Une firme israélienne aide le FBI à casser les codes secrets de l’iPhone. « Une société d’informatique israélienne aide actuellement leFBI à déverrouiller l’iphone de Syed Farook, le terroriste qui a perpétré la fusillade de feu de San Bernardino, qui a coûté la vie à 14 personnes le 2 décembre », rapporte mercredi le journal israélien Yedioth Ahronoth.
Le service fédéral de police judiciaire américain a fait appel aux services de la société Cellebrite, qui produit des logiciels permettant de débloquer la sécurité de certains téléphones, après avoir échoué à faire pression sur le fabricant des appareils iPhone, le géant de l’informatique Apple, pour qu’il accède à sa requête. Cellebrite a créé un système qui peut récupérer des données cachées dans les téléphones cryptés.
Selon Les Echos : « Le bras de fer entre le gouvernement américain et Apple est terminé, le FBI ayant réussi à débloquer l’iPhone de San Bernardino sans l’aide de la firme de Cupertino. La question de la protection de la vie privée reste néanmoins irrésolue.
Après des semaines de bataille judiciaire avec Apple, les enquêteurs américains sont finalement parvenus à débloquer l’iPhone d’un des auteurs de l’attentat de San Bernardino en Californie sans l’aide de la firme à la pomme. Le gouvernement a « accédé avec succès aux données stockées sur l’iPhone de Farook et n’a donc plus besoin de l’assistance d’Apple », indique un document transmis lundi à la justice par les autorités américaines. Celles-ci ont donc demandé l’annulation de l’injonction judiciaire du 16 février, avec laquelle elles avaient tenté d’obliger l’entreprise à les aider à hacker le téléphone.
« Depuis le début, nous nous opposions aux exigences du FBI pour qu’Apple construise une porte dérobée [afin d’entrer] dans l’iPhone, parce que nous pensions que c’était une erreur et que cela créerait un dangereux précédent. Rien de ceci n’a eu lieu », s’est réjoui Apple dans un communiqué.
L’association américaine de défense des droits des internautes Electronic Frontier Foundation s’est également félicitée « que le département de la Justice batte en retraite dans sa tentative dangereuse et inconstitutionnelle de forcer Apple à pervertir la sécurité de son système d’exploitation iOS ».
Toutefois cela ne met pas fin au débat sur le chiffrement.
De nouvelles inquiétudes quant à la protection de la vie privée. « C’est une drôle de nouvelle », commente le cofondateur de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann, contacté par « Les Echos ». L’utilisation de vulnérabilités en termes de sécurité dans iOS par le gouvernement soulève de nouvelles inquiétudes. « Cela montre que lorsque l’un des premiers services de police au monde y met les moyens, il a la capacité de casser le chiffrement d’appareils commerciaux », déplore Jérémie Zimmermann.
« Embarrassé par le chiffrement », qui constitue un obstacle au renseignement, « le FBItentait d’imposer aux fabricants d’affaiblir leur cryptographie », selon lui. « Le Département de la Justice a menti au tribunal, aux journalistes et à la face du monde en répétant qu’il n’était pas possible de débloquer l’iPhone sans l’aide d’Apple. C’est grave. Tous les experts en technologie disaient qu’il y avait des solutions », ajoute-t-il.
Quelles conséquences pour Apple ?
« Apple ne peut pas nous protéger. Il n’y a qu’en utilisant le chiffrement de bout en bout que le public pourrait garantir la protection de sa vie privée », ajoute Jérémie Zimmermann. Cette technologie, utilisée aujourd’hui par de nombreuses applications de messagerie comme WhatsApp qui se disent ultra-sécurisées, assure le chiffrement des communications entre deux interlocuteurs et ne permet pas au fournisseur de la solution de consulter les échanges.
L’expert en technologies Robert Enderle prévient : ce qu’a fait le FBI peut nuire à Apple, car « les dirigeants (d’entreprises), responsables politiques, artistes et autres utilisateurs en vue de l’iPhone sont susceptibles d’envisager de passer à un autre » appareil. Il fait aussi valoir que ce nouvel épisode peut être interprété comme le fait que les utilisateurs font face « à un risque plus élevé d’être piratés ».
Pendant ce temps, de nombreux smartphones dit « ultra sécurisés » comme le Blackphone et le Turing Phone font leur apparition sur le marché dans un contexte où la surveillance et l’utilisation de données personnelles n’ont jamais été aussi importantes. Pour Jérémie Zimmermann, « l’émergence d’une myriade de produits de sécurisation montre qu’il y a un marché pour cela, tout à fait inexploité ».
Jérôme Colin, analyste chez Roland Berger, estime qu’Apple « se retrouve avec un réel besoin de renforcer ses technologies de sécurité pour maintenir l’image qu’il défend. »
Une campagne de communication sans précédent
Le lancement sur le marché de l’ iPhone SE , qui sera commercialisé à partir du 31 mars, sera-t-il impacté par ce revers pour Apple, maintenant que le public sait que ses appareils ne sont pas infaillibles ? Rien n’est moins sûr. L’iPhone 5C , modèle qui a été débloqué, est présenté comme moins sécurisé que les derniers smartphones de la firme à la pomme. En outre, le refus d’Apple de collaborer avec le FBI et ses différentes prises de position ces dernières semaines ont constitué « une formidable campagne de communication d’un mois » pour l’entreprise, assure Jérémie Zimmermann, soulignant : « Apple va rester le chevalier blanc de la protection des données pour le grand public. » (Anaëlle Grondin)