son obsession de l’Etat Palestinien, n’ont pas fait recette.
Petit nouveau dans l’aventure, Emmanuel Macron a séduit : « Je viens témoigner ici de
mon attachement à la communauté juive et de mon amitié. J’ai toujours marqué des
positions claires. » Quant à François Fillon, il déclarait au Figaro, à propos de ce raout
éminemment politique, « Je viens tous les ans. C’est une manière de manifester mon
respect pour la communauté française juive d’origine et de venir soutenir des hommes
et des femmes qui sont en proie à ces actes de violence et de racisme qu’;il faut
combattre avec la plus grande force. » Ces deux derniers candidats ont tout rasé, en
matière d’ovation et d’hommage, sur leur passage. Le moins que l’on puisse dire, c’est
que Macron et Fillon ont tout deux une importante cote de popularité auprès de notre
communauté, ou du moins de ceux qui ont suffisamment de poids en son sein, pour être
invités à ce dîner.
L’un est honni par les médias en ce moment, l’autre est un chouchou médiatique dont on
parle pour un oui pour un non. Leurs vies privées, leurs finances, leurs verbatim sont
passés au crible par une presse qui se délecte des ennuis de l’un, de la popularité de
l’autre. Qu’on ne se leurre pas, il faut vendre. Alors la presse se délectera aussi des
rumeurs concernant le nouveau, et de sa baisse supposée dans les sondages. Je note,
moi, qu’avec sagesse, la communauté juive, longtemps décriée, ne cède pas aux sirènes
du prêt-à- penser. Elle sait se faire sa propre idée. J’espère juste que nos votes, comme
ceux des autres Français, porteront au pouvoir un candidat qui nous évitera le pire…
Car en ce moment, les esprits hésitent, je le sens bien. Je voudrais que nos
corelegionnaires comprennent que le risque de voir une Marine Le Pen au deuxième
tour de l’élection n’a jamais été aussi grand. Que si Hamon et Mélenchon, sans oublier le
PC et les écologistes, font alliance, alors le clientélisme communautaire sera la règle
pour les 5 ans à venir.
Et si c’est le parti de la haine qui l’emporte, alors le pire est à craindre…
Outre les politiques en campagne, il y avait aussi, lors de ce dîner, les politiques en poste.
Et je saluerai, concernant ce dîner, le courage du Président du CRIF, Francis Kalifat, qui a
eu le courage d’interpeler le Chef de l’Etat et le Gouvernement sur le deux poids deux
mesures d’un état et de ses représentants qui, d’un côté prétendent lutter contre
l’antisémitisme et de l’autre, sont d’un laxisme complice lorsqu’il s’agit de lutter contre
les injustices et les discriminations à l’égard d’Israël.
Bien sûr, le gouvernement français a pris la mesure de la menace et œuvré pour la
sécurité de nos écoles, de nos lieux de culte et de vie communautaire. Cela, Francis
Kalifat l’a rappelé, sous une salve d’applaudissements, preuve que nous savons
reconnaître ce qui est. Mais c’est peine perdue, si l’on encourage la haine d’Israël, ou du
moins si on la laisse exister en détournant le regard. Ou en votant, en catimini, des
résolutions révisionnistes à l’Unesco. Le Président du Crif a donc tenu à rappeler le lien
particulier entre les juifs de France et Israël, entre le peuple juif et Jérusalem.
Israël est « une démocratie, un État de droit et un pays de libertés », a souligné M.
Kalifat. Mais ce n’est pas ainsi qu’il est présenté : « le vrai problème, c’est que l’État
d’Israël, est souvent traité à part et discriminé comme un État paria », a-t- il martelé. Il a
aussi rappelé ce qui en France, dans une « société en souffrance », dans une « démocratie
qui n’est plus une évidence », fait le quotidien des juifs en particulier, des Français en
général : la libération d’une « parole raciste et antisémite » qui « remonte des égoûts
souvent dans l’indifférence ». Francis Kalifat a fait part d’un constat : « Ceux qui, en
France, ont un problème avec les juifs et Israël ont presque toujours un problème avec la
démocratie ».
On peut rappeler les jours funestes : le 23 Décembre 2016, la France a voté la résolution
2334 à l’ONU, au conseil de sécurité contre Israël… Il en est ainsi à l’Assemblée Générale
des Nations Unies et au Conseil des Droits de l’Homme. Des pays y accumulent les
condamnations contre Israël. Sur la seule année 2016, 18 résolutions à l’Assemblée
Générale et 12 au Conseil des Droits de l’Homme. Douze : c’est plus que l’ensemble des
résolutions de ce Conseil en 2016 sur la Syrie, l’Iran, le Sud Soudan et la Corée du Nord
réunis… On peut parler aussi de ce jour où la France s’est abstenue de voter contre, à
l’Unesco, niant au peuple juif son lien historique avec Jérusalem. Francis Kalifat l’a fait. Il
a dit, devant toute l’assemblée de politiques qui comptent, à quel point les Français juifs
en ont assez des discours emphatiques et des compromissions discrètes. Il a dit avec
courage ce que nous, corelegionnaires, avions sur le cœur depuis de longues années. Il a
rappelé la nécessité de ne pas tomber dans le piège que nous tendent les extrémistes et
les haineux, les ennemis de la démocratie et de l’éthique.
Car s’il faut dire à nos élus, ce que nous juifs attendons du politique, il faut aussi les
prévenir : faire semblant de ne pas voir, c’est faire courir un grand danger au peuple
français tout entier. Israël et la discrimination que cet état subit ne sont qu’un double
signal d’alarme, et ceux qui nient la réalité risquent, un jour, de le payer très cher. Car
l’Etat hébreu avait prévenu. Dans sa guerre perpétuelle contre le terrorisme, il avait
prédit que ce qui frappait douloureusement et quotidiennement son peuple et sa terre
viendrait un jour en Europe. Les Européens ont préféré faire les sourds. Une surdité qui
nous a valu plus de 250 morts et des milliers de vies brisées.
Le Chef de l’Etat a repris la parole, tenté de se justifier. Peine perdue. Mais plutôt que les
excuses maladroites d’un politique qui rend son tablier, je retiendrai le courage et la
franchise d’un leader communautaire qui n’a pas eu peur de monter au front pour
défendre ses coreligionnaires.
Bravo, monsieur Francis Kalifat, pour votre honnêteté.
Am Israël Haï
Alain Sayada